Le mythe du chef : Pétain, Charlemagne, Napoléon

samedi 15 avril 2023.
 

Avec Emmanuel Macron, la France a hérité d’un président de la république dont les entretiens avec son père portait sur Napoléon, De Gaulle... (Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait par Anne Fulda). Décidément, son surnom de Jupiter est bien trouvé. Mais qu’y a-t-il sous cette attirance pour les chefs ?

A) Message en forum reçu sur notre site : PETAIN, çà c’était un chef !

PETAIN, çà c’était un chef !

Tout pour préserver les souffrances à son peuple ! Redonner l’espoir disparu. Mais les zones d’ombre ?.... c’était obligé qu’il y en ait

Sans le Maréchal la vie durant ces quatre années aurait été des plus douloureuse pour les Français ! La France aurait été envahie complètement dès 1940 et les 450000 juifs d’Afrique du nord auraient été coffrés tout de suite par les schleus ! Qui aurait pu éviter çà ? De Gaulle ? tu parles !

Aujourd’hui, La France disparait petit à petit bouffée par les communautarismes envahissants avec l’aval de nos chers politiciens de gauche et de droite qui sous Bonaparte auraient été fusillés pour haute trahison !

Où sont passés ceux qui ont fait notre histoire ?

Les Clovis,Charlemagne, Bayard, Du Guesclin, Jeanne D’Arc, Henry IV, François 1er, Napoleon ...... Ils avaient tous l’âme de Hussards et tous les autres politiciens de pacotilles.... Carriéristes, Affairistes... des petits trous du cul oui !

Vive le Maréchal ! Vive l’Empereur !

B) Réponse au message "Pétain, ça c’était un chef !" : 6 cohérences idéologiques réactionnaires (Jacques Serieys)

L’intérêt de certains messages en forum sur le web, c’est qu’ils véhiculent des idées tellement arriérées qu’elles nécessitent une réponse portant sur l’essentiel.

Tel est le cas de ce texte court mais extraordinaire arrivé sur notre site. J’ai préféré le publier en article avec sa critique plutôt qu’en forum sous l’article (11414) car il est d’actualité et mérite réflexion.

Je le situe au croisement de six cohérences idéologiques réactionnaires ; c’est beaucoup :

-> 1) Le culte du chef

Ce culte apparaît nettement :

- dans le titre du message "Pétain, ça c’était un chef !"

- dans la litanie de héros nationaux énumérés dans le 4ème paragraphe : « Clovis,Charlemagne, Bayard, Du Guesclin, Jeanne D’Arc, Henry IV, François 1er, Napoléon ».

- dans la conclusion « Vive le Maréchal (Pétain) ! Vive l’Empereur ! »

Dans mon département de l’Aveyron, le culte du chef revient sans cesse sur le devant de la scène depuis quatre siècles comme alternative aux possibilités démocratiques :

- Premièrement, lorsque l’Etat royal absolutiste a voulu casser les communautés villageoises, leurs élections annuelles de consuls, leurs biens communs, leurs structures collectives et leur imposer des féodaux au pouvoir sans limite

- Deuxièmement pendant la Restauration légitimiste (Louis de Bonald) pour justifier la nécessité d’un Roi qui unifie, symbolise et représente tout le corps social. Le rôle du chef serait naturel dans la société humaine comme parmi les animaux ; il s’agit là d’une réponse réactionnaire à la cohérence des "droits naturels de l’homme" portée en particulier par Robespierre.

- Troisièmement dans les années 1880 à 1914 pour répondre au besoin de "chefs d’entreprise" et de "managers" à leur service ("la nécessité du grand chef, communiquant à tous l’impulsion s’impose" Robert Pinot, vice-président du Comité des Forges), pour pallier à l’érosion du rôle social, économique et politique des nobles, pour combattre aussi les théories démocratiques portées par l’aile avancée des républicains et par le mouvement socialiste, pour répondre à la difficile maîtrise de foules anonymes. Notons à cette époque l’affirmation célèbre du sociologue Gustave Le Bon « Les hommes en foule ne sauraient se passer de maîtres ».

- Quatrièmement, dans les années 1919 à 1939, comme réponse à la crise politique, économique et sociale. Le fascisme est financé par les organisations patronales ; il utilise les théories managériales pour promouvoir la société hiérarchique. Ainsi, le fascisme italien utilise les idées avancées par Henri Fayol dans « Administration industrielle et générale ». Un courant monarchiste fasciste comme Action française synthétise parfaitement ce lien entre despotisme d’usine et despotisme politique. Dans son ouvrage "Le Chef dans l’usine, dans la cité", Georges Coquelle, proche de Maurras, établit parfaitement ce lien : « L’entreprise est un groupe qui agit pour une fin déterminée et dès lors se hiérarchise. Le chef est donc nécessaire, qui seul peut assurer unité de direction et unité de commandement... Trop de vies humaines ont payé, pendant près de quatre ans (1914 1918), l’absence d’un chef unique pour que les Français soient prés d’oublier... Le gouvernement de plusieurs n’est pas bon. » Dans tous les pays européens, l’Eglise catholique joue un rôle particulièrement important dans la diffusion du culte du chef et des chefs avec des auteurs comme Henry Bordeaux, Pierre l’Ermite, le Révérend Père Albert Bessières et son Evangile du Chef qui claironne « cet appel unanime de l’Eglise, de la patrie, de l’industrie, du commerce, de l’armée, de la politique : DES CHEFS. »

- Cinquièmement, dans les années 1958 à 1968 pour justifier la 5ème république au détriment de prétendus défauts trop démocratiques de la 4ème. Il est vrai que Charles De Gaulle avait fait partie des meilleurs théoriciens du culte du chef « Les hommes... ces animaux politiques, ont besoin d’organisation, c’est à dire d’ordres et de chefs. »

Plusieurs sociologues et historiens établissent un lien entre le développement théorisé du culte du chef et le développement du capitalisme. En effet, la réflexion sur les qualités du chef date surtout des années 1880 à aujourd’hui, particulièrement aux USA, en Grande Bretagne et en Allemagne. Il serait trop long de développer ce point ici.

-> 2) le pétainisme, forme française de la constellation fasciste européenne des années 1940 à 1945

L’appel au maréchal Philippe Pétain comme « chef dont la France a besoin » date des années 1934 à 1937. La Cagoule porte également ce mythe.

Nous employons ici le terme pétainisme à propos du régime de Vichy mis en place le 10 juillet 1940.

Ce pétainisme a aidé le pire fascisme, à savoir le nazisme qui a été vaincu en 1945. Aussi, l’auteur du message Pétain, ça c’était un chef argumente qu’il n’était pas possible de faire un autre choix dans l’intérêt national que celui de la collaboration.

Tout pour préserver les souffrances à son peuple ! Redonner l’espoir disparu. Mais les zones d’ombre ?.... c’était obligé qu’il y en ait.

Sans le Maréchal la vie durant ces quatre années aurait été des plus douloureuse pour les Français ! La France aurait été envahie complètement dès 1940 et les 450000 juifs d’Afrique du nord auraient été coffrés tout de suite par les schleus ! Qui aurait pu éviter çà ? De Gaulle ? tu parles !

Ce point de vue occulte plusieurs points :

- Sans le Maréchal... les 450000 juifs d’Afrique du nord auraient été coffrés tout de suite par les schleus ! Faux ! C’est le régime du maréchal Pétain qui a fait passer l’Afrique du Nord dans la zone dominée par le Troisième Reich. Au lieu de procéder ainsi, le gouvernement aurait pu se déplacer en Afrique du Nord pour continuer la guerre aux côtés de la Grande Bretagne puis de l’URSS ; ce fut d’ailleurs une éventualité largement discutée à l’époque.

- Sans le Maréchal la vie durant ces quatre années aurait été des plus douloureuse pour les Français ! Affirmer cela, c’est oublier que le régime de Vichy convenait parfaitement à Hitler qui voulait disposer du maximum de ses divisions pour sa priorité : gagner l’espace vital du Reich au détriment de l’URSS et ainsi en finir avec le communisme. C’est oublier aussi les souffrances terribles de la population juive et des familles progressistes Résistantes.

3) Racisme, xénophobie et décadentisme contre l’envahissement de la France par les étrangers

Notre message en forum "Pétain, ça c’était un chef !" présente un aspect xénophobe évident (noter les Allemands caractérisés par le terme de "schleus").

Il sent surtout l’odeur du racisme "souchien" contre tous les immigrés Aujourd’hui, La France disparait petit à petit bouffée par les communautarismes envahissants

Cette dernière phrase rend compte d’une caractéristique connue de tous les fascismes : la crainte communautaire de perdre son identité collective fantasmée.

4) Le militarisme

Dans le message "Pétain, ça c’était un chef !" , le militarisme apparaît surtout dans le dernier paragraphe et sa référence sublimée aux Hussards, cavaliers d’élite :

« Les Clovis,Charlemagne, Bayard, Du Guesclin, Jeanne D’Arc, Henry IV, François 1er, Napoleon ...... Ils avaient tous l’âme de Hussards »

5) Antiparlementarisme et conception totalitaire de l’ORDRE

Le message "Pétain, ça c’était un chef !" apparaît aussi comme un reste inattendu des ligues fascistes françaises des années 1890 à 1944 qui combattaient la gueuse (la république) avec sa charge contre :

« nos chers politiciens de gauche et de droite qui sous Bonaparte auraient été fusillés pour haute trahison ! ».

Mis à part Cadoudal et le duc d’Enghien, je ne vois pas qui Bonaparte, 1er consul, a fait fusiller.

« tous les autres politiciens de pacotilles.... Carriéristes, Affairistes... des petits trous du cul oui ! »

Front National Une idéologie fondée sur l’ORDRE (Analyse de la stratégie du FN 2ème partie)

6) Le napoléonisme

Le message "Pétain, ça c’était un chef !" relève également de cette idéologie rance typiquement française. Elle peut se définir comme un attachement à la personne et à l’action de Napoléon 1er.

Le napoléonisme est présent ici par sa référence à Bonaparte qui aurait fusillé pour haute trahison tous les politiciens actuels de "droite et de gauche" et surtout par son dernier cri dont on se demande ce qu’il vient faire ici Vive l’Empereur !.

7) Conclusion

Pour offrir une panoplie complète du parfait réactionnaire, ce petit message avait besoin d’un brin de langage ordurier. Comme notre lecteur l’aura bien repéré, cela ne manque pas « avec tous les autres politiciens de pacotilles.... Carriéristes, Affairistes... des petits trous du cul oui ! »

Jacques Serieys


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