La disparition programmée de l’école du peuple (par le réseau Ecole du PCF)

lundi 22 septembre 2008.
 

En cette rentrée, l’UMP et le MEDEF ne désarment pas. Ils poursuivent au pas de charge leur entreprise de démolition du contrat social. Ainsi, l’école est dans leur ligne de mire : suppressions de postes, élimination progressive de la scolarité avant 5 ans, mise en concurrence des établissements, privatisation rampante du système éducatif.

Autant de mauvais coups dont la motivation tient autant à la réduction de la dépense publique qu’à la mise en œuvre d’un projet européen ultralibéral qui consiste à mettre l’école au service du capitalisme mondialisé.

Notre système n’est pas le seul à subir ces mutations. En effet, l’ensemble des pays développés est soumis, depuis une quinzaine d’années, à de profondes réformes, dont la finalité essentielle est l’adaptation de l’école à la compétition économique mondiale (2). Il s’agissait de construire en Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » à l’horizon 2010. Ce slogan impliquait des systèmes éducatifs beaucoup plus performants dans la capacité à accroître le nombre d’élèves sortant à un niveau de formation élevé (objectif des 50 % au niveau de la licence), mais ce projet impliquait aussi de gérer au mieux les 50 % d’élèves restants, ceux qui arriveront (30 %) à un niveau de qualification moyen et les autres (20 %) qui n’auront aucune qualification.

Aujourd’hui, c’est un autre programme qui se met en place. Chacun sait que la réforme Fillon a été imposée au forceps malgré une opposition unanime de la communauté éducative. Cette loi fut une première tentative d’adaptation, jugée aujourd’hui insuffisante. Ainsi, des pans entiers de celle-ci sont aujourd’hui mis en œuvre avec retard ou carrément abandonnés.

C’est vrai de la réforme des programmes en élémentaire, réalisée trois ans après l’adoption de la loi et en butte à une forte résistance du corps enseignant. La réforme des UIFM s’est révélée, telle qu’elle a été imaginée, impossible à gérer - Darcos a décidé de les supprimer purement et simplement.

Le pouvoir est confronté à une série de contradictions. Comment atteindre l’objectif de 80 % au niveau du bac, 50 % au niveau de la licence, alors que le système stagne depuis plus d’une décennie à 63 % au niveau du bac ? Comment propulser un élève sur deux au niveau licence alors que le vivier étudiant pour y parvenir est insuffisant, et que seulement 18 % d’entre eux atteignent aujourd’hui le niveau de la licence ? Comment mettre en place une nouvelle stratégie de réussite scolaire pour une masse beaucoup plus importante de jeunes, quand les impératifs budgétaires imposent des coupes claires dans les moyens ?

Le projet Sarkozy-Darcos pour l’école est une tentative volontariste de dépasser ces contradictions. Les réformes mises en œuvres sont pour certaines dans la continuité de la réforme Fillon, d’autres vont beaucoup plus loin. Cependant, l’objectif demeure : l’école commune doit laisser place à une école qui cloisonne les élèves dans leurs inégalités. C’est le développement de l’aide à l’école privée qui scolarise un élève sur cinq. Ce sont les grands lycées prestigieux épargnés par la diminution de moyens, les grandes écoles pour l’élite, les universités pour les autres. L’école Sarkozy-Darcos, c’est la stratégie populiste du culte du mérite individuel accompagné de mesures d’aides en faveur des « bons élèves de ZEP », de dispositifs d’entrée hors concours dans les grandes écoles ou encore le soutien ciblé sur certains élèves en difficulté, aux prix d’une diminution du temps consacré à l’enseignement pour tous.

Dans le même temps, c’est le délitement de l’école du peuple avec la mise en oeuvre du programme minimum en élémentaire et la suppression à tous les niveaux d’heures d’enseignement dans les disciplines de culture générale. Il faut noter aussi les effets pervers de la suppression de la carte scolaire qui aura pour effet de renforcer la ghettoïsation de certains établissements situés dans les quartiers défavorisés. La disparition programmée de l’école maternelle, le projet de réforme des lycées, la remise en question du droit de grève des enseignants… Les réformes s’accumulent à un rythme effréné pour la refondation de l’école que Sarkozy appelle de ses vœux (lettre aux éducateurs). Tout cela est accompagné d’une offensive idéologique visant à créditer que notre école est en perdition, « l’école française ne serait plus compétitive », « le niveau baisse », ou encore le retour de thèses réactionnaires, comme « tout le monde ne mérite pas de réussir », « on aide ceux qui veulent travailler ».

Face à cette entreprise, la tétanisation de la gauche a assez duré : les tentatives de résistance des organisations syndicales se heurtent à la difficulté des forces progressistes à porter une ambition pour l’école, et plus généralement pour la société.

C’est bien à cela que nous devons travailler en cette rentrée. Avec ses analyses et ses propositions, le Réseau École du Parti communiste prendra toutes les initiatives utiles pour donner crédit à l’émergence d’un projet alternatif partagé, portant l’ambition d’une transformation progressiste de l’école.

(1) Le Réseau école du Parti communiste est composé de militants communistes, associatifs, syndicaux. Il a produit le projet communiste pour l’école décliné dans une proposition de loi déposée au Sénat et à l’Assemblée nationale. Il a édité un livre l’École en quête d’avenir, Éditions Syllepse, 2008.

(2) Les 19 et 29 juin s’est tenu à Paris, à l’initiative du Réseau École, un colloque qui a réuni 13 organisations du Parti de la gauche européenne afin de confronter les analyses et les propositions sur le sujet.

Par Bernard Calabuig, membre de l’exécutif national du PCF, responsable des questions de l’éducation ; Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice en charge de l’école ; José Tovar, Daniel Rome, Olivier Gebuhrer, Annie Mandois et Stéphane Bonnery, membres du secrétariat du Réseau École (1).


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