La LCR s’interroge sur les contours politiques du nouveau parti anticapitaliste (par Sylvia Zappi, Le Monde)

jeudi 11 septembre 2008.
 

La décision a été prise sans accroc : la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) se dissoudra quelques jours avant la naissance, fin janvier 2009, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), comme l’a voté sa direction nationale, qui était réunie samedi 6 et dimanche 7 septembre à Paris. Pourtant, malgré le succès affiché et l’unanimisme de façade, les débats internes sur les contours politiques du NPA ne sont pas clos. Les dissensions opposant les "anciens" et les "modernes" s’expriment en sourdine et les points de vue s’écrivent dans des publications externes, pour ne pas effrayer les nouveaux militants.

Faut-il reprendre les fondamentaux du trotskisme, même réactualisés ? Parler de révolution aboutissant au "renversement du pouvoir des classes dominantes", à l’instauration "d’un pouvoir des travailleurs" pour "l’autogestion socialiste" et un "projet socialiste et communiste", comme le préconise le dirigeant François Sabado sur le site Mouvements. info, dans une doxa marxiste classique ? Ou bien utiliser des termes plus accessibles, en parlant de "rupture avec ce système, appelant la construction d’une autre société", et faire de l’anticapitalisme la "valeur cardinale" du NPA, ainsi que l’écrivaient le sociologue Philippe Corcuff, et Pierre-François Grond et Anne Leclerc, membres de la direction nationale, dans un point de vue publié dans Le Monde du 7 juin ?

Les textes du congrès de fondation ne sont pas encore écrits. Les nouveaux sympathisants peuvent mieux saisir le projet proposé par Olivier Besancenot au travers d’une contribution de la direction nationale de la LCR, rédigée fin juin, mais qui laisse le débat en suspens. Le maître mot du NPA, c’est désormais la "rupture". Avec le capitalisme, mais aussi avec la "veille gauche", les directions du PS et du PCF comme avec les institutions, qu’elles soient locales, régionales ou nationales. Les "luttes" demeurent le centre de gravité de l’identité de la nouvelle organisation, comme son refus d’alliance avec le PS. Quant au changement de société prôné, il passe par un "mouvement social puissant" et une "transformation révolutionnaire de la société". Les voies et les moyens d’y parvenir, eux, restent inexpliqués.

"C’EST UN PARTI, PAS UNE AMICALE"

Au siège de la LCR à Montreuil, on prévient que l’objectif du congrès de fondation est de lancer un "parti processus", un "laboratoire" qui va "délimiter ses bases au fur et à mesure". "Nous sommes tous d’accord sur le fait que nous sommes un parti de rupture avec le système. Mais sur ce qu’est la révolution dans la société actuelle, les différences de génération et de vocabulaire modifient aussi le projet", reconnaît M. Grond, bras droit de M. Besancenot.

"Un parti ne peut pas vivre sans délimitation programmatique, même si ce n’est pas le trotskisme. Nous avons beaucoup de gens sans bagage politique qui viennent vers nous, il faut les faire progresser vers la perspective révolutionnaire et ne pas leur mentir", argumente de son côté M. Sabado.

La minorité n’est pas loin de partager cette exigence : "C’est un parti qu’on fait, pas une amicale. Il nous faut une déclaration d’orientation et des statuts, pas un vague document sur la rupture", s’agace Christian Picquet, chef de file de la minorité.

Le débat est d’autant plus délicat qu’il ne concerne pour le moment que les militants les plus aguerris, ceux de la LCR. Le basculement vers une nouvelle organisation après quarante ans d’existence ne s’avère pas si facile, reconnaît-on dans les rangs militants. "Dans la dialectique du nouveau et de l’ancien, selon une formule de Deleuze, on recommence toujours par le milieu", se rassure joliment le philosophe Daniel Bensaïd. Et les dirigeants continuent d’afficher une tranquille assurance : avec "pratiquement" 10 000 participants atteints dans les 300 comités de base annoncés, le succès du NPA serait "assuré".


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