Point de vue : Alternative sociale et contrainte écologique (par Daniel TANURO)

mardi 23 décembre 2008.
 

Contribution présentée dans le cadre de la journée de réflexion de l’Interrégionale wallonne de la Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB) « Dénoncer le capitalisme ensemble », Namur, 15 décembre 2008.

Une récession économique sans précédent dans l’histoire du capitalisme, un état d’urgence écologique sans précédent dans l’histoire de l’humanité : la combinaison de ces deux caractéristiques ouvre une situation de crise systémique dont la nouveauté devrait être mieux prise en compte dans les débats stratégiques à gauche. D’une part, loin d’être purement « financière », la crise économique exprime un épuisement du capitalisme qui plombe toute perspective de relance, fut-elle verte, du mode de production capitaliste. D’autre part, sous peine d’irresponsabilité criminelle, toute alternative à la gabegie marchande doit impérativement s’inscrire dans les contraintes physiques dictées par la lutte contre le changement climatique. C’est un tournant historique, qui ouvre une ère nouvelle pour les luttes. Les mouvements sociaux, le syndicalisme en particulier, doivent en tirer toutes les conséquences.

Deux caractéristiques sans précédent de la crise

Première caractéristique : une conjoncture capitaliste de longue durée combinant profits élevés et dépression sociale

Pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, un redressement substantiel du taux de profit, sur une longue période (plus de 20 ans), ne s’accompagne pas d’une onde longue d’expansion économique et de relatif progrès social [1]. Les profits restent largement dans la sphère financière, les taux de retour exigés sur investissements impliquent une hausse du taux d’exploitation qui asphyxie la demande, et le bouclage du système se fait par l’endettement ainsi que par la croissance de la consommation de luxe.

Dans une étude récente [2], l’économiste Michel HUSSON a montré que les années 1982-83 marquent un point d’inflexion à partir duquel (i) le taux de profit remonte spectaculairement, tandis que le taux d’accumulation continue à diminuer ; (ii) la consommation reste stable (UE) ou progresse (USA) alors que la part des salaires dans le PIB recule fortement – de sorte que la différence entre les deux courbes correspond à la consommation par d’autres revenus que ceux du travail.

De ce fait, la période qui court de 1980 à aujourd’hui diffère profondément des précédentes ondes longues de taux de profit élevé (1848-1873, 1893-1913 et 1948-1967 [3]) analysées notamment par Ernest MANDEL. Ces ondes longues, en effet, se caractérisaient non seulement par le redressement durable des profits mais aussi par une expansion importante des investissements productifs, donc de l’accumulation du capital, ainsi que par un progrès social indiscutable (quoique relatif et nullement automatique), voire une certaine réduction des inégalités [4].

L’onde longue actuelle, au contraire, présente à la fois un taux de profit digne des Trente Glorieuses et une série de traits sociaux qui évoquent plutôt l’entre-deux guerres : maintien d’un chômage massif ; creusement des inégalités sociales ; pression permanente sur les salaires, les conditions de travail et les revenus de remplacement ; démantèlement des services publics ; contre-réforme fiscale en faveur des revenus du capital… Sans oublier une ambiance culturelle générale de cynisme, d’individualisme, d’irrationalisme voire de nihilisme qui n’est pas sans rappeler les années trente.

Deuxième caractéristique : le capitalisme menace l’environnement naturel au sein duquel les civilisations se sont développées

Il convient de bien prendre la mesure du changement climatique et de ses implications : pour la première fois dans l’histoire du genre humain, un mode de production entraîne l’humanité à franchir irréversiblement les limites physiques qui conditionnent l’environnement naturel au sein duquel les civilisations sont nées et se sont développées, depuis 6000 ans.

Le dernier rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) ne permet plus de doute : la combustion des combustibles fossiles (et la déforestation dans une moindre mesure) envoient dans l’atmosphère des quantités de dioxyde de carbone (CO2) supérieures à la capacité d’absorption par les écosystèmes (plantes vertes et océans). Cette accumulation de CO2 dans l’atmosphère est la cause fondamentale du changement climatique. Celui-ci n’est donc pas dû à « l’activité humaine » en général, comme on le dit trop souvent, mais bien au mode d’activité de l’humanité depuis la Révolution industrielle capitaliste [5].

Les impacts humains et écologiques du réchauffement sont déjà perceptibles et s’accentuent. La montée du niveau des océans menace les plaines côtières ; les sécheresses s’aggravent dans certaines régions et les pluies sont trop abondantes dans d’autres ; les ressources en eau diminuent dans certaines régions tandis que d’autres connaissent des risques accrus de pollution ; la productivité agricole diminue aux basses latitudes et risque de décliner au niveau mondial au-delà d’un certain niveau de réchauffement ; certaines maladies s’étendent ; la perte de biodiversité fragilise les capacités d’adaptation des écosystèmes, donc aussi de l’humanité ; les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent plus violents…

Ces conséquences frappent et frapperont essentiellement les couches sociales exploitées ou opprimées ainsi que les personnes les plus faibles dans la société : paysans pauvres, travailleurs pauvres, personnes habitant ou travaillant dans des zones à risque, peuples indigènes, monde du travail en général - en particulier femmes, enfants, malades et personnes âgées. Les populations pauvres des pays en développement sont en première ligne, mais celles des pays développés sont exposées également. L’expérience du cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans est très éloquente à cet égard [6].

Dans les prochaines décennies, le changement climatique menace de provoquer des déplacements massifs de population, des famines et des conflits armés. Des centaines de millions de gens sont concernés, en particulier par le risque de stress hydrique accru qui pèse sur plus d’un milliard d’êtres humains (en plus de ceux qui souffrent déjà de pénurie d’eau). Une partie des plaines côtières, berceaux de la civilisation, où vit plus de 50% de l’Humanité, pourraient être rendues inhabitables avant la fin du siècle. Bref, en l’espace de quelques décennies, le monde risque de devenir assez brusquement encore plus chaotique et violent qu’aujourd’hui.

Trois constats sur les sorties de crises

La combinaison des deux crises impose aux mouvements sociaux de dresser lucidement trois constats, relatifs aux conditions de sortie de la crise économique et aux conditions de sortie de la crise climatique.

Premier constat : une nouvelle onde longue de prospérité capitaliste n’est pas possible sans un recul social d’une ampleur comparable aux effets combinés du fascisme et de la deuxième guerre mondiale

Selon les spécialistes, le passage d’une onde longue expansive à une onde longue récessive résulte « automatiquement » de facteurs économiques, mais le passage d’une onde longue récessive à une onde longue expansive nécessite un choc extérieur à l’économie proprement dite ( « choc exogène » : guerre, dictature, etc).

Pour Ernest MANDEL (op. cit.), le « choc exogène » qui permit l’onde longue expansive d’après-guerre (« les trente glorieuses ») fut l’écrasement du mouvement ouvrier par les régimes fascistes, couplé à l’augmentation importante du taux d’exploitation de la classe ouvrière dans les autres pays capitalistes, pendant la guerre et dans l’immédiat après-guerre.

Cependant, cette augmentation drastique du taux d’exploitation ne fut pas suffisante pour relancer le système en 1945. La crise de 1929 avait laissé des traces à ce point profondes que l’onde longue expansive dut être tirée par des commandes publiques massives (principalement dans le domaine de l’armement) qui creusèrent un déficit considérable et alimentèrent l’inflation permanente. En d’autres termes, la prospérité capitaliste retrouvée au cours des « trente glorieuses » était bâtie sur un krach sans précédent, des millions de morts, des destructions terribles et un océan de dettes.

Cette analyse rendait MANDEL fort sceptique quant à la possibilité que l’onde longue récessive initiée au début des années ’70 débouche sur une nouvelle onde longue expansive à partir des années ’90. Le redressement du taux de profit au cours des années ’80 était insuffisant, écrivait-il. Quant au chômage massif, à l’austérité et au recul imposé au mouvement ouvrier, tout importants fussent-ils, ils étaient loin de constituer un « choc exogène » à la mesure des exigences d’un capitalisme de plus en plus malade de ses propres lois.

A cet égard, MANDEL attirait particulièrement l’attention sur la contradiction entre la tendance du système à augmenter le taux d’exploitation des salariés (pour compenser la baisse du taux de profit résultant de l’emploi de machines de plus en plus complexes), d’une part, et les besoins de réalisation de la plus-value par la vente des produits mis sur le marché en quantités toujours plus énormes, d’autre part. « Qui va acheter toutes ces marchandises produites avec des machines achetées à crédit ? », interrogeait-il. Le « capitalisme du troisième âge », selon son expression, ne pouvait qu’éprouver de plus en plus de difficultés à surmonter cette contradiction. Il y voyait une preuve de l’épuisement historique de ce mode de production.

Force est de constater que cette vision est validée par la conjoncture depuis le tournant des années ’80. Oui, le taux de profit est rétabli, mais cela ne suffit pas à relancer durablement la machine. Oui, les Etats-Unis ont connu une croissance forte, mais elle était tirée par un endettement délirant dont on voit aujourd’hui le résultat. Oui, la croissance chinoise est vigoureuse et soutenue, mais la production est réalisée en grande partie par et pour des multinationales qui vendent 55% des marchandises dans les pays développés. Oui, la croissance du marché intérieur chinois est spectaculaire, mais elle n’est pas de nature à entraîner le capitalisme mondial dans une nouvelle onde longue expansive.

La crise actuelle montre au contraire que le système, loin de s’orienter vers le retour à une prospérité durable, s’enfonce toujours plus dans ses contradictions. Les plans de relance discutés et adoptés par les gouvernements pour tenter de juguler la crise ne peuvent au mieux qu’amortir le choc. Ils sont totalement insuffisants pour rétablir rapidement la situation antérieure à la crise des subprimes (pour ne pas parler d’enclencher une période de prospérité analogue aux décennies 50-70). Mais des plans plus ambitieux relanceraient inévitablement la spirale de l’endettement et de l’inflation, que les politiques néolibérales avaient précisément pour objectif d’arrêter. L’impasse est donc profonde et structurelle.

Qu’on le veuille ou non, on retombe sur la conclusion centrale de MANDEL : une relance durable du capitalisme – une nouvelle vague d’accumulation, de plein emploi et de progrès social d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années - n’est possible que moyennant un ensemble préalable de « chocs exogènes » ayant grosso modo le même effet que la Grande Dépression, le nazisme, le fascisme et la Deuxième Guerre Mondiale. Quoique fort affaiblies par l’offensive néolibérale, les lignes de résistance sociales, notamment syndicales, ne permettent heureusement pas de recourir à ce genre de remède, pour le moment.

Deuxième constat : la stabilisation du climat au niveau le moins dangereux possible implique un effort draconien des pays développés et un effort substantiel des pays en développement.

En 1996, le Conseil des ministres de l’Union Européenne se prononçait pour une politique climatique visant à maintenir le réchauffement au-dessous de 2°C par rapport à 1780. Cela reste à ce jour la position officielle de l’UE.

Aujourd’hui, un examen attentif du quatrième rapport du GIEC conduit à conclure que le seuil de dangerosité du changement climatique se situe en fait autour de 1,7°C plutôt que de 2°C de hausse par rapport à l’ère pré-industrielle. [7]

Cependant, selon les scénarios de stabilisation présentés dans le rapport 2007, l’accélération du réchauffement est telle qu’il ne semble plus guère possible, malheureusement, de stabiliser la hausse de température au-dessous d’une fourchette de +2°C à +2,4°C.

Les conditions d’une stabilisation à ce niveau sont d’ailleurs draconiennes. Il s’agit en effet de commencer à réduire les émissions au plus tard en 2015 et d’atteindre 50 à 85% de diminution d’ici 2050, au niveau mondial. En cas de succès, le niveau des mers ne monterait « que » de 0,4 à 1,4 mètres par suite de la dilatation thermique des masses d’eau océaniques [8]. C’est beaucoup et cela risque d’être plus, car cette projection n’inclut pas les effets de la fonte et de la dislocation des glaciers qui, selon certains climatologues, pourrait faire monter le niveau des océans de plusieurs mètres en moins d’un siècle [9].

Soulignons qu’on parle bien ici de réduction des émissions au niveau mondial : en effet, un effort des seuls pays industrialisés ne permettrait plus de stabiliser le climat à un niveau raisonnable ; une certaine contribution des pays en développement est désormais indispensable.

Néanmoins, comme les pays développés sont responsables du changement climatique à plus de 70%, il leur revient de porter la plus grande partie de l’effort. La sortie de crise climatique implique donc un accord international concrétisant le « principe des responsabilités communes mais différenciées » (inscrit dans la Convention cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique).

De plus, les capacités des pays doivent être prises en compte ; c’est pourquoi la Convention Cadre stipule que le Nord doit transférer les technologies propres vers le Sud, afin que celui-ci puisse se développer sans déstabiliser le climat. Enfin, en vertu du principe pollueur-payeur, le Nord doit aussi réparer les dégâts du réchauffement, c’est-à-dire financer l’adaptation du Sud à la partie des changements climatiques qui est, hélas, devenue inévitable [10].

Sur base du principe des responsabilités communes mais différenciées, les efforts à réaliser pour concrétiser le scénario de stabilisation de la température entre 2°C et 2,4°C peuvent être modulés en fonction des groupes de pays. Le GIEC débouche ainsi sur des conclusions additionnelles à celles qui ont été citées plus haut : (i) les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95% d’ici 2050, en passant par une réduction intermédiaire de 25 à 40% en 2020 (par rapport à 1990) ; (ii) les pays en développement doivent « dévier substantiellement » (de 15 à 30%) du scénario de référence « business as usual » dès 2020 (2050 pour l’Afrique) [11].

Vu le dépassement du seuil de dangerosité de 1,7°C et la non prise en compte des phénomènes de désintégration des glaces, il s’impose de considérer ces objectifs comme impératifs. En fait, la prudence dicterait de viser systématiquement la partie supérieure des fourchettes.

Enfin, il ne saurait être question d’arrêter l’effort en 2050. Dans la seconde moitié du siècle, selon le GIEC, les émissions de gaz à effet de serre devraient être ramenées pratiquement à zéro. Ceci implique l’arrêt total de l’usage du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Non seulement en tant que sources d’énergie fossiles mais aussi en tant que matières premières de l’industrie pétrochimique (sauf si des technologies étaient mises eau point permettant le recyclage des matières).

Pour fixer les idées, résumons les conditions à remplir pour sauver le climat au meilleur niveau possible du point de vue humain et écologique :

1. les émissions mondiales doivent commencer à décliner au plus tard en 2015

2. les émissions des pays développés doivent diminuer de 25 à 40% d’ici 2020 et de 80 à 95% d’ici 2050 (par rapport à 1990)

3. dès 2020 (sauf pour l’Afrique) les émissions de pays en développement doivent dévier substantiellement de la trajectoire attendue et continuer à dévier en 2050

4. les émissions mondiales doivent diminuer de 50 à 85% d’ici 2050.

Troisième constat : une nouvelle onde longue de croissance capitaliste risque de précipiter la catastrophe climatique.

Le volume des émissions dépend de la consommation d’énergie, donc de l’activité économique. La relation n’est pas linéaire, car l’efficacité énergétique augmente avec le progrès technique. Mais cette augmentation n’est pas possible à l’infini et on constate empiriquement qu’elle est plus que compensée par la hausse du volume de la production. Il n’est donc pas étonnant que les courbes d’émission de carbone de l’Europe et de l’Amérique du Nord au 20e siècle fassent apparaître : (i) une corrélation forte entre les quantités de carbone fossile envoyées dans l’atmosphère et les deux ondes longues expansives de 1893-1913 et 1947-1967 ; (ii) des paliers correspondant l’un à la dépression des années trente et l’autre au retournement des années 70-80 (figures 3 et 4).

Mettons de côté un instant les conditions (a)sociales d’une nouvelle onde longue d’expansion capitaliste. Imaginons que les masses de capitaux spéculatifs qui gonflent la « bulle financière » affluent durablement dans l’économie réelle et alimentent une nouvelle période de 20 ou 30 années de croissance forte. Que se passerait-il ? La consommation d’énergie augmenterait, donc aussi les émissions de gaz à effet de serre, des seuils qualitatifs seraient franchis et le dérèglement climatique s’emballerait à coup sûr.

Pour qu’il en aille autrement, il faudrait que le capitalisme soit capable de concilier hausse du taux de profit, expansion économique et élimination radicale des combustibles fossiles, alors que ceux-ci sont meilleur marché. Ce scénario, selon nous, est impossible, en tout cas dans les échéances proposées par le GIEC.

En théorie, on peut sans doute imaginer un capitalisme vert car (i) le potentiel technique des renouvelables équivaut 8 à 10 fois la consommation mondiale d’énergie et peut augmenter rapidement avec le progrès scientifique, (ii) d’énormes économies d’énergie peuvent être réalisées dans tous les domaines d’activité. Mais en pratique, il faut une transition, et c’est ici que les difficultés commencent.

Admettons qu’un dispositif mondial du type ’taxe carbone’ rende les renouvelables moins chers que les fossiles [12]. Admettons encore que les lobbies de l’énergie fossile s’en accommodent et cessent de freiner la transition. Admettons en outre que les gouvernements deviennent intelligents et rationnels, décident un financement public pour pallier l’insuffisance de la demande dans le secteur du logement, par exemple, et fassent sagement passer les économies d’énergie avant le développement des renouvelables.

Ces hypothèses improbables sont néanmoins utiles car elles permettent d’arriver au coeur du problème que nous voulons discuter, à savoir que la transition nécessite des investissements extrêmement importants : produire des isolants, rénover des millions de maisons, construire des centrales à cogénération et des réseaux de chaleur, investir massivement dans le rail, fabriquer des panneaux solaires, etc. Tout cela consomme une énergie qui, au moins pendant les premières années, ne peut que provenir majoritairement des sources fossiles. Par conséquent, au moins pendant ces premières années, les émissions augmenteront en proportion.

On comprend intuitivement qu’un scénario dans lequel les investissements verts s’ajoutent au business as usual, durant ne fut-ce que quelques années, est incompatible avec le fait de commencer à réduire les émissions mondiales au plus tard en 2015 – dans six ans… autant dire demain. [13]

Mais ce n’est pas tout. L’incompatibilité est d’autant plus forte qu’il ne suffit pas de remplacer les fossiles par les renouvelables : il faut changer le système énergétique en profondeur [14]. L’exemple des transports est très éclairant à cet égard.

Les transports consomment annuellement environ 1500 millions de litres de carburant. La production d’éthanol et de biodiesel (énergie renouvelable) ne couvre qu’une fraction très limitée des besoins : 20 millions de litres. Mais cette fraction limitée suffit aujourd’hui à pousser les prix alimentaires à la hausse, à faire passer de 800 à 1000 millions le nombre de victimes de la famine [15], à causer de graves dégradations écologiques (monocultures avec usage massif d’engrais et de pesticides) et à entraîner une vague d’appropriation de terres dans les pays du Sud, avec déplacements forcés de communautés et surexploitation des petits paysans transformés en ouvriers agricoles [16].

Les agrocarburants sont certes une forme d’énergie renouvelable, mais leur usage massif est nuisible socialement et écologiquement. Que serait-ce si ces agrocarburants devaient couvrir ne fut-ce que la moitié des besoins énergétiques du secteur des transports ? [17] Que serait-ce si la production de voitures « propres » devait connaître une poussée massive dans le cadre d’une nouvelle onde longue d’expansion capitaliste, comme lors des « Trente Glorieuses » ? Outre les carburants pour faire rouler les véhicules, d’où viendrait l’énergie « propre » nécessaire pour produire l’acier, le verre, le caoutchouc, les plastiques nécessaires à leur fabrication ?

Cela ne tient pas debout. D’ailleurs, les propositions concrètes avancées par les partisans d’un « verdissement du capitalisme » le confirment. En effet, ces propositions ne débouchent pas sur une onde longue de capitalisme prospère et propre mais sur le maintien d’un régime néolibéral de chômage massif et de bas salaires, d’une part, et sur des réductions insuffisantes des émissions de gaz à effet de serre, d’autre part.

A titre d’exemple, prenons l’étude récente du WWF-France sur l’impact en termes d’emplois de la lutte contre le changement climatique [18]. Selon ce document, réduire les émissions de 30% d’ici 2020 permettrait la création nette de 684.000 emplois dans l’Hexagone. Le scénario win-win semble d’autant plus attractif qu’il permet de se passer du nucléaire et du stockage géologique du CO2.

Cependant, sur le plan social, les auteurs reconnaissent que « la méthode employée ne vaut que si un chômage massif subsiste en 2020 ; dans le cas contraire, expliquent-ils, la demande de travail poussera les salaires à la hausse, réduisant l’effet positif sur l’emploi ». On ne sort donc pas de la crise sociale. On s’installe au contraire dans la logique libérale qui veut que les bas salaires, tenus en laisse par le chômage massif, conditionnent la création d’emplois.

On reste aussi dans le cadre des rapports de domination Nord-Sud. En effet, purement nationale, l’étude n’intègre pas l’exportation du chômage vers les pays producteurs de combustibles fossiles : « Dans notre pays, on peut tenir pour acquis que le contenu en emploi des renouvelables électriques est plus élevé que celui de l’électricité d’origine fossile, car cette dernière est produite à l’aide de combustibles importés ». Tant pis pour les ouvriers du secteur pétrolier en Asie, en Afrique et ailleurs. C’est du « produisons français » à la sauce verte. [19]

A ce prix, sauverait-on au moins le climat ? C’est loin d’être évident. En effet, l’étude du WWF omet de prendre en compte les rétroactions de la croissance sur le niveau des émissions. Or, même si le bouquet énergétique contient progressivement plus de renouvelables, l’augmentation de la production et de la consommation implique forcément une combustion accrue de combustibles fossiles, surtout au début. Les émissions correspondantes à cette combustion accrue doivent donc être déduites des 30% de réduction annoncés… qui sont dans la partie basse de la fourchette découlant des projections du GIEC. Le calcul reste à faire, mais rappelons que la fourchette du GIEC ne suffit pas à rester sous le seuil de dangerosité du changement climatique.

D’une manière générale, l’insuffisance climatique des projets visant à verdir le capitalisme est mise en évidence dans le quatrième rapport du GIEC. Les économistes du « groupe de travail III » [20] ont en effet compilé des études « bottom up » visant à estimer, par secteur, les potentiels de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Procédant selon le dogme libéral, qui veut qu’il y a du chômage parce que la main-d’œuvre est trop chère et trop de CO2 dans l’atmosphère parce que le carbone fossile ne l’est pas assez, ils ont calculé le tonnage de CO2 dont le rejet pourrait être évité pour un coût inférieur à 100 dollars la tonne [21].

Le résultat est maigrelet : à 100$/tCO2, on parviendrait à peine, en 2030, à stabiliser la quantité globale de carbone envoyée dans l’atmosphère au niveau de 2000. En fait, pour atteindre un résultat significatif, il faudrait tripler le prix du CO2... et faire porter la charge uniquement par les revenus du travail, afin de ne pas ruiner la compétitivité [22]. Mais on retomberait alors sur la question posée par MANDEL : qui va acheter les marchandises ?

Le renchérissement des combustibles fossiles ne sauvera pas plus le climat que la réduction du coût salarial, depuis 30 ans, n’a supprimé le chômage. On peut prendre le problème par n’importe quel bout, on arrive immanquablement à la même conclusion : en supposant que des destructions massives et un écrasement du mouvement ouvrier permettent une expansion capitaliste de longue durée, celle-ci serait incompatible avec le respect des quatre conditions à satisfaire pour stabiliser le climat au niveau le moins dangereux possible [23]. Heureusement, cette hypothèse n’est pas d’actualité pour le moment. Quant aux propositions pour « verdir le capitalisme », elles n’offrent pas d’issue pour la crise sociale et sont insuffisantes pour sortir de la crise climatique.

A crise globale, alternative globale

Les mouvements sociaux ont besoin d’une perspective globale pour lutter à la fois contre la crise socio-économique et contre la crise climatique. Cette perspective ne peut être qu’anticapitaliste et antiproductiviste,

« Le modèle actuel est arrivé au bout de ses limites tant pour l’amélioration des conditions de vie qu’il est capable d’offrir aux plus pauvres que pour l’empreinte écologique que nous pouvons imposer à la planète, mais mes clients n’investissent qu’avec des promesses de profit, et cela ne va pas changer ». [24]

L’auteur de cette citation, M. Pavan Sukhdev, est économiste et banquier à la Deutsche Bank. Choisi par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement comme pilote d’une étude sur la réorientation de l’économie mondiale vers un modèle « vert », sa citation résume parfaitement la situation : le système capitaliste est au bout de ses limites sociales et environnementales… mais il va les franchir, parce que les capitalistes n’investissent qu’avec des promesses de profit, et que le profit nécessite la croissance. Les travailleurs et l’environnement paieront la facture.

Repartons de la contrainte climatique, puisqu’elle conditionne désormais tout le reste. On a montré que, pour réussir la transition vers une économie sans carbone fossile, il ne suffit pas de développer les renouvelables et d’augmenter l’efficience énergétique tous azimuts. Il faut en plus que cela se fasse selon un plan rationnel qui intègre une réduction radicale de la consommation d’énergie dans les pays développés, afin de compenser les émissions dues au plan. Il faut donc réduire de façon importante les flux de matières. Cela nécessite de diminuer substantiellement la production et la consommation matérielles.

L’histoire enseigne que le capitalisme peut à la rigueur s’accommoder d’un plan (en temps de guerre, par exemple). Par contre, la réduction de la production est pour lui inacceptable et inconcevable. La raison est simple : la concurrence amène chaque propriétaire de capitaux à remplacer des travailleurs par des machines plus productives, afin de toucher un surprofit en plus du profit moyen. Il en résulte automatiquement une tendance permanente à la surproduction et à la surconsommation.

Le capitalisme est structurellement productiviste. Il n’est capable de réduire la production que par le truchement de ses crises périodiques. Ces purges temporaires ont certes l’avantage – si l’on peut dire ! – de diminuer quelque peu la pression sur l’environnement, mais elles opèrent à l’aveugle, entraînant chômage de masse, misère sociale, inégalités accrues et gaspillage de richesses.

Face à l’irresponsabilité climatique criminelle du capitalisme, face aux dures conséquences sociales de la crise économique, il s’agit pour les mouvements sociaux, pour le syndicalisme en particulier, de s’engager dans la voie d’une alternative globale, répondant à la fois à l’urgence sociale et à l’urgence écologique.

Cette alternative est indispensable pour éviter que des travailleurs se sentent obligés de choisir entre la peste du changement climatique – dont ils sont les principales victimes- et le choléra de la politique climatique capitaliste – dont ils sont les principales victimes aussi. Son élaboration demande une réorientation stratégique ample et profonde.

Entreprise par entreprise, les travailleurs et travailleuses sont amenés spontanément à souhaiter que les affaires marchent bien, parce que leur salaire et leur emploi en dépendent. Cette même attitude se reproduit aussi au niveau des secteurs et des pays, au nom de la compétitivité face à la concurrence internationale. Peut-on la maintenir aujourd’hui, dans le cadre d’un « verdissement » du capitalisme ? Nous pensons que non. Nous pensons que, face à un système sur le point de provoquer des catastrophes irréversibles, le mouvement syndical perdrait son âme s’il n’abandonnait pas la stratégie de compromis avec l’expansion capitaliste.

Comment faire face simultanément à la nécessité de diminuer radicalement et de façon planifiée la production et la consommation de matières pour sauver le climat, d’une part, tout en répondant d’autre part à la nécessité d’augmenter radicalement, pour toutes et tous, le niveau de satisfaction des besoins humains réels : un emploi, un revenu, un logement, une protection sociale, un enseignement de haut niveau, une alimentation de qualité, une retraite dans la dignité, notamment ? Telle est la question.

Dans le cadre de la logique capitaliste, cette question s’apparente à la quadrature du cercle. En effet, le système n’est capable de répondre aux besoins sociaux qu’en laissant tomber les miettes de la croissance de la table de l’accumulation (quand on l’y force). La solution ne peut donc consister qu’à sortir de la sphère privée les activités décisives du double point de vue du sauvetage du climat et de la satisfaction des besoins humains fondamentaux, afin de les mettre entre les mains de la collectivité. C’est le seul moyen d’empêcher que ces activités alimentent une spirale d’accumulation et de profit, donc de destruction du climat et d’inégalités sociales croissantes. Pour les mouvements sociaux, pour le syndicalisme en particulier, s’engager dans cette voie de façon conséquente nécessite une alternative globale, à la fois anticapitaliste et antiproductiviste, un nouveau projet de société de type « écosocialiste ».

Quelques pistes de réflexion pour l’action syndicale

Comment cette orientation générale pourrait-elle se traduire dans l’activité syndicale ? Il ne nous appartient pas d’en décider, mais on proposera quelques pistes de réflexion. Avant de les passer rapidement en revue, on attirera l’attention sur le fait que ces pistes doivent s’insérer dans un cadre revendicatif plus vaste en riposte à la crise, incluant notamment la mise sous statut public des activités bancaires et d’assurance.

1°) Favoriser une démarche syndicale spécifique en matière de conscientisation et d’éducation des militants.

Les grands médias martèlent la thèse d’un changement climatique dû à « l’activité humaine ». La responsabilité du capitalisme est passée sous silence et chaque citoyen individuel est appelé à « faire un effort » pour réduire ses émissions. Cette approche diffuse une ambiance de peur, d’impuissance, de culpabilité, d’irrationalisme, de mysticisme et d’individualisme. Elle favorise les discours patronaux et gouvernementaux en faveur de la modération, des sacrifices, etc.

Tout en reconnaissant l’importance de comportements individuels responsables et en donnant l’exemple à cet égard, il semble important que le syndicalisme fournisse une information alternative de haut niveau, en faisant appel à des scientifiques critiques et en soumettant les experts à une critique sociale. Il est essentiel de mettre en lumière les causes structurelles du changement climatique et le lien entre crise climatique et crise capitaliste. Outre qu’elle aidera les militants à participer au débat général sur le réchauffement, cette formation spécifique les armera face au patronat et au gouvernement. Elle pourra de plus contribuer à combattre l’individualisme et à reconstruire une identité de classe.

2°) Impliquer la masse des travailleurs dans la lutte contre le changement climatique par des pratiques démocratiques de contrôle ouvrier.

Les travailleurs à l’entreprise sont les mieux placés pour dénoncer les multiples gaspillages inhérents à la production capitaliste, tels que l’obsolescence accélérée des produits, la publicité, la non valorisation des déchets, etc. La lutte contre le changement climatique peut donner une nouvelle légitimité à cette dénonciation, et donc à l’action syndicale.

La formation et la conscientisation spécifiques évoquées ci-dessus pourraient se concrétiser en pratiques de contrôle ouvrier à l’entreprise (sur l’énergie, les gaspillages, la durabilité des produits, les stocks, les transports, l’impact de la flexibilité ou des horaires coupés sur les émissions, les ventes et achats de droits et de crédits de carbone, etc). En y impliquant activement les travailleurs, ces pratiques pourraient contribuer à faire naître une « écologie collective des producteurs », complémentaire à « l’écologie individuelle (voire individualiste) des consommateurs » - une « écologie syndicale » alternative à « l’écologie patronale » (dans la mesure où elle existe). Popularisées par la presse syndicale et dans les grands médias, des initiatives de contrôle pertinentes pourraient contribuer à battre en brèche les discours individualistes et culpabilisateurs de la droite.

3°) Revendiquer la création d’une entreprise publique pure dans le domaine de l’isolation et de la rénovation énergétique des bâtiments.

La politique de primes de la Région wallonne est socialement injuste et écologiquement inefficace. Sous prétexte de lutte pour le climat, il s’agit essentiellement de faire des cadeaux aux riches, d’offrir un marché aux PME et de remplir les carnets de commande des fabricants (qui gonflent leurs prix en fonction des primes offertes dans les différents pays). L’impact sur les émissions étant dérisoire, la Région emploie l’argent de la collectivité pour acheter des crédits de carbone générés par des projets dits « propres » dans les pays du Sud.

Il y a vraiment mieux à faire car le parc immobilier wallon est un des plus mal isolés d’Europe et le restera longtemps dans la mesure où la demande solvable pour isoler les maisons existantes fait défaut. Revendiquer une entreprise publique pure d’isolation et de rénovation énergétique des bâtiments permettrait au mouvement syndical de rencontrer simultanément plusieurs objectifs : création de bons emplois, lutte sérieuse contre le changement climatique, baisse des factures énergétiques, amélioration du confort des logements et gestion rationnelle des deniers publics.

4°) Revendiquer une politique cohérente de développement des transports publics et la gratuité des transports publics.

5°) Miser sur l’action internationale des travailleurs pour imposer aux multinationales des engagements de réduction des émissions à l’échelle mondiale et des investissements dans la recherche technologique.

La politique européenne des quotas échangeables offre aux multinationales des opportunités nouvelles de faire des profits en vendant des droits et des crédits sur le marché du carbone tout en faisant chanter les travailleurs et leurs organisations syndicales. Cette situation place le mouvement syndical dans une position extrêmement difficile.

Face à ce problème, il y a lieu de privilégier une riposte syndicale internationale, à l’échelle du groupe, visant à imposer des engagements de réduction fermes pays par pays, par le biais de quotas non échangeables, ainsi que des programmes de recherche/développement dans le domaine des technologies bas carbone. Le contrôle ouvrier sur les investissements, les crédits et les droits peut être un moyen d’aller dans cette direction. Toute autre stratégie risque d’amener les travailleurs de chaque entreprise à s’unir avec « leur » patron pour exiger soit des quotas gratuits, soit des crédits bon marché, soit des taxes à l’importation des produits concurrents en provenance de pays en développement. Ces approches ne peuvent que créer la division entre les travailleurs, et partant faire le jeu du patronat transnational.

6°) Défendre la formation/reconversion collective des travailleurs des secteurs menacés dans le cadre de la transition vers une société sans carbone fossile, avec maintien du salaire et des droits.

La transition vers une société sans carbone fossile impliquera inévitablement des réductions d’emplois dans certains secteurs polluants. Les travailleurs de ces secteurs n’ont pas à faire les frais de cette situation. Ils ne portent en particulier aucune responsabilité pour le fait que les employeurs ont différé pendant des années les adaptations indispensables.

Ces travailleurs ont droit à un emploi et leur reconversion ne peut être laissée aux bons soins des stratégies néolibérales de formation et d’activation des chômeurs. Le mouvement syndical pourrait s’inspirer de ses meilleures expériences en la matière, et revendiquer une formation/reconversion collective des travailleurs, sous contrôle des intéressés, avec maintien des salaires et des droits jusqu’à l’obtention d’un emploi.

7°) Populariser l’idée que l’énergie est un bien commun de l’humanité, comme l’eau, et ne peut donc être laissée aux mains du privé.

Les lobbies énergétiques sont les agents les plus actifs du ralentissement de la lutte pour le sauvetage du climat. Ils sont aussi parmi les principaux responsables de l’offensive contre le revenu et le pouvoir d’achat des travailleurs. La libéralisation leur laisse toute liberté en matière de prix de l’électricité et du gaz. Elles s’est traduite dans la plupart des cas par un alourdissement des factures. La politique tarifaire est à la fois antisociale et anti-écologique puisque le coût du kilowatt est inversement proportionnel à la consommation.

La nécessité de passer rapidement aux renouvelables tout en réduisant la consommation énergétique globale, d’une part, et les interventions massives des gouvernements pour sauver les banques, d’autre part, créent un contexte favorable pour populariser l’idée que l’énergie est un bien commun de l’humanité, et que chaque être humain a droit aux ressources énergétiques nécessaires à la satisfaction des besoins de base. Cette idée peut trouver une application concrète dans l’exigence que chaque ménage ait droit à un certain quota gratuit - et non échangeable - d’électricité, de gaz, de mazout de chauffage ou d’eau, couplé à des tarifs rapidement progressifs et dissuasifs lorsque la consommation dépasse un certain niveau. La lutte pour une revendication de ce genre permettrait de faire progresser la demande d’une mise sous statut public de l’énergie, sans indemnité ni rachat. 8°) Relancer le combat pour une réduction radicale du temps de travail, sans perte de salaire, avec embauche et avec réduction des cadences.

« Travailler plus pour gagner plus » est typiquement un slogan patronal, dans le cadre de la campagne de la droite pour réduire le coût salarial et allonger le temps de travail sous toutes ses formes. C’est aussi un slogan productiviste, qui enchaîne les travailleurs à la folle course de la machine capitaliste, sans jamais supprimer le chômage.

La réduction radicale du temps de travail, sans perte de salaire, avec embauche proportionnelle et diminution des cadences, est la revendication par excellence pour unir la lutte sociale et la lutte environnementale. Faisons-en le drapeau de l’écologie syndicale, l’écologie des producteurs qui veulent reprendre le contrôle de leur existence. Sauver le climat nécessite une réduction radicale des émissions de carbone fossile. Supprimer le chômage implique une réduction radicale du temps de travail. Dans les deux cas, l’ennemi est le même : la logique capitaliste d’accumulation « qui épuise les deux seules sources de toute richesse : la Terre et le travailleur » (Marx).

Le 11/12/08

TANURO Daniel

Notes

[1] On désigne par « ondes longues » des périodes historiques prolongées et relativement homogènes au cours desquelles le capitalisme présente soit une tendance à l’expansion, soit une tendance à la stagnation. L’entre-deux guerres constitue une onde longue récessive, tandis que les décennies d’après-guerre sont un exemple d’onde longue expansive. Les ondes longues se superposent au cycle conjoncturel.

[2] Michel HUSSON, « Le capitalisme toxique », Inprecor n°541-542, en ligne sur http://hussonet.free.fr/. Voir aussi sur ESSF : Le capitalisme toxique

[3] Aux USA, l’onde longue expansive commence en 1940. En Europe, elle ne démarrera qu’en 1947.

[4] Ernest MANDEL, « Long Waves of Capitalist Development. A Marxist Interpretation », Verso, London, 1995.

[5] GIEC, 2007, Rapport de synthèse.

[6] Patrick LE TREHONDAT et Patrick SILBERSTEIN, « L’ouragan Katrina, le désastre annoncé », Syllepse, Paris, 2005.

[7] Voir en particulier la Fig SPM.7 dans le ‘Résumé pour les décideurs’ du Rapport de Synthèse 2007, qui présente les impacts du réchauffement pour cinq catégories de risques : eau, écosystèmes, production agricole, zones côtières et santé humaine.

[8] Contribution du Groupe de travail III du GIEC au rapport 2007, Technical Summary, Tableau TS.2 page 39.

[9] James HANSEN et al. « Target Atmospheric CO2 : Where Should Humanity Aim ? », Article pour Science, mis en ligne sur www.arxiv.org/abs/0804.1126. Lire Daniel TANURO, « Cette glace qui fond dans l’Antarctique », in Le Monde diplomatique, décembre 2008.

[10] Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’adaptation nécessiterait le transfert Nord-Sud de 86 milliards de dollars par an à l’horizon 2015 (44 milliards pour les infrastructures, 40 milliards pour les programmes de lutte contre la pauvreté, 2 milliards pour renforcer les systèmes de lutte contre les catastrophes). PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2007-2008. La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé, p.194.

[11] Contribution du Groupe de travail III au rapport d’évaluation 2007 du GIEC, page 776.

[12] Lire à ce sujet Michel HUSSON, « Climat : les limites du calcul marchand », Viento Sur N° 100, déc. 2008. En ligne sur http://hussonet.free.fr/ Voir sur ESSF Climat : les limites du calcul marchand

[13] Selon une étude réalisée pour le compte de Greenpeace par une équipe de thermodynamiciens de Stuttgart, un scénario climatique pour l’Europe impliquerait de réduire de 50% la demande finale de chaleur et de 40% la demande finale de carburant dans le secteur des transports. Par ailleurs, 30% de la chaleur devrait être produite par cogénération et l’efficience énergétique des centrales devrait augmenter de 37%. Wolfram KREVITT, Uwe KLANN, Stefan KRONSHAGE, Energy Revolution. A Sustainable Pathway to a Clean Energy Future for Europe, Institute of Technical Thermodynamics (Stuttgart) & Greenpeace, sept. 2005.

[14] Dans ce texte, on entend par « système énergétique » l’ensemble constitué par les sources énergétiques, les convertisseurs utilisés, les modes de distribution de l’énergie, l’usage et l’efficience. Le « système énergétique » inclut donc l’agriculture qui n’est rien d’autre qu’un moyen de convertir l’énergie solaire en énergie biochimique.

[15] Le Monde, 10/12/2008.

[16] L’espérance de vie des ouvriers agricoles travaillant dans les plantations de canne à sucre du Brésil est inférieure aujourd’hui à ce qu’elle était sous l’esclavage (Réf. Folha do Sao Paulo....).

[17] Pour résoudre le problème, les gouvernements misent sur la production d’agrocarburants de seconde génération (synthétisés à partir de la cellulose des plantes). Or, en soi, cette technologie ne permet pas d’éliminer le conflit entre les filières alimentaires et énergétiques de l’agriculture. En supposant qu’il soit interdit de produire de l’éthanol cellulosique sur des terres agricoles, il reste que la conversion de jachères, de terres dégradées et de fonds marins en cultures de plantes et d’algues pour la production d’agrocarburants promet d’avoir un impact écologique très lourd, notamment en termes de biodiversité (OGM, monocultures avec usage de pesticides).

[18] WWF France : « -30% de CO2 = 684.000 emplois. L’équation gagnante pour la France » www.wwf.fr/content/download/....

[19] Ce chauvinisme s’exprime au niveau du sous-titre de l’étude : « L’équation gagnante pour la France ».

[20] Le GIEC compte trois groupes de travail : science du changement climatique, impacts et adaptation/atténuation.

[21] GIEC 2007, Rapport de synthèse. Fig. RiD.10 sur http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-r.

[22] On peut apprécier l’impact sur le pouvoir d’achat en sachant qu’une tonne de mazout = 2,7 tonnes de CO2.

[23] Cf constat n°2

[24] Le Monde, 3/12/08.


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