"Le socialisme historique n’a pas sa place au centre gauche » (interview de Jean Luc Mélenchon dans Libération)

dimanche 30 novembre 2008.
 

Fondé par Jean-Luc Mélenchon et le député Marc Dolez dans la foulée de leur départ du PS, le Parti de gauche (PG) tient son premier meeting aujourd’hui à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Le sénateur de l’Essonne juge que « le socialisme historique n’avait plus de place » dans un PS « de centre gauche ».

Pourquoi avez-vous choisi, avec Marc Dolez, le soir du vote des motions pour quitter le PS ?

Ce choix a un sens politique. Il a d’ailleurs été confirmé par la suite. Je pensais que l’union, pour la première fois, de la gauche du PS et conjointement la crise du capitalisme allaient nous porter. Mais le 6 novembre, la gauche du PS [la motion conduite par Benoît Hamon, ndlr] a été éliminée de la décision. Et l’ancienne majorité, divisée en trois, a encore gagné. Les luttes qui ont suivi ont représenté un cas spectaculaire de confrontation des deux lignes de la social-démocratie européenne : la ligne démocrate à l’italienne, dont Ségolène Royal est la figure de proue, et celle, social-démocrate libéralisée, de Martine Aubry. Le socialisme historique que nous représentons n’a plus de place dans un tel parti de centre gauche.

Pourquoi n’avoir pas claqué la porte en 2005, lorsque vous vous étiez opposé au traité constitutionnel européen (TCE) ?

Je pensais que le parti tiendrait compte du résultat du référendum, ce qui ne s’est pas produit. Ensuite, nous avons été pris dans la logique de préparation de la présidentielle. Mais depuis 2005 et la fin de la singularité du socialisme français, la question s’est posée. Le PS s’est mis au diapason de la social-démocratie. A l’époque, j’avais écrit que si la suite était celle-ci, il faudrait créer un autre parti. En Italie, les camarades ont attendu au-delà du raisonnable. En Allemagne et en Grande-Bretagne, la gauche du parti a été éradiquée pour ne pas avoir su se rendre autonome à temps.

Que pensez-vous de l’élection de Martine Aubry à la tête du PS ?

C’est un trompe-l’œil de penser qu’elle serait plus à gauche que Ségolène Royal. La ligne de Martine Aubry confirmée, tout recommence : les phrases de gauche avec des pratiques qui ne le sont pas, le réformisme, l’économie de marché comme horizon indépassable, l’Europe comme projet en soi. Ces orientations archaïques nous ramènent dans l’impasse. Partout en Europe, cette ligne a conduit à des désastres électoraux et à des coalitions avec la droite.

Fallait-il nécessairement passer par un nouveau parti à gauche ?

Nous ne faisons pas de la politique de témoignage. Nous croyons à la fonction d’éducation populaire d’un parti, au rendez-vous avec le suffrage universel. Nous voulons présenter des programmes, des candidats avec, immédiatement, cette stratégie de rassemblement pour former une nouvelle majorité politique.

Sur le modèle de Die Linke, le parti allemand d’Oskar Lafontaine qui sera votre invité au meeting ?

Comme lui, nous avons eu le courage de rompre avec la social-démocratie, et l’idée d’un rassemblement. Mais son modèle n’est pas transposable : Oskar Lafontaine a fait une fusion de partis, entre son petit groupe, qui a quitté le SPD, et l’ex-parti communiste est-allemand. Si on se lance là-dedans, on n’y arrivera pas : ce serait absurde de mettre comme préalable le fait que chacun disparaisse pour agir ensemble. Chez nous, ce n’est pas une fusion, mais un front qui est à l’ordre du jour.

Vous avez annoncé, avec Marie-George Buffet (PCF), votre intention de faire « front commun » aux élections européennes…

Nous proposons de constituer un front de gauche en rupture avec le contenu du traité de Lisbonne. Cela implique de rassembler tout l’arc des forces de la gauche du non au TCE. A chaque élection, on se trouve pris dans l’étau du vote utile. Si on se rassemble, si on renverse cette problématique, on peut passer en tête.

Pensez-vous convaincre le NPA ?

On va les rencontrer mi-décembre, comme les alternatifs et le MRC. Contrairement à ce qui a été dit, Olivier Besancenot ne m’a pas claqué la porte au nez. Les choses bougent car les malentendus se dissipent. Je ne propose pas au NPA de renoncer à l’idée de former un parti révolutionnaire. Et sur la question de l’indépendance avec le PS, au Parlement européen et ailleurs, je leur donnerai des garanties.

Vous revendiquez 5 500 soutiens. Est-ce conforme à vos espoirs ?

Je n’attendais rien. Des élus locaux, des syndicalistes commencent à nous rejoindre, mais je ne sais pas si cela va s’amplifier. En politique, on ne pense pas en parts de marché. Quand le PG va se mettre en mouvement, discuter des programmes, on verra si la mayonnaise prend. Le meeting sera déjà un test.


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