Jean Luc Mélenchon : La "pipolisation" de la présidentielle masque la gravité des problèmes

vendredi 25 août 2006.
 

LE FIGARO. - L’expérience de Lionel Jospin est-elle un atout pour 2007 ?

Jean-Luc MÉLENCHON. - Ce n’est pas une vertu négligeable, mais il n’est pas le seul à l’avoir. Pour être dans la course pour 2007, il faut dorénavant accepter de dialoguer avec les autres candidats. Il doit dire ce qu’il pense de la candidature de Ségolène Royal. Sinon, à quoi bon ?

Quelle peut être l’influence de la crise au Proche-Orient sur le débat présidentiel, notamment au PS ?

Un retour au réel. Car actuellement il y a une ambiance La croisière s’amuse. C’est insupportable ! La « pipolisation » de la présidentielle est criminelle. Elle masque la gravité des problèmes qui montent. Or, le monde entre en état d’urgence. Avec la guerre au Liban, un nouveau seuil de violence a été franchi dans les relations internationales. Avec l’échec de l’OMC en juillet, c’est le symptôme aigu d’un grave dérèglement général. Partout le rapport de forces à l’état brut devient la règle assumée. Et la politique de la superpuissance américaine consiste à favoriser sciemment les extrêmes pour légitimer son droit d’ingérence. Face à cela, la gauche est inexistante.

Ségolène Royal s’est fixé comme objectif dimanche de rétablir la « valeur travail ». Peut-elle rassembler la gauche ainsi ?

Au niveau du degré de généralités qu’elle a exprimées, il n’y a pas de débat possible. Son discours était creux, même si la machine à encenser a fonctionné. Tout dépend du contenu qu’on donne à la « valeur travail ». La droite utilise ce mot aussi. La gauche d’habitude parle des relations sociales, de la qualification, des rémunérations. Ce genre de précisions fait la différence entre les bons sentiments et une politique concrète. Ce sera l’objet des débats à venir.

Si Ségolène Royal est investie par le PS, que ferez-vous ?

Comme beaucoup de gens de gauche, je serai déçu. Et... mis au pied du mur. Je devrai faire la part entre mes convictions profondes et les contraintes de circonstance.

En 2002 comme en 2005, le PS s’était trouvé en décalage avec son électorat. Prend-il aujourd’hui le chemin pour renouer avec les couches populaires ?

Il y a un automatisme qui pousse au vote utile. Il peut faire illusion. Mais compte tenu des enjeux, le peuple français doit être appelé à s’impliquer plutôt qu’à donner un chèque en blanc. C’est un rude travail d’éveil civique et d’information argumentée. On est loin du compte aujourd’hui. À coup de sondages, le débat est bloqué sur la couleur de la cravate du capitaine.

Quelles sont les chances de Laurent Fabius aujourd’hui ?

L’expérience, d’abord. C’est une valeur décisive en période de troubles. Ensuite, l’orientation politique de fond. Au référendum, avec la majorité des Français, il a dit non au système européen actuel. Il est donc légitime pour renégocier la règle du jeu. De plus, il veut mettre le pays en mouvement sur une dynamique d’union populaire et de progrès social. Enfin, il opte pour une réorganisation républicaine de la France. Et il est intransigeant sur la laïcité. Bref, lui a décidé d’assumer les fondamentaux de la gauche.


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