Une association catholique censure le dernier film de Claire Simon

mercredi 10 décembre 2008.
 

Mercredi, Les Bureaux de Dieu, dernier film de Claire Simon, devait passer dans un cinéma de Tassin, dans la banlieue de Lyon. Une fiction écrite à partir de témoignages réels que la réalisatrice a recueillis dans un centre du Planning familial de Grenoble. Mais le propriétaire des murs du cinéma, une association catholique traditionaliste, a obtenu de l’exploitant la déprogrammation du film. Ses raisons ? L’oeuvre est "blasphématoire" et elle fait "l’apologie du planning familial et de l’avortement". L’exploitant de la salle a cédé. Mais les bénévoles qui travaillent dans le cinéma dénoncent cette censure...

Le Lem est une petite salle Art et essai de la banlieue lyonnaise. Ancien ciné-club catholique, il fait aujourd’hui partie du Groupement régional d’actions cinémagraphiques (Grac), association qui fédère une cinquantaine de salles de l’agglomération lyonnaise. L’association qui le gère, l’Adecse, contrôle plusieurs cinémas autour de Lyon et sur le plateau de la Croix-Rousse. A Tassin, elle loue les murs du Lem à une association catholique vieille d’un siècle, l’Association du Bourg de Tassin. Cette dernière possède sur place la cure de la paroisse Saint-Claude, une école catholique, et les locaux dans lequel est installé le cinéma.

En louant ses murs, l’association catholique entend contrôler la bonne moralité des films qui y sont projetés. Pour ce faire, elle a pris soin d’inscrire dans le bail qui la lie à l’exploitant : "Le preneur exploitera la salle pour la projection de films de bonne tenue morale choisis par Chrétiens Média ou tout autre organisme qui lui serait substitué par les autorités ecclésiastiques". Chrétiens Média était une association liée à l’évêché, et qui n’existe plus depuis quelques années.

Cet automne, en voyant qu’un film intitulé "Les Bureaux de Dieu" était à l’affiche du Lem, un membre de l’association a toussé. Il a voulu en savoir plus. Il a appelé un bénévole du cinéma, qui l’a renvoyé vers l’excellente critique des Fiches du cinéma, qu’éditait auparavant Chrétiens Média. Mais dans une lettre adressée à l’exploitant, le président du Bourg de Tassin, Franck Chalpin, assène : "Cette association n’est liée en rien à l’Eglise catholique. Dès lors, son jugement n’est d’aucun intérêt pour nous". Cherchant de meilleures sources, il s’est fié à un critique de l’hebdomadaire Familles Chrétiennes. Qui lui a indiqué que le film était "blasphématoire", et qu’il prônait l’avortement.

"Nous respectons la liberté, mais les films que projette ce cinéma doivent respecter l’éthique catholique", estime Patrick Récipon, membre de l’Association du Bourg de Tassin. "Il n’y a aucun contre avis dans ce film, poursuit-il - tout en convenant qu’il n’a pas vu le film. Cela ne va que dans un sens et ce n’est pas le sens dans lequel va l’Eglise catholique de notre point de vue." L’Association du Bourg de Tassin n’appartient pas aux courants les plus progressistes de l’Eglise catholique. Elle est très liée à la paroisse Saint-Claude, dont le curé, Mattéo Lo Gioco, membre de la Société des prêtres de Saint-Irénée, est connu de longue date pour ses positions anti-avortement.

Le gestionnaire du cinéma a cédé assez vite aux pressions de l’association. Et accepté de déprogrammer le film de Claire Simon. "C’est quelqu’un qui n’a pas envie de faire de vagues", soupire un bénévole, remonté contre ce qu’il appelle une censure. "Poncif", répliquent les responsables de l’Association catholique. Qui accusent les bénévoles du cinéma de "baigner" dans le "relativisme ambiant". A présent qu’il sont parvenus à faire déprogrammer un film, ils aimeraient se mêler du recrutement du cinéma. Le président de l’Association a écrit à l’exploitant pour lui indiquer qu’il aimerait qu’ils discute "du recrutement de (ses) collaborateurs et des bénévoles du LEM".

Olivier BERTRAND


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