Votez le 3 décembre aux prud’hommes Des jugements qui façonnent le droit du travail

mercredi 3 décembre 2008.
 

1) Prud’hommes : les nouveaux juges élus mercredi. Tout salarié a le droit de s’absenter pour aller voter le 3 décembre sans retenue de salaire.

Le 3 décembre 2008, 19 millions d’électeurs sont appelés aux urnes en France à l’occasion des élections prud’hommales. Certains ont déjà commencé à voter, pour la première fois par internet. Ce tribunal "pas comme les autres" est tenu par des juges bénévoles et élus. Il traite les conflits individuels concernant le contrat de travail : sa conclusion, son exécution ou sa rupture.

L’activité des prud’hommes va donc bien au-delà du seul licenciement, mais les deux-tiers des demandes sont en réalité des contestations des conditions de licenciement.

Une procédure de conciliation

Les conseils de prud’hommes sont un des lieux où les salariés peuvent individuellement faire entendre leur désaccord avec leur employeur. Mais avant d’arriver à l’étape de la procédure, il est heureusement possible d’avoir recours à d’autres organismes de négociation, pour essayer d’obtenir gain de cause sans passer par la voie judiciaire.

L’inspecteur du Travail peut par exemple intervenir pour contrôler l’application du Code du travail ; il peut aussi proposer une conciliation entre les parties en cas de conflit. Malheureusement, avec la réforme en cours de la fonction publique, les inspecteurs du travail se plaignent d’être de moins en moins nombreux pour gérer de plus en plus de conflits, ce qui les empêche entre autres d’exercer leurs autres fonctions, par exemple d’aller "chercher" sur le terrain les infractions.

Les prud’hommes, une création lyonnaise

Si les parties (employeurs et employés représentés ou non par leur syndicat) n’arrivent pas à se mettre d’accord, elles ont alors la possibilité de se tourner vers le Tribunal.

Les tribunaux des prud’hommes sont des juridictions discrètes mais particulièrement efficaces, parceque paritaires, pour résoudre ce type de conflits du travail. Le premier conseil de prud’hommes a été créé à Lyon en 1806. Par la suite, les conseils se sont généralisés en France, surtout à partir de 1979 dans la forme que l’on connaît aujourd’hui. Il en existe actuellement 271 répartis sur tout le territoire, qui prennent environ 200 000 décisions chaque année. Mais là encore, la nouvelle carte judiciaire va cependant diminuer le nombre de ces tribunaux.

Des juges bénévoles

Les juges des prud’hommes sont des bénévoles, élus dans des collèges différents (salariés et employeurs), mais qui doivent établir leur opinion en fonction de l’intérêt général ; pour défendre les uns et les autres il y a bien sûr des avocats spécialisés en droit du travail. Les juges se répartissent en cinq sections à l’intérieur d’un même tribunal (industrie, commerce et services, agriculture, encadrement, activités diverses).

Les étrangers peuvent voter

Pour être élu, il faut être Français et âgé d’au moins 21 ans. Pour être électeur, il n’y a pas de condition de nationalité. Il suffit d’être âgé d’au moins 16 ans, être ou avoir été sous contrat de travail de droit privé français ou être employeur de personnes sous contrat de droit privé français et jouir de ses droits civiques. Il faut bien sûr vérifier son inscription sur les listes électorales prud’homales.

2) Article du Figaro

Les tribunaux prud’homaux rendent plus de 200 000 jugements par an, dont la moitié concerne la rupture du contrat de travail (licenciement, indemnisation…) et 40 % sont liés au règlement des salaires ou autres émoluments (primes, heures sup…). Dans sept cas sur dix, ils donnent raison aux salariés, des jugements confirmés en appel dans la même proportion. Jean-Claude Mailly compare les conseils prud’homaux à… l’hôpital. « Dans les deux cas, les gens ne veulent pas en entendre parler mais ils sont bien contents de les trouver quand ils en ont besoin », explique le secrétaire général de FO. Et 13 % des salariés y ont eu recours au moins une fois dans leur vie. « C’est tout le paradoxe des prud’hommes, abonde Xavier Bertrand, le ministre du Travail. Si neuf salariés sur dix considèrent qu’ils sont indispensables, seuls trois votent. »

L’utilité de cette juridiction n’est plus à démontrer. Et les décisions que rendent les 210 tribunaux contribuent à façonner la jurisprudence du droit du travail.

• Abus de CDD. Le tribunal de Châteauroux a condamné en 2004 La Poste à faire un chèque de 60 000 euros à une femme de 55 ans qui avait signé 345 CDD en sept ans dans plusieurs bureaux d’Indre-et-Loire. Deux ans plus tard, c’est celui d’Albi qui a condamné l’entreprise à la même amende pour avoir proposé en dix-neuf ans 574 CDD à l’une de ses factrices, un record en France.

• Contrat nouvelles embauches. C’est en février 2006 qu’a eu lieu le premier jugement contre le CNE, ce contrat de travail inventé par Dominique de Villepin qui permettait à un employeur de licencier pendant deux ans un salarié sans avoir à se justifier. Le tribunal prud’homal de Longjumeau a alors condamné une PME à verser 17 500 euros de dommages et intérêts à un salarié pour « rupture abusive » de son contrat de travail. Et requalifié son CNE en CDI au motif que le licenciement ne pouvait s’effectuer sans aucune motivation. Cette décision a été confirmée en janvier 2008 par la Cour de justice des communautés européennes, signant ainsi l’arrêt de mort du CNE.

• Irrégularité du plan social. On les appelle les « 600 de Moulinex », ces ex-salariés de l’ancien fleuron de l’électroménager qui ont obtenu, six ans après leur licenciement, entre 1 000 et 57 000 euros chacun par le tribunal de Caen. En cause ? « La technique de mise en œuvre des licenciements » qui aurait dû être décidée en fonction de critères sociaux au niveau du groupe et non de chaque établissement. Moulinex avait déposé le bilan avant d’être partiellement repris par son concurrent, SEB. Mais quatre usines avaient été fermées en Basse-Normandie et près de 3 000 salariés, essentiellement des femmes quinquagénaires, laissés sur le carreau sans que le groupe ne leur propose de reclassements.

• Réintégration d’anciens salariés. Le tribunal de Soissons a ordonné en 2004 la « réintégration immédiate » des 451 anciens salariés de l’usine Wolber de fabrication de pneus de vélo (groupe Michelin)... cinq ans après la fermeture de l’entreprise, la destruction des bâtiments et la délocalisation du matériel de production en Inde. Les juges ont fondé leur jugement sur « le caractère illicite de la procédure économique de licenciement collectif en raison de l’existence d’irrégularités dans la consultation du comité d’entreprise. »

• Discrimination syndicale. L’enseigne de distribution ED a été condamnée la semaine dernière par les prud’hommes de Caen pour avoir licencié une de ses caissières réassortisseuses au motif que son conjoint était syndicaliste CGT dans le même magasin. La jeune femme était défendue par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) à l’origine de nombreux dépôts de plaintes pour discrimination (raciales, salariales, sexuelles…) aux quatre coins de l’Hexagone.


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