29 août 2005 L’ouragan Katrina ravage la Louisiane

lundi 2 mai 2016.
 

Le passage de l’ouragan Katrina cause des dégâts considérables le long du littoral, frappant la Louisiane avec des vents qui soufflent jusqu’à 224 km/heure avant de balayer le Mississippi, l’Alabama et l’ouest de la Floride.

A la Nouvelle-Orléans, les digues du lac Pontchartrain, mal entretenues et défectueuses, cèdent en plusieurs endroits provoquant l’inondation de 80 pour cent de la ville.

Deux jours auparavant le président Bush, encore en vacances, prenait le temps de décréter l’état d’urgence ; les autorités locales, elles, exhortaient la population à évacuer la ville.

C’est ce que feront les familles les plus aisées, qui prendront leur voiture pour se mettre à l’abri dans des motels ou chez des amis.

Ce ne sera pas le cas de dizaines de milliers de gens qui, sans aucun moyen de se déplacer, resteront sur place, sans abri, sans nourriture et sans eau potable, piégés par les eaux croupies où flottent des cadavres.

Privés de secours, sans personne pour même songer à leur faire parvenir de l’eau et de la nourriture, sans la possibilité d’être hélitreuillés, certains iront se servir dans les magasins d’alimentation environnants, partageant leurs trouvailles avec les autres sinistrés.

Les grands médias, eux ne trouveront rien de mieux que de criminaliser ces gens en faisant du battage sur ces « gangs de pilleurs violents » afin de détourner l’attention de la criminelle irresponsabilité des autorités à tous les niveaux.

Ces pauvres seront entassés au Superdome, un grand gymnase, ou dans d’autres abris de fortune dans des conditions sanitaires épouvantables, ou bien ils seront poussés dans des cars en partance pour des destinations incertaines, ou bien encore, ils partiront à pied, errant dans une ville dévastée où la traversée des beaux quartiers leur est interdite.

La Garde Nationale et d’autres unités arriveront enfin.

Hélas, non pas pour leur porter secours, mais pour tous les faire évacuer et pour protéger les propriétés privées. Des troupes équipées de fusils d’assaut et des colonnes de « humvees » montés de mitrailleurs sillonnent les rues de la ville.

Ray Nagin, le maire de La Nouvelle-Orléans donnera l’ordre, le 6 septembre, d’évacuer de force les résidents restants (des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes).

Et l’armée a l’ordre de "tirer pour tuer".

Les pays pauvres, émus de la souffrance de ces populations, proposent des aides. Cuba, entre autres, offre d’envoyer une aide sanitaire substantielle. Le gouvernement Bush ne daignera même pas répondre.

Cet ouragan aura fait officiellement 1 836 morts et 705 disparus.

Un beau gâchis qui n’aura pas désespéré tout le monde.

Profitant du départ de ces familles défavorisées et de la destruction de centaines de logements mal entretenus, les entreprises privées feront main basse sur les services publics, en particulier les écoles, où nombre d’écoles publiques passeront entre les mains du privé (les "charter schools").

Milton Friedman, l’économiste américain, qui mourut un an plus tard, en novembre 2006 avait déclaré :

"Rien ne vaut une bonne crise ou un désastre national pour vendre des biens publics à des intérêts privés, pendant que les citoyens sont sous le choc et que leurs collectifs sont impuissants".

Qu’en est-il, trois ans plus tard ? Bill Quigley, avocat spécialiste des droits de l’homme et professeur de droit à l’université Loyola de la Nouvelle Orléans, dresse un bilan chiffré de l’état de la ville et de son agglomération aujourd’hui.

Zéro : c’est le nombre de locataires qui ont obtenu des aides sur les 10 millions de dollars du programme fédéral (Road Home Community Development Block Grant) pour l’aide à la reconstruction après le passage de l’ouragan Katrina, contre 116.708 propriétaires.

Zéro : c’est le nombre d’appartements actuellement en construction pour remplacer les 963 logements sociaux précédemment occupés et qui ont été démolis au lotissement St Bernard.

Zéro ; c’est la quantité de données disponibles permettant d’évaluer les performances des écoles privées ("charter schools") financées par des fonds publics à la Nouvelle-Orléans pour les années scolaires 2005-2006 et 2006-2007.

0,008 : c’est le pourcentage de logements en location qui devaient être remis en état et occupés avant août 2008 et dont la restauration est effectivement terminée et qui sont occupés (82 au total sur les 10.000 prévus) .

1 : c’est le rang qu’occupe la Nouvelle-Orléans parmi les grandes villes américaines en matière de pourcentage de logements vides ou en ruines.

1 : c’est le rang qu’occupe la Nouvelle-Orléans parmi les grandes villes américaines pour le nombre de meurtres par tête pour les années 2006 et 2007

4 : c’est le nombre d’arrondissements sur les 13 que compte la Nouvelle-Orléans qui comportent les mêmes risques d’inondation qu’avant Katrina.

10 : c’est le nombre d’appartements qui ont été restaurés à ce jour pour remplacer les 896 appartements autrefois occupés et aujourd’hui détruits de la cité Lafitte.

11 : c’est le pourcentage de familles qui sont retournées habiter dans le quartier Lower Ninth Ward.

17 : c’est le taux d’augmentation des salaires dans le secteur hôtelier et alimentaire depuis le passage de Katrina.

20-25 : c’est le nombre d’années que les spécialistes estiment nécessaires à la reconstruction de la Nouvelle-Orléans si elle se poursuit à cette allure.

25 : c’est le pourcentage d’hôpitaux en moins dans l’agglomération de la Nouvelle-Orléans depuis Katrina.

32 : c’est le pourcentage de quartiers de la ville qui sont habités par moins de la moitié des familles qu’avant Katrina.

36 : c’est le pourcentage de tonnes de fret en moins qui transite par le port de la Nouvelle-Orléans

38 : c’est le pourcentage de lits d’hôpitaux supprimés à la Nouvelle-Orléans depuis Katrina.

40 : c’est le pourcentage d’élèves en moins dans les sections d’éducation spécialisée qui fréquentent les écoles privées financées par les fonds publics par rapport aux écoles publiques traditionnelles.

41 : c’est le nombre d’écoles privées financées par les fonds publics de la Nouvelle-Orléans pour 79 écoles publiques en tout.

43 : c’est le pourcentage de garderies d’enfants qui ont disparu à la Nouvelle-Orléans depuis le cyclone.

46 : c’est le taux d’augmentation des loyers à la Nouvelle-Orléans depuis Katrina.

56 : c’est le pourcentage de lits d’hôpitaux psychiatriques qui ont été supprimés.

80 : c’est le pourcentage d’autobus en moins.

81 : c’est le pourcentage de propriétaires qui n’ont pas reçu des aides suffisantes pour couvrir la totalité des frais de réparation de leur maison

300 : c’est le nombre de troupes de la Garde Nationale qui stationnent encore à la Nouvelle-Orléans

1080 : c’est le nombre de jours que sont restées les troupes de la Garde Nationale à la Nouvelle-Orléans.

1250 : c’est le nombre de chèques pour la première année d’études remis par les fonds sociaux pour les enfants inscrits dans une école privée.

6982 : c’est le nombre de familles qui vivent toujours aux alentours de la Nouvelle-Orléans dans des caravanes fournies par la FEMA (Agence Fédérale des Gestions de situations d’urgence).

8000 : c’est le nombre en moins de logements à loyer modéré promis par le gouvernement fédéral.

10 000 : c’est le nombre de maisons qui ont été détruites à la Nouvelle-Orléans depuis Katrina.

12 000 : c’est le nombre de sans-abri à la Nouvelle-Orléans même après que les camps sous les ponts ont été réinstallés – le double de ce qu’il y avait avant Katrina.

14 000 : c’est le nombre de familles de la région de la Nouvelle-Orléans qui ont été déplacées et dont l’allocation logement à titre exceptionnel expire en mars 2009.

32 000 : c’est le nombre d’enfants qui ne sont pas revenus dans les écoles publiques à la Nouvelle-Orléans, c’est-à-dire que les écoles publiques ont perdu la moitié de leurs effectifs d’avant Katrina.

39.000 : c’est le nombre de propriétaires de maisons en Louisiane qui ont effectué des demandes d’aides fédérales pour la reconstruction ou les réparations et qui n’ont toujours pas reçu d’argent.

45.000 : c’est le nombre d’enfants en moins inscrits dans les services de soins médicaux de Medicaid depuis Katrina.

46000 : c’est le nombre de Noirs qui n’ont pas voté à la Nouvelle-Orléans lors de l’élection du gouverneur en 2007, par rapport à l’élection de 2003.

55.000 : c’est le nombre de logements en moins où est distribué le courrier.

62.000 : c’est le nombre de personnes qui ne sont plus inscrites sur les listes des bénéficiaires des services publics de santé.

71.657 : c’est le nombre de maisons vides, en ruines et inoccupées à la Nouvelle-Orléans aujourd’hui.

124.000 : c’est le nombre de personnes en moins qui travaillent dans l’agglomération de la Nouvelle-Orléans

132.000 : c’est le nombre d’habitants en moins à la Nouvelle-Orléans, selon les estimations de la mairie de la Nouvelle-Orléans qui annonce une population de 321.000 personnes.

214.000 : c’est le nombre d’habitants en moins à la Nouvelle-Orléans, selon le Bureau de Recensement américain pour une population estimée à 239.000 habitants.

453.726 : c’était la population de la Nouvelle-Orléans avant le cyclone.

320 millions : c’est le nombre d’arbres détruits par le cyclone en Louisiane et dans le Mississippi.

368 millions de dollars : c’est le déficit pour l’année 2007 de 5 grands centres hospitaliers de la Nouvelle-Orléans. Les pertes pour 2008, elles, sont estimées à 103 millions de dollars.

1,9 milliards de dollars : c’est l’argent que la FEMA avait promis de verser pour la Nouvelle-Orléans pour les dommages causés par le cyclone et qui n’a toujours pas été versé.

2,6 milliards dollars : c’est l’argent que la FEMA avait promis de verser à l’état de Louisiane pour les dommages causés par le cyclone et qui n’est toujours pas arrivé.

BILL QUIGLEY

Traduction et texte annexe : Des bassines et du zèle

ARTICLE ORIGINAL http://www.counterpunch.org/quigley


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