Jardin et réchauffement climatique

vendredi 24 février 2023.
 

0) Le calendrier agricole traditionnel devient fou

Le réchauffement climatique actuel bouleverse les certitudes ancestrales, en particulier les repères journaliers.

Dans les années 1950, la vie rurale était encore rythmée par des dictons péremptoires concernant toutes les activités agricoles. A chaque saint du calendrier correspondait un dicton prescrivant une activité pour un produit donné (semer, sarcler, tailler, planter, récolter...).

Soixante ans plus tard, personne ne sait à quel saint se vouer car le cycle annuel réel des températures ne correspond plus aux dictons multiséculaires dont voici quelques exemples :

- A partir de la Saint Siméon (18 février) Tu peux semer tes melons

- Il est trop tard à la Saint Pépin (21 février) Pour planter les arbres à pépins

- A la Sainte Cunégonde (3 mars) La terre redevient féconde

- Sème tes pois à la Saint Patrice (17 mars) Tu en auras à ton caprice

- A la Saint Anselme (21 avril) Dernières fleurs sème

- Qui sème les haricots à la Saint Didier (23 mai), Les récolte à pleins paniers

- A la Saint Barnabé (11 juin) Fauche ton pré

- Qui sème sa salade pour Saint Antoine (13 juin) en a comme la barbe d’un moine

- Le jour de la Saint Prosper (25 juin), n’oublie pas de fumer la terre

- Quand reviendra la Saint Henri (13 juillet) plante ton cèleri

- De Sainte Anne (25 juillet) à Saint Laurent Plante tes raves en tous temps

- Au jour de Saint Ignace (31 juillet) Moissonne quelque temps qu’il fasse...

Ces dictons servaient d’entame de conversation au jour concerné. Le saint du lendemain bénéficiait d’une petite prière lors de la veillée du soir... L dérèglement actuel modifie en fait tout l’équilibre ancien.

1) La vigne

La taille devait traditionnellement être effectuée dans la seconde moitié de mars après les grands froids de l’hiver et avant la montée de la sève.

- Taille tôt, taille tard

- Rien ne vaut la taille de mars.

Or, le mois de mars devient tellement doux que la sève commence à monter plus tôt. En 2016, en plein milieu du Massif central, quiconque taillait fin mars ses ceps de vigne ou sa treille, voyait ses sarments "pleurer" (expression pour signifier que la sève coule).

L’ensemble du cursus annuel de la vigne se voit décalé. Ainsi l’épamprage qui devait être terminé au plus tard fin juin demande à être avancé de quinze jours environ.

Dans le sud est, les vendanges ont été avancées de près d’un mois en 50 ans. On prévoit que les raisins seront mûrs courant juillet dans 50 ans contre mi-aout actuellement et fin août voici 50 ans.

2) Les saints de glace

Ces saints étaient fêtés les 11, 12 et 13 mai. Les agriculteurs avaient constaté depuis bien longtemps que cette période connaît généralement un rafraîchissement et même des gelées.

Aussi, ils ne repiquaient pas les plants de légumes (tomate, citrouille, cornichon, courgette...) avant que ces dates ne soient passées.

Cette croyance aux saints de glace remonte au moins aux années 500 ans de notre ère. Initialement, ce furent saint Mamert, saint Pancrace, saint Servais. La date de fin des gelées où les jardiniers pouvaient "faire leur jardin" sans crainte correspondait à la Saint Urbain (25 mai).

Parmi les dictons concernant les saints de glace, notons :

- Attention, le premier saint de glace, souvent tu en gardes la trace.

- Le 12 mai, Saint Pancrace souvent apporte la glace

- Avant saint Servais point d’été, après saint Servais plus de gelée

- Mamert, Pancrace et Servais sont des saints,

- Mais saint Urbain les tient tous les trois dans sa main.

Lors des interminables prières du soir, chaque famille sollicitait particulièrement saint Mamert, saint Pancrace, saint Servais puis Saint Urbain pour demander leur clémence.

Pour conclure sur ces saints de glace, notons deux points :

- Les scientifiques ont effectivement constaté un refroidissement fréquent lors de cette période de l’année où la Terre arrive dans un espace où les poussières stellaires seraient plus importantes.

- En ce début de 21ème siècle, le repiquage des plants s’opère de plus en plus tôt (en ce qui me concerne entre le 20 avril et le début mai). Saint Urbain est bien oublié. Même l’Eglise catholique a chassé saint Mamert, saint Pancrace, saint Servais de leurs dates fétiches où ils sont remplacés par sainte Estelle, saint Achille et sainte Rolande.

- quiconque a connu l’importance des dictons dans le rythme saisonnier annuel sait à quel point ces bouleversements désorientent les milieux ruraux traditionnels.

3) Légumes, fruits, fleurs et arbres

Depuis une vingtaine d’années de nouvelles plantes font leur apparition dans les jardins de telle ou telle partie importante de la France dont ils étaient absents auparavant. C’est le cas par exemple de l’aubergine, du poivron, du melon, de la pastèque, de l’igname...

Parmi les nouveaux fruits que l’on peut de plus en plus souvent apercevoir dans les terrains autour des maisons, notons le kiwi, le kiwaï, l’amande, l’abricot, le brugnon, le kaki...

Quant aux communes, elles plantent fréquemment des palmiers, bananiers et oliviers, y compris en plein milieu du Massif central, par exemple à Vieillevie où je viens de passer l’après-midi.

L’évolution climatique pèse encore plus en ce qui concerne les fleurs et arbustes d’ornement avec, par exemple, la remontée vers le Nord du laurier rose et du mimosa.

Pour éviter une gelée matinale impromptue, je rentrais à l’abri quelques plantes vertes (aloé véra, arbre de jade...) fin octobre. Depuis trois ans, j’attends sans accident fin novembre début décembre.

4) Animaux et réchauffement climatique

Plusieurs espèces migratoires retardent de plus en plus leur départ, par exemple la grive, le martinet noir et l’étourneau.

D’autres s’acclimatent peu à peu aux hivers du continent. Je l’ai constaté dans mon jardin pour le chardonneret, le tarin, l’étourneau sansonnet, la grive musicienne.

Le dérèglement du calendrier saisonnier, a aussi des conséquences néfastes sur plusieurs espèces. Tel est le cas par exemple pour la mésange charbonnière, ce petit passereau aux couleurs flamboyantes (jaune clair, gris bleu, noir, blanc) qui hante systématiquement les mangeoires en hiver et dont l’intelligence, l’empathie rappellent celles du chardonneret et du tarin. Elle se nourrit de nombreuses chenilles et en nourrit ses oisillons. La période de l’élevage des jeunes coïncide avec le pic d’abondance des chenilles sur les chênes ; or, le réchauffement climatique avance la sortie des feuilles de chêne. Les chenilles réagissent en se développant plus précocement, jusqu’à 10 jours d’avance. Mais la mésange avance trop peu ou pas du tout sa période de nidification. Au mieux, elle prend 2 jours d’avance. Conséquence, en fin d’élevage des oisillons, au moment où ils sont les plus gloutons, la grande majorité des chenilles risque d’avoir disparu. Les couvées de la mésange souffrent de la faim, elles échouent en totalité ou en partie. La population de l’espèce diminue.

5) Risque de conséquence néfaste du réchauffement climatique

5a) La mineuse de la tomate

Le développement du commerce mondial et du tourisme permet à des espèces inconnues de s’implanter à des milliers de km de leur lieu d’origine, au-delà de mers ou d’océans infranchissables sans le support humain. Parmi bien d’autres exemples, celui de la la mineuse sud-américaine de la tomate risque de donner du fil à retordre à certains jardiniers dans les années à venir. C’est un petit papillon nocturne originaire des régions chaudes de la cordillère des Andes. Cette mineuse a été signalée en 2008 dans le Midi de la France, et ne cesse depuis d’étendre son aire de répartition. La chenille vit dans les feuilles, les tiges et les fruits de la tomate, et peut également s’attaquer à la pomme de terre, à l’aubergine et à diverses plantes sauvages. Lors d’infestations graves, la totalité de la récolte peut être perdue. Dans les régions plus au nord, elle peut ravager les serres, dans lesquelles elle est souvent introduite via des plants contaminés.

5b) Le carpocapse des pommes

Il s’agit d’une chenille de papillon de la famille des tordeuses dont le réchauffement climatique entraîne des conséquences :

- dans le Midi de la France, le réchauffement climatique a déjà accéléré la croissance des chenilles et augmente le taux de survie de la souche résistante. L’infestation des vergers est à la fois plus longue dans le temps et plus importante en nombre d’individus résistants.

- au Nord de la Loire, le carpocapse était généralement absent, notamment dans les régions où la vigne ne peut être cultivée comme la Bretagne ou la Normandie. Des variétés ont été sélectionnées au fil des siècles pour s’adapter à des climats, des terrains, des usages différents, mais bien sûr pas pour résister au carpocapse. Avec le réchauffement climatique le carpocapse va fatalement finir par arriver. Il est impossible de prévoir ce qui se passera précisément, mais les variétés trop sensibles devront probablement être abandonnées.

6) Réchauffement et pruneaux secs

La préparation de pruneaux à partir des prunes d’Ente fait partie des traditions culinaires ancestrales.

La production industrielle qui fournit les pruneaux d’Agen vendus dans le commerce passe par plusieurs stade :

- récolte

- séchage dans un four (vingtaine d’heures) ou déshydrateur pour donner à la fin, un pruneau séché contenant 21% d’eau, si besoin avant d’être ré hydratés.

- les pruneaux sont ensuite triés par calibres avant d’être plongés une vingtaine de minutes dans un bain d’eau pour les amener à 35% d’eau. Ils deviennent ainsi plus moelleux. Ils seront ensuite emballés et expédiés dans nos magasins.

Durant l’été 2016, une telle série d’opérations n’a pas été nécessaires.

De nombreuses prunes ont séché sur l’arbre sans pourrir et sans tomber grâce à l’atmosphère chaude et aride.

7) La phénologie, science à présent indispensable

La phénologie est la science qui étudie les cycles des plantes et des animaux en fonction des saisons et du climat.

Des informations sûres nous proviennent des chercheurs scientifiques. En France, en un siècle, la température moyenne a augmenté de 0,7°C. Et le processus s’est accéléré ces 30 dernières années.

Il n’est pas nécessaire de consulter les ouvrages spécialisés pour constater ce réchauffement et s’informer des conséquences. La nature en fournit d’innombrables exemples.

La floraison des arbres fruitiers commence de façon plus précoce. En florissant trop tôt ils sont plus fragiles aux gelées tardives. En 2016, mes deux pêchers ont fleuri mi-mars avant de subir un froid trop intense pour la maturation des futurs fruits. En moyenne, la floraison des pommiers du Sud-Est de la France a avancé de 10 jours.

En règle générale, les arbres fruitiers ont besoin d’une période froide assez longue, par exemple pour se débarrasser de certains parasites. Les hivers trop doux leur sont donc préjudiciables. Tel est le cas par exemple de l’abricotier.

Le GIEC (Groupement Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) prévoit une hausse des températures mondiales entre 1,4 et 5,8 °C d’ici à 2010. Les conséquences sur la nature seraient terribles.

Dates de semailles et de repiquage des plants


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