« Institutrices, soeurs laïques de la République ? », de Pierre Mazataud, par Jean-François Chalot

mercredi 6 septembre 2006.
 

C’est un livre qui pourrait passer inaperçu ou n’intéresser que quelques spécialistes ou historiens locaux...Ce serait bien dommage car toutes celles et tous ceux qui défendent l’école laïque et l’indépendance des enseignants pourraient y puiser des informations utiles sur la carrière de ces institutrices « pionnières » de la fin du 19ème siècle et du début du suivant.

Ces douze histoires personnelles et professionnelles reconstruites par l’auteur à partir des archives départementales du Puy de Dôme nous montrent le « combat » difficile menée par ces femmes pour à la fois défendre et promouvoir l’école laïque en construction et à la fois résister aux pressions parfois énormes qu’elles subissent. « Ces bons vignerons républicains veulent bien une institutrice laïque à condition que ses mœurs soient celles d’une religieuse »...

Pour beaucoup de ces jeunes femmes sorties pour certaines d’entre elles de l’Ecole normale, la vie rude faite d’austérité et de renoncement sera leur seul horizon et gare à celle qui veut affirmer sa liberté de vivre libre en dehors de la classe !

« Une vie gâchée. Une jeune femme brillante qui n’a pas voulu se conformer à l’image conventionnelle de l’institutrice lorsqu’elle était en fonction et qui, démissionnaire, reste jusqu’à la fin de sa vie, et dans le dénuement le plus complet, attachée à l’idéal de l’institutrice laïque »

Certaines, catholiques pratiquantes seront surveillées, épiées, rejetées parfois par les républicains se méfiant de leur passé et aussi par les religieux doutant de leur foi...

Toutes, qu’elles soient croyantes, agnostiques ou athées défendent la laïcité de l’école et doivent enseigner avec des moyens plus que limités et faire face à la concurrence de l’école confessionnelle.

L’indépendance n’existe pas pour ces enseignantes, il leur faut subir la pression des maires, du député, résister aux parents qui les surveillent et plaire à l’inspecteur.... Certaines de ces femmes ont essayé de s’extraire de cette dépendance et même de s’en affranchir...

Combat difficile. « Maires, inspecteurs, députés se voulaient tuteurs de ces frêles femmes : la plupart se voulaient paternels, mais certains restaient persuadés qu’une institutrice devait être dirigée avec plus d’attention qu’un instituteur. ».

Cette mise sous tutelle des instits, ce triple joug imposé par les potentats locaux, les inspecteurs et la direction d’école est bien décrit par l’auteur.

Dommage qu’il n’ait ni raconté ni même évoqué la construction durant cette même période de syndicats d’instituteurs et d’institutrices...Pourtant ce combat nécessaire et indispensable pour l’indépendance de la profession a été mené courageusement par de nombreux instituteurs et institutrices adjoint(e)s et ceci malgré l’interdiction qui leur était faite de se syndiquer.

Collection écrits société Editions Ouest-France Février 2006 167 pages 13 €


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