L’extrême droite revient au premier plan de la politique autrichienne

jeudi 2 octobre 2008.
 

La débâcle des sociaux-démocrates et des conservateurs, les deux grands partis autrichiens, était annoncée ; l’ampleur du score réalisé par les deux partis d’extrême droite, qui dépassent avec 29 % le score historique des populistes en 1999, a jeté le froid sur le résultat des élections législatives anticipées qui avaient lieu dimanche 28 septembre en Autriche.

Moins de deux ans après les élections de 2006, sociaux-démocrates et conservateurs, qui avaient dû à contrecoeur se résoudre à gouverner ensemble faute de majorité sans l’extrême droite, avaient sabordé leur coalition en juillet dernier malgré une économie florissante. Le résultat de ce scrutin révèle la frustration des électeurs.

Le nouveau chef du parti social-démocrate, Werner Faymann, ministre de l’infrastructure du gouvernement sortant, n’a pas fait mieux que le chancelier sortant, Alfred Gusenbauer, qu’il a détrôné. Pour la première fois de son histoire, le SPÖ, qui a provoqué la rupture de la grande coalition en s’alliant avec l’extrême droite pour réclamer un référendum pour tout nouveau traité européen, passe sous la barre des 30 %. Avec 29,7 % des voix, il perd 5,6 % de ses électeurs mais n’en conserve pas moins la première place.

C’est donc à lui que revient logiquement l’initiative des négociations en vue de la formation d’une coalition gouvernementale. Au vu des résultats actuels du scrutin - les résultats définitifs ne seront connus qu’après le décompte des votes par correspondance -, deux options s’offrent à lui : retrouver les conservateurs dans une grande coalition ou s’allier avec le plus important des deux partis d’extrême droite, le FPÖ de Heinz-Christian Strache.

Plus lourde encore est la défaite de son partenaire de coalition, le parti conservateur, qui chute à 25,6 % des suffrages. Auteur du tonitruant "ça suffit" qui scella en juillet la mort de la grande coalition après 18 mois de querelles, son chef, et vice-chancelier sortant, Wilhelm Molterer, est rendu responsable de la débâcle. Au sein de l’ÖVP, la sourde opposition à son leadership est devenue clairement audible. Le jeune et ambitieux ministre de l’environnement, Erwin Pröll, se place déjà sur les rangs. Contrairement à d’autres cadres du parti qui n’excluent pas l’option d’un ressourcement dans l’opposition ou encore de refaire, comme en 2000, une coalition avec l’extrême droite, le challenger serait disponible pour une nouvelle tentative de grande coalition avec les sociaux-démocrates.

Les deux partis d’extrême droite ont trusté le vote protestataire à l’issue d’une campagne entièrement axée sur la vie chère et dominée par la surenchère populiste des deux grands partis. Représentant d’une extrême droite "pure et dure", Heinz-Christian Strache visait modestement 15 %. Avec 18 % des suffrages, le FPÖ, revigoré après des années de crise dues à sa rupture avec Jörg Haider en 2005 et à sa sortie de la coalition avec les conservateurs, a dépassé son objectif. Dimanche, M. Strache criait victoire et, pour provoquer, revendiquait la chancellerie.

L’autre grand vainqueur est le populiste Jörg Haider, gouverneur de Carinthie, qui effectue un retour spectaculaire neuf ans après avoir stupéfié l’Europe lors des élections de 1999, où, avec 26, 9 %, il avait fait jeu égal avec le parti conservateur. Sous sa direction, mais sans lui, le FPÖ était entré au gouvernement en coalition avec le chancelier conservateur Wolfgang Schüssel, déclenchant en Europe une vague de protestation.

Donné pour mort sur la scène nationale, cet éternel revenant de la politique autrichienne, dont le parti avait tout juste passé la barre des 4 % aux dernières législatives, bluffe les instituts de sondages et ravit aux Verts la quatrième place avec 11 % des suffrages. Avec 9,8 % des voix seulement, ces derniers sortent également perdants de ce scrutin. Ils espéraient un score historique de 15 %, la 3e place et une invitation à participer à une coalition gouvernementale. La campagne ne leur a pas permis de faire valoir leurs thèmes de prédilection. Au lendemain du scrutin, leur slogan "Quand, sinon maintenant !" revêt un goût amer.

La répartition des 183 sièges de l’Assemblée traduit le glissement vers l’extrême droite de l’échiquier. Ensemble, FPÖ et BZÖ totalisent 56 députés, deux de moins que les sociaux-démocrates mais six de plus que les conservateurs.

Laurence Monnot


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