10 novembre 1995 au Nigéria... Éxécution de Ken Saro-Wiwa

samedi 11 novembre 2017.
 

« Un David affrontant deux Goliath », c’est ainsi que l’auteur britannique William Boyd qualifie le combat de Ken Saro-Wiwa. Né en 1941 dans le sud du Nigéria, Saro-Wiwa est membre des Ogoni, un peuple minoritaire et marginalisé dont l’environnement est bouleversé à la fin des années 50 après la découverte d’importantes ressources pétrolières. Oléoducs et torchères poussent alors comme des champignons dans l’Ogoniland, défigurant ainsi le paysage et bouleversant l’ensemble de l’écosystème régional. Vivant de la pêche et de l’agriculture, les habitants voient des déversements de pétrole souiller leurs terres et leurs rivières. Rapidement, pollué par des gaz toxiques, l’air devient irrespirable. Des pluies d’acides s’abattent même dans le delta du fleuve Niger.

Le géant pétrolier Shell engrange des bénéfices colossaux. Le peuple Ogoni reste, lui, dépourvu de l’essentiel et ne tire aucun profit des richesses de son sol. S’il a toujours défendu les droits de son peuple, c’est réellement à partir de 1990 que Ken Saro-Wiwa se jette à corps perdu dans ce combat. Il est alors un personnage reconnu dans son pays et même au-delà, notamment en tant qu’écrivain et producteur. Il fonde le MOSOP (Mouvement pour la survie du peuple Ogoni) et dénonce les ravages écologiques provoqués par l’exploitation pétrolière de multinationales comme Shell. Mais son combat revêt aussi des dimensions politiques. Il pointe du doigt les responsabilités des gouvernements successifs et souhaite que les habitants de la région ne soient plus laissés-pour-compte.

Un important mouvement d’opposition pacifique se met alors un branle. Le MOSOP rédige une charte des droits Ogonis et met en avant des revendications tant sociales qu’environnementales. Le 4 janvier 1993, pas moins de 300 000 personnes se rassemblent pour faire pression sur les compagnies pétrolières ainsi que sur l’État. Shell est contraint de cesser ses activités dans la région. Mais une répression terrible s’abat alors dans l’Ogoniland. La junte militaire au pouvoir depuis le coup d’État de Sani Abacha fait arrêter Ken Saro-Wiwa et 9 membres du MOSOP. Ils sont accusés, sans preuve, du meurtre de 4 militants. Une parodie de procès menée par un tribunal d’exception conduit à leur condamnation à mort. Ils sont pendus le 10 novembre 1995. Cette exécution raisonne encore aujourd’hui dans les consciences nigérianes. Le combat des Ogonis se poursuit.

Matthieu Lépine


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