Italie : grèves, manifestations, déferlante étudiante pour défendre l’école (4 articles)

lundi 1er décembre 2008.
 

Les étudiants et les enseignants continuent leurs manifestations face à la contre-réforme de l’éducation et les restrictions budgétaires. La manifestation du 14 novembre a réuni 300 000 personnes.

Depuis plusieurs semaines, une mobilisation étudiante extraordinaire envahit les places et les rues de toute l’Italie. Des jours précédents la grève générale du 17 octobre, appelée par les syndicats de base, à aujourd’hui, une dizaine d’universités et des centaines d’écoles sont entrées dans la lutte [1]. Cette mobilisation implique tous les secteurs de l’Éducation, les enfants des écoles élémentaires et leurs professeurs, les lycées, les étudiants, les précaires de la recherche et de l’université, les instituts de recherche.

Cette explosion a été déclenchée par les mesures du gouvernement Berlusconi, à partir du mois d’août. Il s’agit, en substance, d’une série de très importantes réductions de dépenses budgétaires (47 % pour les universités), motivée par de prétendus gaspillages, l’excédent de personnel et la nécessité faire face à la crise économique. Ces réductions budgétaires s’ajoutent à la contre-réforme de l’école élémentaire, approuvée le 29 octobre au Parlement, en dépit des protestations de ces derniers jours. Ces dispositions arrivent après une quinzaine d’années de restrictions dans l’Éducation, en particulier dans les universités italiennes.

L’une des nouveautés de ce mouvement est la préoccupation qu’expriment les étudiants concernant leur avenir, une fois accompli leur parcours de formation. Ils prennent aujourd’hui conscience que leur diplôme ne constitue plus un élément d’amélioration de leurs conditions de vie et d’ascension sociale. Au contraire, ils connaîtront la précarité, la flexibilité et la quasi-impossibilité de construire une existence autonome de leurs parents. À la lumière de cette prise de conscience, le mouvement étudiant recherche une alliance avec le monde du travail, se donnant comme objectif la généralisation de la mobilisation.

Les prochaines semaines seront décisives pour défendre l’autonomie politique du mouvement et pour ouvrir une discussion allant au-delà des mesures du gouvernement Berlusconi et pointant les responsabilités du centre gauche. Face au refus absolu du gouvernement de céder, il est désormais nécessaire d’éviter le reflux, d’obtenir des victoires partielles, école par école et université par université, sur les questions relatives au droit aux études et à la précarité des professeurs. Ces victoires partielles pourront donner de la force aux mobilisations et permettre, finalement, d’avancer sur des mots d’ordre plus radicaux et, surtout, sur l’extension de la mobilisation au reste de la société.

La première réunion nationale du mouvement, à l’université de la Sapienza (Rome), s’est conclue par la décision de participer à la grève générale du 12 décembre, appelée par le syndicat CGIL. Une grève néanmoins insuffisante – seulement quatre heures – qui, pour le moment, ne prévoit pas de manifestation nationale...

ARRUZZA Cinzia (site Europe solidaire sans frontières)

2) Un million de manifestants (article rtbf)

L’Italie a fait l’école buissonnière jeudi avec une grève générale dans le primaire contre la réforme de l’éducation du gouvernement de Silvio Berlusconi tandis que des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Rome.

Selon les organisateurs, environ un million de personnes ont manifesté dans la capitale alors que 90% des écoles du pays étaient fermées. Les deux chefs de l’opposition de gauche, Walter Veltroni pour le Parti Démocrate et l’ex-juge anticorruption Antonio Di Pietro de l’Italie des Valeurs, ont participé au cortège, ainsi que plusieurs leaders syndicaux.

Le défilé, précédé d’importantes forces de police, s’ouvrait par une grande banderole proclamant "Tous unis pour l’école" tandis que les manifestants portaient des ballons de toutes les couleurs.

"Ne nous volez pas notre avenir", "Une école appauvrie créée une société misérable", proclamaient les pancartes brandies par les protestataires, dont des mères de famille venues avec des enfants âgés de 5-6 ans. Le Parlement a adopté définitivement mercredi la loi sur la réforme controversée de l’école. Le PD a annoncé une campagne de signatures contre la loi afin d’obtenir son annulation via un referendum. L’opposition, comme les syndicats et les manifestants qui ont multiplié les protestations et occupations de lycées et d’universités ces quinze derniers jours, réclament le retrait pur et simple du texte, qui prévoit notamment le retour au professeur unique dans le primaire, des coupes de plus de 9 milliards d’euros et plus de 130.000 suppressions d’emplois.

"Ce n’est pas un projet de réforme mais des coupes budgétaires. Le gouvernement démolit l’école publique pour la remplacer par un système privé. Il ne veut pas discuter et nous allons poursuivre la mobilisation", a déclaré le responsable de la fédération enseignement du syndicat CGIL, Domenico Pantaleo.

Des manifestations se sont également déroulées dans d’autres villes italiennes : à Milan, Turin ou Venise notamment.

Une grève générale dans l’enseignement supérieur, également touché par d’importantes restrictions de crédit, est prévue le 14 novembre prochain

3) Manifestations en Italie contre la réforme des universités

Des universités occupées à Turin, Florence et Rome. Berlusconi qui menace de faire intervenir la police. La tension monte contre les réformes du système éducatif et notamment contre une loi qui prévoit la transformation des universités italiennes en fondations privées.

Manifestations en Italie contre la réforme des universités La réforme Gelmini, du nom de la ministre de l’Education du gouvernement Berlusconi, passe mal. Elle prévoit des aménagements pour tout le système scolaire italien : de l’école primaire (cours d’éducation civique, maître d’école unique…) au lycée (renforcement de l’enseignement de l’anglais…). Point d’achoppement : la réforme prévoit une baisse des crédits (7,4 milliards d’euros de moins entre 2009 et 2012) pour l’éducation et des suppressions de postes d’enseignant (87 400 postes d’enseignants et 45 000 emplois administratifs). Les lycéens sont montés au créneau, rejoints par les étudiants qui, eux, protestent contre l’adoption d’une loi rédigée par le ministre de la Fonction publique, Renato Brunetta, et celui du Trésor, Giulio Tremonti.

Cette loi « 133/2008 » prévoit une réduction du budget ordinaire de l’enseignement supérieur de 1,4 milliard d’euros entre 2009 et 2013 (20% du budget actuel), et l’arrêt du recrutement de professeurs et chercheurs, dès 2009. Les partisans de Forza Italia, le parti fondé par Silvio Berlusconi, estiment à ce propos que "donner davantage d’argent aux universités aurait pour seul résultat d’augmenter le gaspillage". Dans un cas comme dans l’autre, l’objectif du président du Conseil est de réduire le montant des dépenses publiques, alors que le pays qu’il gouverne est touché de plein fouet par la crise.

La loi Brunetta-Tremonti propose également la transformation (facultative) de certaines universités italiennes en fondations de droit privé. Ces fondations universitaires pourront recevoir des dons (déductibles des impôts à hauteur de 90% du montant du don) et détiendront en direct le patrimoine de l’université. Elles pourront accueillir à leur conseil d’administration des acteurs privés. La loi interdit naturellement toute redistribution de revenus et rappelle que ces fondations universitaires n’ont pas d’objectif commercial. Les opposants à la loi estiment que cette disposition risque d’entraîner la mort des universités publiques en Italie.

Enfin, afin de soutenir la recherche, la loi Brunetta-Tremonti prévoit des financements spéciaux pour les projets de recherche d’excellence (entendu comme étant des projets de recherche appliquée, menés en Italie, dans des secteurs technologiques stratégiques). Une fondation est créée à cet effet : la Fondazione Istituto Italiano di Tecnologia.

de Christophe Angeli

Source : www.boivigny.com

4) Aux facultés en lutte, aux étudiantes et aux étudiants... appel des facultés italiennes occupées contre la loi 133 et le décret Gelmini

"Nous, on ne payera pas votre crise". C’est celui-la le slogan avec lequel, il y a plus d’une semaine, la mobilisation a commencé dans l’université "La Sapienza".

Un slogan simple, mais tout de même direct : la crise économique globale, c’est la crise du capitalisme même, de la spéculation financière et immobilière, d’un système sans règles ni droits, des managers et sociétés sans scrupules ; cette crise donc ne peut pas retomber sur les épaules de la formation - de l’école primaire jusqu’à l’université -, de la santé, des contribuables en général.

Le slogan est devenu célèbre, en courant rapidement de bouche en bouche, de ville en ville. Des étudiants aux précaires, du monde du travail à celui de recherche, personne ne veut payer la crise, personne ne veut socialiser les pertes, puisque la richesse a été depuis des années distribuée parmi eux peu, trop peu.

C’est cette véritable contagion qui a déterminé ces semaines-ci, la multiplication des mobilisations dans les écoles, dans les universités, dans les villes. On le sait, le chien qui a peur, mord ; de même la réaction du premier ministre Berlusconi ne s’est pas faite attendre : " Police pour les universités et les écoles occupées", " nous allons arrêter la violence dans le pays".

Hier Berlusconi avait déclaré vouloir augmenter les soutiens économiques aux banques et vouloir faire de l’état et de la dépense publique les garants en dernière instance pour les prêts aux entreprises : bref, coupes à la formation, baisse des ressources pour les étudiants, coupes à la santé, mais argent aux entreprises, aux banques, aux privés.

Nous nous demandons, alors, où se trouve la violence : dans une occupation ou plutôt dans un gouvernement qui impose la loi 133 et le décret Gelmini, sans aucune discussion parlementaire ? Est-il violent qui se mobilise en défense de l’université et de l’école publique ou bien qui veut les céder pour favoriser les intérêts économiques de peu ?

La violence est donc du côté du gouvernement Berlusconi ; de l’autre côté, dans les facultés ou dans les écoles occupées, il y a la joie et l’indignation de ceux qui luttent vraiment pour leur futur et pour le futur de tous, de ceux qui n’acceptent pas d’être mis au coin ou forcés au silence, de ceux qui veulent être libre.

Il nous a été dit que nous savons seulement dire « non », que nous n’avons rien à proposer. Rien de plus faux : les occupations et les assemblées de ces jours-ci sont en train de bâtir une nouvelle université, une université faite de connaissance, mais aussi de socialisation, de savoir, d’information et de conscience. Étudier est pour nous fondamental, et c’est pour cela que nous considérons indispensable de nous mobiliser : occuper pour faire vivre l’université publique, pratiquer le dialogue pour pouvoir continuer à étudier ou faire de la recherche. Beaucoup de choses dans l’université et dans les écoles doivent être changées, mais une chose est certaine : le changement ne passera pas par le dé-financement.

Changer l’université signifie augmenter les ressources, soutenir la recherche, qualifier les processus de formation, garantir la mobilité (de l’étude à la recherche, de la recherche à l’enseignement). Par contre le de-financement a un seul but : transformer les universités en fondations privées, décréter la fin de l’université publique.

Le dessin est clair, ainsi que les moyens : la loi 133 a été approuvée dans le mois d’août et, face au désaccord de dizaines de milliers d’étudiants, on a appelé l’intervention de la police. Ce gouvernement veut détruire la démocratie, à travers la peur, à travers la terreur. Mais aujourd’hui, de "La Sapienza" en mobilisation et des facultés occupées nous disons que nous n’avons pas peur et nous ne reviendrons pas sur nos pas. Il est plutôt dans notre intention de faire reculer le gouvernement : nous n’arrêterons pas nos batailles tant que la loi 133 et le décret Gelmini ne seront pas retirés !

Cette fois nous allons jusqu’au bout, nous ne voulons pas perdre, nous ne voulons pas baisser la tête face à tant d’arrogance. C’est pour ça que nous invitons toutes les facultés en mobilisation du pays à faire le même chose : s’ils veulent frapper les occupations, et bien que mille écoles et facultés occupent !

En plus, après la grève et les manifestations du 17 octobre fixées par les syndicats de base, nous retenons qu’il est arrivé l’heure de descendre dans les rues de nos villes pour donner une réponse unitaire et coordonnée. Nous proposons donc deux journées de mobilisation nationales : vendredi 7 novembre, avec des manifestations dans toutes les villes, et une grande manifestation nationale du monde de la formation, de l’université jusqu’à l’école, à Rome, pour vendredi 14 novembre, journée où les syndicats confédéraux ont décrété la grève de l’université. Une journée à construire dont, en premier lieu, les protagonistes doivent être les étudiants, les chercheurs et les professeurs en mobilisation. D’autant que nous retenons utile de traverser, avec nos formes et nos contenus, la grève générale de l’école lancée par les syndicats confédéraux et fixée pour jeudi 30 octobre.

Ce qui arrive dans ces jours c’est une mobilisation extraordinaire, puissante, riche. Une nouvelle vague, une vague anormale qui n’a pas intention de s’arrêter et qui veut, au contraire, vaincre. Faisons croître la vague, faisons croître l’envie de lutter ! On nous veut idiots et résignés, mais nous sommes intelligents et en mouvement et notre vague ira loin !


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