Ségrégation et dépossession des Palestiniens : Tunnels et routes, fermetures, croisements et Mur

mardi 15 août 2006.
 

La résolution du Conseil de sécurité prévoyant la cessation des hostilités permet enfin aux populations civiles libanaises et israéliennes de souffler. Malheureusement, ce contexte pousse encore plus la communauté internationale à oublier le sort des Palestiniens, plus opprimés que jamais.

Il est difficile de mesurer les effets directs et les violations des libertés civiles de base des Palestiniens, telles que les droits économiques et sociaux, mais le plus important est la création systématique de l’état de fait sur la terre

Les nouveaux travaux de construction ont récemment commencé à la limite ouest de la ville d’Al-Khader, dans la région du sud de Bethléem en Cisjordanie. Sous haute protection, des machines énormes ont envahi le secteur, créant des nuages de poussière et aplanissant bruyamment la terre au bulldozer près des maisons des résidants. L’entrée principale à l’ouest, qui liait Bethléem à tout le sud de la Cisjordanie et aux villages voisins, a le malheur d’être localisée à l’ouest de la route de contournement 60, et est maintenant interdite à ces résidants.

L’administration civile israélienne a ordonné aux habitants de la ville d’utiliser l’entrée sud d’Al-Khader comme solution provisoire jusqu’à ce qu’un tunnel destiné uniquement aux Palestiniens, et encore en construction à l’entrée principale, soit terminé.

Quand le Mur et le tunnel s’y reliant seront en place, la majeure partie des terres agricoles de la ville se retrouvera à l’ouest et au sud de la barrière, ce qui aura pour conséquence d’isoler les fermiers de leurs terres, les privant de leur source principale de revenus.

Les Palestiniens dans toute la Cisjordanie doivent tous supporter de telles situations. De grandes bandes de terres ont été isolées derrière le Mur et leur accès dépend de procédures et permis spécifiques de l’administration civile israélienne. L’obtention de ces permis est un procédé compliqué, comme les Palestiniens du nord de la Cisjordanie, où le Mur est terminé, l’ont déjà éprouvé.

La municipalité d’Al-Khader a engagé un certain nombre d’avocats en Israël pour suivre le cas, et a commencé d’organiser des protestations.

L’ouverture de ce tunnel fait partie d’un projet plus global pour ouvrir une série de routes et de tunnels à travers la Cisjordanie. Ce plan politique a pour objectif d’établir un réseau de routes destinées uniquement aux Palestiniens et un réseau séparé des routes destinées uniquement aux Israéliens. Selon les cartes et les ordres militaires publiés dans plusieurs zones, les routes destinées uniquement aux Palestiniens seront plus circulaires, à travers un terrain montagneux et irrégulier, semblable à la route alternative liant actuellement la région de Hébron au nord de la Cisjordanie via Taqou’ à l’est de Bethléem. D’autres routes de ce type ont été déjà construites dans le nord de la Cisjordanie.

Il est difficile de mesurer les effets directs et les violations des libertés civiles de base des Palestiniens, telles que les droits économiques et sociaux, mais le plus important est la création systématique de l’état de fait sur la terre, qui constitue les principaux blocs de blocage à la capacité des Palestiniens de mettre en avant leur projet national sur leur territoire.

Toutes ces mesures israéliennes- construction de tunnels, routes séparées, Mur de ségrégation, fermeture de vastes secteurs de terres en Cisjordanie- ont pour but d’établir un système raciste unique dans sa globalité et son impact. On peut voir le modèle de ce système sur le terrain à travers les éléments suivants :

*Le Mur de ségrégation :* Un avis consultatif, émis par la Cour de Justice Internationale, l’a considéré comme illégal et a réclamé son démantèlement. C’est devenu le symbole de la lutte des Palestiniens, pour les mouvements internationaux de solidarité et un certain nombre d’activistes israéliens, étant donné que c’est un exemple physique dramatique de la ségrégation et de tous ses effets, y compris l’isolement des zones agricoles, la dissection de la Palestine et la destruction du tissu social des Palestiniens. En retour, ceci institue un système d’isolement, dont les impacts négatifs touchent également les Israéliens.

Le mur de béton s’étend du nord au sud, près des frontières de 1967, et infiltre la Cisjordanie dans de nombreux endroits. Des murs ont été construits près de plusieurs colonies, et dans un certain nombre de secteurs, les murs de ségrégation séparent les villes palestiniennes les unes des autres et les divisent en entités disparates. Selon des ordres militaires, Abu Dis, Qalqilya et Hébron vont subir, ou subissent déjà, une telle dissection.

*Routes et tunnels destinés uniquement aux Palestiniens ou aux Israéliens :* Le but de ce plan est d’établir un réseau des routes conçues pour l’utilisation palestinienne et d’autres pour le seul usage israélien. La plupart de ces routes sont destinées au trafic israélien, les routes de contournement sont terminées depuis longtemps. Ce qu’il y a de nouveau, cependant, c’est toute la dissociation des itinéraires de transport au sein de la Cisjordanie, une idée née il y a quelques années au coeur d’Hébron, où les Palestiniens ont l’interdiction d’utiliser les routes des colons et ont dû se contenter des itinéraires détournés et longs.

Ces routes de contournement pour les colons serpentent la ville d’Hébron. Il y a maintenant les prétendues "routes pour les pèlerins" qui relient Kiryat Arba, Kharsina et d’autres colonies à la mosquée d’Ibrahimi [le tombeau des patriarches] au centre de la ville.

Une autre route, établie sur des ordres militaires, relie l’enclave de la colonie de Ramat Yeshai de la limite sud-ouest de la vieille ville au centre de la ville, ce qui termine la division de la ville en quatre sections et a créé des routes uniquement pour les colons, laissant aux Palestiniens de trouver des routes alternatives plus longues.

Le plus important est que cette division de la ville et ses routes créées sur une base raciale ont des ramifications dévastatrices sur la vie quotidienne des Palestiniens, leurs structures sociales, économiques et éducatives, et elles limitent de plus en plus leur libre circulation.

C’est dans ce contexte que le système des routes séparées est mis en application à Al-Khader, et que d’autres ont été lancés ailleurs en Cisjordanie. Une série d’ordres militaires a été publiée pour la construction d’autres tunnels semblables dans la plupart des zones de Cisjordanie. Il y a un an, quatre ordres militaires ont été publiés dans le sud de la Cisjordanie pour la construction de quatre tunnels dans la zone d’Hébron pour l’usage unique des Palestiniens. Les municipalités et les propriétaires fonciers dont les terres étaient confisquées à cette fin se sont tournés vers la cour israélienne pour contester ces ordres.

L’expert foncier Abdel Hadi Hantash du Comité de Défense de la terre dit, "selon les ordres militaires et des cartes publiés, quatre tunnels seront construits des quatre côtés de la zone afin de séparer complètement les Israéliens et les Palestiniens. Ce n’est pas tout, cependant. Ces tunnels auront comme conséquence le contrôle israélien de la majeure partie de la terre et le contrôle croissant des entrées aux quartiers de la ville. Ils interdiront tout développement normal palestinien. Ces tunnels et routes mèneront même à l’isolement des villes palestiniennes les unes des autres par le mouvement restreint dans les rues et sur les routes, la fermeture de plusieurs autres routes et entrées, que les citoyens ont l’habitude d’employer."

*Déclaration de grandes bandes de terre en tant que zones militaires fermées :* au cours des mois passés, les autorités israéliennes ont réactivé une des politiques qui a accompagné l’occupation depuis le premier jour, la confiscation des terres et la déclaration de secteurs choisis en tant que zones militaires fermées, où les Palestiniens sont alors interdits d’entrer. Avec leurs maisons, les familles perdent souvent une source importante de leur revenu par la saisie de leur terre.

C’est une politique établie depuis longtemps, maintenant mise en application sur une échelle sans précédent. Trois nouveaux ordres militaires ont été publiés, selon lesquels 80.000 dunam de terres au sud de la Cisjordanie ont été confisqués et isolés ; ceci est justifié par des autorités israéliennes par le besoin d’une zone-tampon de sécurité. Ces secteurs sont situés au nord du Mur de ségrégation, à l’intérieur du territoire occupé en 1967.

Cette politique a été étendue il y a plusieurs mois à la région nord de vallée du Jourdain, au nord de la Cisjordanie, quand un certain nombre de points de contrôle ont été installés et le secteur a été déclaré zone militaire fermée. Ce secteur, approximativement 440.000 dunam, comprend une population d’environ de 54 000 habitants et une des sources d’eau les plus riches en Palestine.

Les points de contrôle permanents ont été installés pour empêcher n’importe quel non-résident de ce secteur d’entrer, et sont renforcés avec des barrières faites de matériaux naturels, tels que des barricades de terre et des fossés. A cause de ces obstacles, les résidants ont été empêchés d’entrer dans leur région agricole ou de bouger librement dans le secteur. Egalement, en tant qu’élément de cette politique d’étranglement dans la vallée du Jourdain, des douzaines de maisons, de cabanes et installations agricoles ont été démolies et des dizaines de familles ont été déplacées.

Au début de ce mois, des familles ont été expulsées de leurs terres sous le prétexte que leurs domiciles n’étaient pas dans la région de vallée du Jourdain.

La plupart des propriétaires de terres dans le nord de la vallée du Jourdain sont des résidants des villes voisines, comme Tubas, et ont été interdits d’accès à leurs régions agricoles en cette saison de moissons. Au lieu de cela, il leur a été dit que le secteur était une zone militaire fermée.

Tant au nord qu’au sud de la Cisjordanie, de vastes régions ont été fermées, confinant et expulsant les Palestiniens résidents. Des points de contrôle ont été construits, du barbelé a été posé, les projets de colonies développés, et les routes de contournement sont mises en place. Deux développements opposés, et pourtant conjoints, sur la même partie de territoire montrent encore un autre visage d’un système de ségrégation : expansion des colonies d’un côté et confinement des Palestiniens de l’autre.

En plus, des douzaines de bornes limites d’une nouvelle sorte sont installées. Il y a plus de 500 barricades militaires et barricades de terres dans l’ensemble de la Cisjordanie occupée, considérées comme entrées aux villes palestiniennes et, de manière significative, en tant que carrefour internationaux. Le carrefour de Qalandiya, maintenant considéré par Israël comme carrefour international, cependant situé dans le secteur occupé en 1967, est un exemple. Des points de contrôle permanents, faisant écho au système de Bantoustan de l’Afrique du sud, ont été également installés pour diviser des zones sur les terres palestiniennes.

Basé sur ceci, il est juste de dire que la future carte de la réalité pour la Palestine est un système de ségrégation qui s’étend horizontalement pour inclure tous des territoires palestiniens occupés, du nord aux sud et de l’ouest à l’est. Verticalement, il inclut tous les aspects de la vie. Il sépare les villes les unes des autres, divise les routes et sépare les populations les unes des autres.

C’est une ségrégation qui sépare les montagnes, les plaines et les populations en même temps ; c’est un système extrême dans son racisme et son impact. Nous faisons face à une guerre d’une nouvelle sorte, à une guerre faite de tunnels et de restrictions, et à des mesures plus profondes d’isolement et de séparation sur une base raciale.

Ahmad Jaradat est coordonnateur du projet sur la violence des colonies pour l’AIC (Centre d’information alternatives )- 8 août 2006 .


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