Le PS n’a plus vraiment le choix (interview d’Henri Emmanuelli)

mercredi 29 octobre 2008.
 

Courrier picard : Henri Emmanuelli, vous êtes partisan de la motion « c » présentée par Benoît Hamon, qui prône un réancrage à gauche du Parti socialiste. Vous pensez que le PS est mûr pour entendre ce discours ?

Henri Emmanuelli Je crois que le PS est aujourd’hui très dépolitisé. Il faut reconnaître que la social-démocratie européenne a accepté beaucoup de paradigmes néolibéraux. Mais la crise est là et j’ai la certitude qu’elle va remettre pas mal de pendules à l’heure. Alors, est-ce que le PS est mûr pour entendre cela ? Je dirais qu’il n’a pas tellement le choix. Si même Sarkozy devient socialiste, pourquoi pas le PS ? Je plaisante…

On perçoit nettement chez certains socialistes la tentation d’une alliance au centre droit, au détriment d’une alliance historique à gauche…

Cela fait trois fois que nous perdons la présidentielle parce que nous confondons de premier tour et le deuxième. Nous ne sommes pas les seuls. Sur 16 élections majeures survenues ces derniers mois en Europe, la social-démocratie en a perdu 13. Certains y voient un glissement à droite de la société. Je pense plutôt que c’est parce que nous n’avons su répondre aux aspirations des électeurs de gauche.

Après avoir été élus sur des programmes de gauche, les socialistes ont souvent mené des politiques à peine moins à droite que celle de la droite assumée. N’est-ce pas là, la cause de l’échec ?

Je ne suis pas sûr que ces programmes étaient de gauche. Cela dit, en France ce n’est pas exact. En 1981, il y a eu une vraie politique de gauche. C’était vrai aussi en 1997. Je vous rappelle les 35 heures, la CMU…

Tout de même, le démembrement de la SNCF, la privatisation d’Air-France, de France Télécom…

C’est vrai, sur les dernières années j’ai été amené à dénoncer des affichages qui n’étaient pas compatibles avec une politique de gauche. Mais je rappelle que jusqu’en 2002, le salaire médian a continué à augmenter. Depuis, il n’y a plus que les très gros salaires qui progressent ce qui masque la stagnation de la majorité des revenus. Et la vraie question est là, c’est celle de la répartition des richesses. Je pense que le principal échec de la gauche, c’est que les inégalités se sont remises à augmenter.

Si à l’issue du congrès vous constatez que le PS n’entend pas ce discours et qu’il s’ancre dans une dérive droitière, vous faîtes quoi ?

Quand j’écoute les discours aujourd’hui au PS, tout le monde est très à gauche. J’espère qu’après le congrès cela durera, parce que sinon le PS sera en danger de rupture. Mais j’ai des bons échos partout. J’ai la conviction que la crise aidant, on va redécouvrir des réalités qu’on a fait semblant d’ignorer. La question du pouvoir d’achat, celle des inégalités. Il faudra en particulier veiller à la problématique de la redistribution. C’est en répondant à ces questions qu’on rassemblera le Parti socialiste, et au-delà toute la gauche.

Henri Emmanuelli, député PS des Landes, était en visite hier à Amiens. L’occasion de faire le point sur la campagne au secrétariat général de son parti. Entretien recueilli par PHILIPPE FLUCKIGER.


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