Face au capitalisme, nous étions un peu les veilleurs du désert des Tartares. Et voilà que le raz-de-marée déferle ! (Jacques Kirsner)

dimanche 26 octobre 2008.
 

Les événements sont évidemment hors du commun, historiques. La planète financière, boursière, bancaire chancelle sous la masse des capitaux fictifs, les montagnes de dettes s’affaissent les unes sur les autres, les titres « toxiques » ( !) brûlent les mains, les faillites se multiplient les géants de la banque disparaissent ou changent de mains, nationalisés, rachetés par d’autres banques, avec la garantie de l’Etat. Warren Buffet, magnat du capital américain a déclaré : c’est un Pearl Harbour économique. Le début d’une guerre tous azimuts. D’abord contre les « collectivistes » a prévenu Sarkozy. Les institutions financières, hypothécaires, assurances qui ne peuvent faire face à leurs engagements, broyés par l’effondrement des bourses sont mises en faillite, absorbées à la casse par des concurrents… ou lorsque le risque systémique est trop significatif, nationalisées. Les dirigeants politiques, les chefs de gouvernements font feu de tout bois. Il faut conjurer la panique, sauver le système sans provoquer… une réaction politique des salariés.

Qu’importe les discours « libéraux » d’hier. S’il faut nationaliser on nationalise sans hésiter. On creuse les déficits, on aggrave l’endettement, ce n’est plus le problème. Il faut sauver le système capitaliste menacé par la crise mondiale. Cette panique provoque, va provoquer dans la plupart des formations, une crise politique majeure. Le secrétaire d’Etat au budget américian a été mis en échec par le sénat et surtout la chambre des représentants. Il a fallu composer, modifier substantiellement le plan Paulson de 700 milliards de dollars. Certes, cette crise est notamment due à la proximité des élections présidentielles américaines. Pas seulement. Dans les pays à tradition démocratique des catastropes de cette nature ne peuvent être conjurées sans un minimum de consensus ou avec un maximum de répression.

Or la crise des subprimes, ses conséquences, la multiplication des faillites ont semé le doute dans l’opinion publique internationale : le système capitaliste ne suscite plus la confiance. D’où le discours de Nicolas Sarkozy : défendre, refonder le « bon » système capitaliste contre le mauvais, composé d’affairistes, d’agioteurs, de spéculateurs, etc… Mais la mauvaise monnaie chasse la bonne ; la place dans la mondialisation du capital financier interdit de séparer production et financiarisation, le bon grain de l’ivraie. C’est l’analyse critique du système capitaliste que les révolutionnaires doivent mener à bien pour révéler l’unité absolue des processus d’exploitation et la dictature des marchés. Si on prétend sérieusement combattre « le capitalisme libéral » alors il faut interdire les paradis fiscaux, saisir tous leurs actifs, interdire toutes les opérations à terme, abroger « l’indépendance » des banques centrales qui ont pendant des décennies nourri la crise, fermer tous les « fonds d’investissements », les agences de notation, en saisissant leurs biens acquis grâce à la spéculation internationale ! Ce sont quelques-unes des premières mesures authentiquement anticapitalistes qui peuvent être prises.

Au vrai, la véritable réponse à la crise financière internationale n’est pas économique. Certes, les économistes -qui veulent aider le salariat- peuvent évaluer, proposer des techniques. Mais la réponse à une crise plus grave que celle de 1929 (Mr Greenspan ancien président de la FED) est, ne peut être que politique. La politique peut certes se traduire en revendications, en mots d’ordre de transition. Mais d’abord, il faut éclairer le cadre général. L’expliquer et stigmatiser le système. L’effondrement du système financier international, à commencer par Wall Street, devra être payé par une classe sociale. La bourgeoisie ou le salariat. Si c’est le capitalisme « refondé » grâce à l’unité nationale dans les principaux pays qui l’emporte, c’est le salariat qui payera la note. Pas seulement sur le plan « économique ». 1929 a enfanté 1933 en Allemagne, le militarisme nippon, le fascisme en Espagne, au final la seconde guerre mondiale.

Jamais la question du pouvoir, du pouvoir démocratique n’aura autant nécessité campagne de propagande, d’agitation, d’analyse. C’est une urgence. La social-démocratie internationale a dans la plupart des pays, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Irlande, Espagne, etc… subi cette tempête sans voir ni savoir. Hébétée. Un dirigeant du PS confiait son impuissance politique : la droite nationalise, la gauche privatise… La social-démocratie est prise à contre-pied. Là où elle est au pouvoir, elle va le perdre, provoquant une progression de l’extrême gauche, mais aussi un développement de l’extrême droite.

Dans l’opposition comme en France, elle se disloque (Michel Rocard se ralliant à Sarkozy) impuissante. Elle vient d’ailleurs d’adopter une nouvelle déclaration de principe qui enterre le socialisme, idéalise « l’économie de marché ». Bertrand Delanoe, probable candicat du PS à l’élection présidentielle a, il y a quelques semaines, sorti un livre où il se proclame « libéral-social » et revendique une action de « manager », et Dominique Strauss-Kahn, patron du FMI, propose aux dirigeants américains et britanniques, ravis, une théorie sur les « nationalisations provisoires » !

Tôt ou tard, des affrontements majeurs auront lieu. Peu présente dans la presse française, la multiplication des manifestations de rues aux Etats-Unis contre Wall Street a surpris les « observateurs ».

La crise des marchés va bouleverser le système de production. C’est par centaines de milliers que nouveaux chômeurs et précaires vont se compter. Quelle politique, quel gouvernement, en Europe, en France, peut juguler la crise, remettre de l’ordre, assurer le travail pour tous, les libertés, la culture, la santé, les retraites ?

C ‘est autour de ces questions que doit porter une politique révolutionnaire. Les salariés ne se satisferont pas de réponses audiovisuelles, de formules de communicants.

Lorsque Warren Buffet considère qu’il s’agit d’un « Pearl Harbour économique » il veut dire que c’est la fin d’une époque (la mondialisation heureuse), le début d’une autre. Lorsque Trichet déclare que la situation est marquée par une « incertitude absolue », il ne fait pas seulement référence à la situation des marchés. Le plus probable -encore que…- c’est qu’ils éviteront la crise cardiaque mortelle. Mais Trichet sait que le monde capitaliste a un cancer incurable… Durant des décennies, nous avons analysé la situation économique, sociale, internationale. Chaque crise locale (Argentine, Asie du Sud-Est) ou plus globale mais contenue (1987, 1993) nous confirmait qu’une crise majeure se déclencherait un jour ou l’autre, au cœur de l’impérialisme américain, dans la machinerie centrale du système capitaliste. Souvent nous avons exagéré les conséquences de ces soubresauts ; souvent on nous a reproché notre « catastrophisme ». Nous étions un peu les veilleurs du désert des Tartares. Et voilà que le raz-de-marée déferle.

La vieille taupe a finalement fait son travail. La société est sidérée. Nous devons essayer de surmonter cet état de fait. Prendre la pleine dimension de la situation qui est, son développement. Tant que les salariés n’interviendront pas, le débat s’instaurera entre les plus ou moins régulationnistes du système. De Sarkozy à ATTAC (qu’on se souvienne il y a quelques mois d’un appel d’économiste de gauche et d’extrême-gauche pour, déjà, réguler le système en Europe !) chacun va apporter son écot à cette rengaine. En fait, la seule régulation sérieuse, progressiste, efficace, c’est le socialisme. Cette crise va poser ce problème. La révolution va probablement refaire son apparition. Il serait temps que les révolutionnaires se rassemblent. Un club d’action et de réflexion pour le socialisme me semble une bonne idée.


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