Derrière le sécuritarisme, l’impérialisme !

dimanche 17 août 2008.
 

Le 3 juin dernier un rapport européen de Daniel Ducarme se proposait de réviser la stratégie européenne de sécurité (SES) (1). Une analyse rapide semble indiquer que cette révision conserve l’essentiel. Elle voudrait même aller plus loin dans la logique militariste ainsi que l’indique ce passage : "Consciente que l’action coercitive, le recours à la force armée et la défense collective constituent les domaines dans lesquels les disparités entre les cultures stratégiques des membres de l’UE sont les plus importantes et le consensus le plus difficile à obtenir, ce qui explique qu’il n’ait pas été possible d’incorporer dans le Traité de Lisbonne une obligation de défense mutuelle équivalente à celle contenue dans le Traité de Bruxelles modifié" . Le reste est à l’avenant .

Cette lecture incite à reprendre ici en quelque sorte la suite logique du propos de Robert CHARVIN juriste de droit international qui dans "Du droit de l’hommisme au sécuritarisme dans l’ordre international : de l’utilité du terrorisme" évoque un changement de doctrine au seins des grandes institutions internationales (BM, FMI, ONU) ou régionale (UE). En effet derrière le sécuritarisme c’est l’impérialisme qui se dessine sous des formes plus offensives que les politiques d’ajustement structurel ou celles de remboursement de la dette odieuse.

Le sécuritarisme nouvel avatar du militarisme et de l’impérialisme.

Le sécuritarisme (qui ne figure pas dans le dictionnaire de l’altermondialisme comme le militarisme) est généralement définit par"l’augmentation et la centralisation des instruments repressifs (police, armée, prison) au détriment d’instruments préventifs, ainsi que par une influence accrue du pouvoir exécutif sur le judiciaire et le législatif" (wikipedia). Pour aller plus loin, notamment par rapport à l’ordre mondial hiérarchisé, il faut aussi le concevoir comme une obsession de sécurité instrumentalisée à des fin militaires et commerciales qui débouche sur son contraire : l’insécurité, le militarisme, l’insécurité et la tension permanente menant/ in fine/ aux guerres. Or le militarisme et la guerre sont des vecteurs de l’impérialisme. L’impérialisme est la manifestation de la puissance ou de la domination d’un ou plusieurs Etats en lien avec ses grandes entreprises implantés ou actives par réseaux interposées sur plusieurs autres pays. La domination sociale peut prendre plusieurs formes : économique, politique, militaire, idéologique et culturelle. Un pays qui cumule l’ensemble de ces vecteurs de domination est une grande puissance impérialiste, les autres étant des puissances de second rang, à la fois dominantes et dominées. La France qui a perdu ses colonies mais qui a toujours son "pré carré" en Afrique reste une puissance impérialiste de second rang très "présente" en Afrique tant économiquement que politiquement et occasionnellement de façon militaire (2)

Si la sécurité est strictement défensive, le sécuritarisme se veut lui interventionniste et offensif. Il est une modalité du militarisme qui justifie l’intervention armée en s’appuiant sur la menace amplifiée du terrorisme (notamment après le 11 septembre 2001), de la criminalité organisée (drogue, prostitution, réseaux de passeurs de migrants), d’Etat mafieux ou corrompus (à partir du moment ou ils s’opposent non seulement à leur propre peuple mais aussi aux puissances impérialistes, non pas quand ils les servent). En sus, à des fins de manipulation de l’opinion publique, le militarisme se verra défendu comme condition nécessaire au développement ou au titre de la politique européenne de voisinage (PEV) lancée elle aussi en 2003 (3). Dans ces rhétoriques le non-dit porte sur les politiques néolibérales qui sont à la racine des phénomènes que ces gouvernements veulent combattre. Par exemple, les passeurs de migrants et autres personnages exploitant la fragilité des sans papiers n’auraient pas d’existence sans les politiques européennes actuelles contre les migrations..

Le sécuritarisme se développe au sein de l’Union européenne.

Au plan européen le passage au sécuritarisme s’institutionnalise lors du Conseil européen du 12 décembre 2003, la même année que la grande manifestion anti-guerre contre l’Irak. Il prend la forme d’un document de doctrine qui a pour titre : "Une Europe sûre dans un monde meilleur : la stratégie européenne de sécurité" (4). Plus récemment, le traité de Lisbonne rejeté par les irlandais en juin 2008 prévoyait tout comme le TCE rejeté en 2005 par la France l’augmentation forte des dépenses militaires de tous les Etats membres, ce qui faisait le bonheur des firmes multinationales (FMN) spécialisées dans la technologie et l’industrie militaire . L’Agence européenne de défense (AED) crée le 12 juillet 2004 (5) suite à une décision du du Conseil européen de Théssalonique (19/20 juin 2003) veille à l’harmonisation des équipements militaires et à l’activation de la recherche-développement (R&D) spécialisée dans le sécuritaire et le militaire.

Stop à la militarisation

Il y a là une dynamique impériale qui se développe au détriment des négociations de paix, au détriments des intérêts et droits des peuples car cette dynamique :

* favorise les interventions armées

* accroit la polarisation Nord-Sud par collusion avec la haute administration des USA tant au plan militaire que stratégique (atlantisme) (6)

* accroit les budgets militaires au détriments des budgets sociaux pousse à la collusion entre l’OMC, le FMI, la BM et le militarisme des sociétés transnationales (STN)

* réduit le rôle de l’ONU du fait de la présence décisive des premières grandes puissances impériales au sein du Conseil de sécurité (7). accroit les ventes d’armes partout dans le monde (8), y compris dans les pays pauvres qui devraient investir dans d’autres secteurs comme les biens communs.

Christian DELARUE


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