Gauche, social-démocratie, stalinisme, révolution, communisme, reconquérir l’espoir !par Jean-Paul Legrand (PCF)

vendredi 1er août 2008.
 

"Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne sont que l’expression générale des conditions réelles d’une lutte de classes existante, d’un mouvement historique qui s’opère sous nos yeux". Karl Marx et Friedrich Engels - Manifeste du Parti communiste - Londres 1848

L’émancipation des peuples sera leur œuvre

La crise de la gauche

Je n’attends pas grand chose de la gauche telle qu’elle existe aujourd’hui. Pour moi elle est arrivée à la fin d’un cycle où elle a davantage joué le rôle de cadrer le mouvement populaire dans le système plutôt que de l’aider à trouver son autonomie transformatrice. La gauche est perçue comme une alternative politicienne possible davantage par opposition formelle à la droite que par sa capacité à porter un projet transformateur. Cela reste donc du domaine politicien et dans le cadre du capitalisme qui serait un horizon indépassable.

Pour moi, au contraire, ce dont il s’agit c’est de libérer les énergies inventives de millions d’individus qui n’en peuvent plus du capitalisme, y compris de ceux qui ont cru dans ce système et qui aujourd’hui en pressentent la faillite inexorable sur le plan du développement de milliards d’être humains dans le monde , de millions dans notre pays. La crise que traverse la gauche PC-PS-LCR- etc... réside dans son incapacité à promouvoir une alternative de transformation fondamentale de la société parce qu’elle s’est laissée piéger par le système de la bipolarisation et des institutions actuelles en négligeant son rapport aux milieux populaires et à la classe ouvrière dont elle ne mesure sans doute pas les profondes modifications qui y sont intervenues.

Je crois qu’il appartient aux citoyens, aux travailleurs de transformer en profondeur la gauche et en son sein le PCF. Au lieu de combinaisons politiciennes et électoralistes chacun doit se poser la question de comment favoriser la créativité des citoyens. Ainsi il est urgent de promouvoir la maîtrise par les gens de leur intervention et le combat pour une éducation populaire aux idées les plus progressistes afin de doter le mouvement populaire des moyens politiques de son autonomie. Face à la machine médiatico- idéologique du capital, face à un appareil d’Etat de plus en plus au service des plus riches, à une internationalisation capitaliste des forces productives, les idées révolutionnaires peuvent vite progresser si la gauche et en son sein le PCF deviennent des espaces de liberté totale de création politique qui fassent appel à l’inventivité et à l’imagination des gens, deux qualités que le capitalisme tente de formater, restreint et ramène au but ultime de l’accumulation de l’argent. L’imagination et l’invention partout, dans les quartiers, les entreprises, dans tous les lieux de décisions, exercées par le plus grand nombre, cela s’organise.

L’imagination au pouvoir

C’est un combat ! Aucune alternative politique viable ne se fera en dehors de la créativité des gens, de la maîtrise par eux des enjeux et des décisions. Si les partis politiques peuvent être utiles c’est dans cette action pour stimuler l’éducation populaire et une citoyenneté d’engagement et d’action des gens tout en présentant leurs propositions.

Mais pour l’instant les partis de gauche sont bien éloignés des citoyens hormis quelques élus et militants qui estiment que le capitalisme doit et peut être dépassé, qui osent remettre en cause la routine et qui sont critiques vis-à-vis des institutions lesquelles sont davantage des freins à l’action démocratique que des outils de réelle participation. Si la droite s’est décomplexée totalement quant à la promotion d’un ultra-libéralisme de rupture avec tout ce que notre peuple a conquis de progrès démocratique et social, la gauche et ses dirigeants restent dans le cadre désespérant de vieux schémas surannés, incapables de faire appel à l’espoir et à l’inventivité des gens, complètement bloqués par la trouille d’un mouvement populaire qui pourrait aller au-delà des habitudes réformistes ou staliniennes qui ont mené le mouvement progressiste à l’échec.

Social-démocratie et stalinisme disqualifiés par l’histoire

C’est que fondamentalement ces dirigeants considèrent comme définitive la victoire du capitalisme pourtant en crise et qu’ils n’y décèlent aucunement les signes avant-coureurs d’une possible transition de civilisation. Que ce soient les dirigeants socio-démocrates ou les staliniens, ils ont durant le XXème siècle prouvé que leurs méthodes conduisaient à confisquer le pouvoir au peuple pour le confier à des castes de bureaucrates qui soit se sont refusés à combattre le capitalisme, soit lorsque le mouvement révolutionnaire fut engagé se sont évertués à le corrompre , à le dénaturer et en définitive à le pervertir pour aboutir à l’échec des premières tentatives de socialisme du fait du manque criant de démocratie. Car le socialisme ne peut se développer sans une démocratie supérieure : celle de l’engagement des citoyens et de la reconnaissance à leurs droits de créer, de maîtriser collectivement les grands moyens de production et l’Etat. Au contraire en désespérant le peuple, ils ont accompli leur mission historique que leur avait assigné la bourgeoisie d’encadrer le mouvement populaire, d’anéantir les outils d’analyse théorique du mouvement social sous prétexte que le marxisme serait mort, de maintenir une régulation sociale en promouvant des dispositifs rémunérés d’intégration dans la précarité et le chômage au détriment de l’emploi comme le RSA, de participer à une bipolarisation de la vie politique qui est un crime contre le pluralisme et la démocratie.

L’heure est venue de révolutionner la politique de fond en comble et d’envisager de grands mouvements de lutte qui se donneront des perspectives de transformation de la société sur la base de l’invention d’un nouveau monde. Tout ce qui cantonne l’initiative des gens à une vision étriquée, à son maintien dans le cadre du capitalisme, au refus d’analyse critique des institutions et du système, tout ce qui maintient les gens dans l’idée qu’ils sont incapables de changer la société, bref tout ce qui s’oppose à une visée révolutionnaire et démocratique alliant prise du pouvoir d’Etat et créations de pouvoirs autogestionnaires de base et à tous les niveaux de la société doit être considéré comme contre-révolutionnaire et doit être combattu sans répit.

La peur et l’ignorance sont toujours au service de la classe dominante

Les idéologues du capitalisme, les politiciens de l’ordre établi comptent sur la peur que leur domination provoque chez les gens. Ils mettent en place des dispositifs renforçant une domination de plus en plus dure (fichage, flicage avec suivi des consommations et des actions des citoyens, exploitation renforcée dans les entreprises, heures supplémentaires obligatoires, mise en concurrence des gens, reculs des droits sociaux, chasse aux étrangers sans papier, criminalisation de l’action syndicale et politique, campagnes idéologiques avec matraquage télévisuel, etc…). Il est donc urgent de créer des réseaux de transformation révolutionnaire dans les quartiers, les entreprises, sur internet, pour développer les idées démocratiques de contestation systématique de l’ordre fascisant en cours et mener des actions concrètes pour changer la vie quotidienne.

Les armes de la démocratie réelle vaincront cette peur que les dominants veulent généraliser, elles le démontrent aujourd’hui au sein des couches populaires du Venezuela ou encore de Bolivie. En France les révolutionnaires encore bien minoritaires s’attellent à redonner l’espoir et à faire reculer cette peur. Les idées révolutionnaires peuvent devenir des forces matérielles car elles correspondent aux exigences de notre temps, d’une humanité qui pour se développer sans aller vers le chaos devra se débarrasser de la domination de classe. Nous ne sommes qu’au tout début d’une transition historique, tout dépendra de la capacité des exploités à vaincre leur désespoir pour relever la tête, s’unir et prendre les rênes de l’avenir.

La crise du PCF

La gauche n’est donc pas au diapason des réalités. La gauche peut gesticuler dans tous les sens, elle est à la fin d’un cycle qui a abouti à l’affaiblissement du Parti communiste et à l’ancrage du Parti socialiste dans la gestion de la crise du capitalisme. Le capitalisme en crise se donne comme rechange possible une gestion politique future avec le PS, le MODEM, le PRG, le MRC voire des éléments de la direction du PCF convaincus que le capitalisme est indépassable ou qu’il est impossible d’inventer autre chose que l’économie de marché. Tout en reléguant la gauche trotskyste à son rôle contestataire mais totalement inefficace pour la transformation de la société, sorte de petite soupape du capitalisme.

La gauche dans son ensemble se refuse à une analyse critique sérieuse de son échec historique et le PCF traversé par une lutte entre ses courants réformistes et ses courants révolutionnaires prendra encore de nombreux mois, voire de nombreuses années pour remonter la pente de façon à devenir un grand parti populaire de transformation sociale. Tant qu’il se fixera des objectifs électoralistes sans lien avec des orientations révolutionnaires mise en débat au sein du peuple il perdurera dans les difficultés qu’il connaît aujourd’hui.

Misère et grandeur du PCF

Car le PCF adopte souvent les défauts de la social-démocratie : il a réalisé des alliances en dehors de la maîtrise par les gens des objectifs de transformation et de leur action autonome, il arrive que certains de ses élus votent des décisions sans jamais consulter la population, nombre de militants et d’élus passent beaucoup de temps en réunions internes et consacrent à peine 10% de leur temps militant à la rencontre des habitants, il arrive qu’on considère les habitants comme des citoyens incapables de comprendre ce que comprennent les communistes et l’on s’adresse à eux avec un langage si simpliste qu’il en devient ridicule et en perd de sa crédibilité avec des phrases tellement "bateau" et "redites" qu’elles sont éloignées d’une analyse concrète de la réalité concrète et donc n’ont pas de sens pour les gens.

Pourtant il y a dans le PCF une richesse extraordinaire qui ne demande qu’à fructifier. Le PCF a été un grand parti. Il a été même le ,grand parti de la classe ouvrière dans la France de ce XXème siècle. Toutes les conquêtes sociales, culturelles et même économiques sont marquées du sceau du PCF. La personnalité même de la France est imprégnée de l’existence de ce que fut ce parti qui a joué un rôle éminent dans toutes les avancées. Il y a des expériences de vie, de luttes de chaque adhérent qui sont rarement entendues en tout cas peu prises en compte. Il y a depuis quelques années un véritable abandon du travail théorique et critique alors qu’aucun parti en France n’avait jamais autant rendu la philosophie populaire, l’histoire aussi vivante, alors que les communistes par leurs connaissances ont des références marxistes et progressistes fortes qu’on néglige tellement aujourd’hui. Le parcours de chaque communiste est si singulier qu’il permet de voir qu’on vient au communisme pour des raisons qui sont bien différentes mais on néglige trop souvent d’étudier ce cheminement pour comprendre qu’aujourd’hui le communisme peut devenir l’engagement de millions d’hommes et de femmes de toutes les catégories sociales.

Oui il va falloir ne pas craindre apporter une critique de fond pour que le PCF devienne le parti révolutionnaire dont notre pays a besoin qui saura se définir comme force autonome au service du peuple et qui ne sera plus dans la pratique la force d’appoint d’une social-démocratie divisée ni une caution de gauche à des politiques d’accompagnement du capital, politiques qui ont conduit en définitive à la baisse d’influence du PCF. La digue cèdera !

La recomposition de la gauche est donc une opération politique de plus, sans grande portée pour les intérêts populaires. Pourquoi ? Tout simplement parce que les forces qui entendent y participer renoncent à reconnaître la réalité de la lutte des classes et ont décidé qu’il n’y avait pas d’autre horizon que celui du "marché".

Il y aura toujours en politique des gens qui se penseront investis du pouvoir de penser pour les autres, qui vendront leur esprit critique pour un poste, qui se prostitueront pour quelques places auprès de mieux placés qu’eux dans la hiérarchie du pouvoir. Beaucoup de gens ont compris comment tout cela fonctionne et ils sont conscients que ces politiciens de droite comme de gauche sont à mille lieues des préoccupations réelles des citoyens

Rien n’est plus ridicule pour un parti de faire de grandiloquentes déclarations sur le socialisme et en définitive de soutenir le capitalisme dans des actes très concrets, comme de s’abstenir face à des mesures criminelles contre le droit du travail, lesquelles vont conduire à un recul social sans précédent.

Alors, me dit-on, tu les mets tous dans le même sac ? Non pas du tout, autant il est compréhensible que les politiciens de droite ont tout naturellement la tâche de promouvoir le capitalisme, autant il est nécesssaire de démasquer la duplicité de tant de politiciens de gauche qui récupèrent les aspirations socialistes pour renoncer en définitive à combattre résolument le capitalisme. Toute l’histoire de la gauche de ces dernières décennies a été traversée par cette problématique.

"Alors en fait tu es un vieux stalinien, tu refuses l’évidence et la modernité, tu refuses d’accepter l’évidence : le capitalisme est indépassable, il faut le réguler, limiter sa nocivité" me disent certains. Non pas du tout, je ne suis pas stalinien, je suis communiste !. Je suggère simplement d’analyser la réalité de l’évolution des forces productives car c’est là que réside l’avenir du communisme, ce n’est pas une invention de mon cerveau : c’est la réalité en mouvement à laquelle se confronte la conscience des hommes, une réalité qui a ses exigences : concentration gigantesque de la production, augmentation colossale de la productivité, accélération des échanges, prédominance de la finance, migrations humaines sans précédent, employabilité immédiate de centaines de millions d’hommes, harmonisation mondiale du droit du commerce, utilisation des nouvelles technologies dernier cri pour les transactions, phénomènes où tout est conçu pour augmenter l’accumulation du capital afin de rémunérer au mieux celui-ci

Le capitalisme du XXIème siècle est l’ogre de l’Humanité

Toute cette révolution se fait au prix de sacrifices humains et écologiques jamais atteints dans l’histoire de l’humanité, des centaines de millions de victimes de la pauvreté, du chômage, de la précarité dont le nombre croît chaque jour beaucoup plus vite que celui des riches qui profitent du système justement sur la base de l’inégalité, intrinsèque au capitalisme. Cette paupérisation grandissante relativement aux richesses créées est la preuve que le capitalisme n’est pas le système qui peut donner une perspective de développement juste et durable à l’humanité.

"Alors tu veux nous rejouer le communisme avec prise du pouvoir par le parti pour imposer aux capitalistes l’étatisation de la société ? Mais ça on a dejà vu ce que ça a donné en Union soviétique, alors non merci !" Non pas du tout, je ne propose pas de rejouer ce très mauvais scénario qui a démoralisé tout le mouvement ouvrier et révolutionnaire et de surcroît a fait tant de victimes, en premier lieu les révolutionnaires eux-mêmes ! Je propose d’essayer la démocratie poussée au plus loin, c’est à dire de permettre à chacun et de façon définie par la loi, le droit d’apporter son expérience, son opinion, ses propositions sur tous les choix qui se font dans la société tant dans les entreprises que dans les institutions. Plus de domaine réservé à quiconque, obligation pour l’Etat de créer toutes les conditions pratiques de la participation des citoyens à la réflexion, l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des projets. Droit à la formation et à l’éducation permanente en vue de cette citoyenneté moderne. Ne serait-ce prendre que quelques mesures en ce sens et le moteur de la révolution politique se mettra en marche parce que tout pousse à cela : l’affirmation de la créativité individuelle dans la stimulation coopérative pour résoudre les problèmes, répondre aux défis de notre temps.

Faire confiance à l’initiative populaire, l’aider à s’organiser

Il faut donc libérer la politique de son cadre surrané et faire confiance à l’initiative populaire en lui donnant les moyens de s’éclore et de se développer comme un objectif politique fondamental. Evidemment ce programme est insupportable pour tous ceux qui dirigent aujourd’hui la société et les entreprises, dont beaucoup sont convaincus que leur position dominante leur donne la légitimité d’être porteur de la science infuse. On a connu et il en existe encore, des souverains qui se pensent Dieu sur terre. Le dernier en date, cela ne lui a pas réussi, vient d’être détrôné au Népal. La tentation permanente du pouvoir fait perdre l’humilité, la modestie et l’empathie que l’on devrait à tout être humain. Elle conduit à la reproduction de rapports dominants-dominés structurés par la nature même de la lutte de classes.

"Alors tu penses vraiment que les gens sont capables de s’engager dans ton projet ? C’est peut être un peu trop utopique non ?" Je ne pense pas qu’il s’agisse de mon projet. Je n’ai rien inventé. Je crois pour écouter ce qui se dit autour de moi que cela correspond à une aspiration profonde des gens. Mais la plupart de nos concitoyens sont en souffrance non seulement à cause du chômage, de la vie chère, de la crise du logement, de la précarité, je crois qu’ils le sont aussi et surtout parce qu’on ne les considère pas à la hauteur de ce qu’ils méritent, parce qu’on ne les écoute pas, ou parce qu’on fait semblant de les écouter pour mieux leur confisquer le pouvoir.

Mais le moment se rapproche où la digue cédera, et le flot des exigences retenues se déversera sur toute la société. C’est là que réside l’avenir du communisme, bien loin de toute recomposition de la gauche. Telle est mon opinion, bien loin, elle aussi des tractations politiciennes, de positionnement derrière tel ou tel dirigeant ou tendance. Je suis un communiste indépendant de tout pouvoir parce que je suis d’abord un homme libre !

Faire des enjeux économiques des questions populaires

Tous les hommes politiques sont d’accord : il faut créer des emplois, il faut que les gens soient logés, il faut qu’ils puissent vivre décemment, il faut, il faut....Pourtant, il suffit de voir l’écart entre les discours et la réalité pour comprendre pourquoi nos concitoyens n’ont pas une bonne image de la politique. Plus le capitalisme se développe plus il révèle sa nature inhumaine . Pour l’accumulation de l’argent en profit capitaliste tout, je dis bien tout, doit être sacrifié. Quel paradoxe ! Plus l’Humanité est capable de créer des richesses, plus la productivité du travail est grande, plus s’agrandissent les populations qui meurent de faim, plus croît le nombre de gens sans emploi et sans abri, plus l’exploitation, la prostitution, la vente d’armes et l’esclavage des enfants prennent de l’ampleur. Curieux non ? Pas si bizarre que cela pourtant.

Ce ne sont pas des phénomènes naturels dont il s’agit sur lesquels les hommes n’auraient aucune maîtrise, non ! Ce sont des phénomènes qui résultent des choix politiques de quelques hommes aux différents niveaux des appareils d’Etat tous voués à répondre aux exigences des membres des conseils d’administrations des multinationales. Parfois comme aux Etats-Unis, voir même en France, les mêmes qui sont ou qui ont été à la tête de grandes entreprises sont les mêmes que l’on retrouve à la direction de l’Etat. Mais tout cela ne tombe pas du ciel. Il a fallu des décennies pour que le capitalisme trouve cette maturité, cette symbiose capital/Etat pour en arriver à un capitalisme, certes mondialisé, mais reposant sur des réalités nationales et étatiques.

La coercition du capital sur les peuples

Pour que le capital puisse poursuivre son business en toute tranquillité, il est impératif d’exercer une coercition sur les populations, de faire en sorte que les gens soient conduits à adopter le mode de vie qu’on leur impose et donc à s’adapter aux exigences des entreprises. Par-dessous tout, la crainte des forces capitalistes est le développement de la démocratie : plus les gens interviendront dans les affaires de l’Etat et de l’économie, plus le « danger » de contestation du capitalisme et de la création d’une alternative est grand. C’est pourquoi le capitalisme mène une guerre idéologique qui favorise l’individualisme à outrance au détriment des solutions collectives et sociales qu’il assimile au collectivisme et à l’échec qui en a résulté dans les pays dits « communistes ». Or cet échec provient justement du manque de démocratie réelle avec des pouvoirs staliniens qui ont mené des peuples entiers à la désespérance et à la répression et qui se sont accommodés d’un statut-quo du partage du monde avec les puissances capitalistes, fondé sur une course aux armements extrêmement coûteuse et périlleuse pour l’Humanité.

Les idéologues du capitalisme ont donc vite annoncé l’inefficacité du « socialisme » et le triomphe du libéralisme, de la société marchande fondée sur l’accumulation du capital. Si les idéologues aiment les raccourcis, l’histoire les déteste ! Car si le capitalisme domine la planète il apporte la preuve quotidienne non seulement de son inefficacité à répondre aux défis de l’humanité et aux besoin des gens, mais surtout de sa nocivité concrète par l’utilisation de la force, de la division et de la concurrence comme modes de développement d’une minorité d’humains sur les milliards d’autres. Tout le discours "bien-pensant" actuel nous explique que le salut serait de se "vendre". Vocabulaire marchand par excellence qui dénote la nature même du capitalisme : l’homme pour lui n’est qu’une source de profit.

A partir de là, toutes les stratégies politiques découlent de cet impératif : faire un maximum de profit dans un temps le plus court possible pour rentabiliser l’énorme masse de capital qui existe à l’échelle mondiale. Mais le macro-économique n’existe pas sans le micro-économique, sans que les grandes stratégies ne reposent sur des réseaux locaux de stratégies au plus proches des populations pour les maintenir sous un contrôle social et politique répondant aux objectifs fondamentaux de rentabilité du capital.

L’exemple du sud de l’Oise

A ce titre, l’expérience vécue en terme d’économie locale à l’échelle du sud de l’Oise peut être riche d’enseignements. Pour aller vite, après les décisions d’en finir avec des industries inadaptées en matière de rentabilité dépassant les deux chiffres de croissance (casse de Chausson à Creil-Montataire par exemple avec 5000 emplois en moins), on a assisté dans le grand bassin creillois à une désindustrialisation sévère diminuant les capacités des collectivités à répondre aux besoins des gens. A cela s’ajoute une crise nationale du logement dans laquelle la construction sociale est sacrifiée sur l’autel de la spéculation foncière et immobilière se traduisant par une crise locale du logement qui représente un véritable bombe à retardement. Sans parler d’une transformation asphyxiante de l’hôpital public qui, considéré comme non rentable, paie les frais d’un libéralisme dévastateur.

Evidemment face à de telles situations, il faut du courage pour relever les défis. Il faudrait s’attaquer aux causes réelles des difficultés en cours qui ne sont rien à côté de celles qui risquent de se multiplier si les citoyens laissaient les seuls politiciens s’occuper de leur sort. Car en toute lucidité, quelles ont été les stratégies employées ces dernières décennies par ces politiciens locaux, départementaux, régionaux et nationaux : les mêmes en fait, qui se résument en une seule "accompagner le capitalisme dans son évolution prédatrice et inhumaine". Rares sont ceux qui ont osé s’opposer à cela. Et quand bien même ils l’ont fait, malgré la sympathie des populations, voire de quelques mobilisations, le système a bien fonctionné pour liquider la richesse humaine de nos industries, pour déstructurer le tissu social, pour déployer une pédagogie du renoncement à la lutte et à l’autogestion politique.En toute lucidité, il a été convenu entre la gauche et la droite que puisque le "capitalisme était indépassable" l’heure n’était plus à la lutte de classes, mais à l’accompagnement social de l’évolution capitaliste, sorte de compromis historique qui a conduit à nous expliquer que les plans de licenciements ne sont pas des plans consistant à mettre à la rue les gens mais de véritables plans dits "sociaux" !

Le « deal » gauche-droite

D’un côté "tu me laisses faire mon business", de l’autre "ne m’’embête pas trop sur mon fief politique, en échange j’exerce le contrôle des gens pour qu’ils se tiennent à carreaux si possible en les assistant avec quelques expédients qui leur permettront de survivre". Hélas il est arrivé que mêmes certains qui se disaient "communistes" sont tombés dans ce triste panneau de l’abandon de la lutte de classe pour un pauvre plat de lentilles : celui de l’illusion qu’il suffisait de posséder un titre pour que le peuple vous le décerne ad vitam aeternam. Le hic dans l’affaire c’est que le capitalisme fait tellement de dégâts que le système craque de partout et que le "socialisme" de contrôle des populations commence à atteindre ses limites. Il est donc fondamental d’agir pour une pensée politique critique nouvelle qui ne fasse aucune concession aux idéologies capitalistes, néo-libérales, lesquelles si nous n’y prenons pas garde mèneront à des réponses extrêmement autoritaires avec un recul sans précédent de la démocratie.

On entend ici et là de doctes savants qui déclarent que la solution pour l’agglomération creilloise serait que les populations s’adaptent à la demande des entreprises. Il est vrai que si demain un PDG chinois vient "offrir 500 emplois" par la création d’une entreprise sur notre territoire, mais payés 300 euros mensuels, ce sont les mêmes doctes savants de la nomenklatura locale qui viendront nous dire que l’on n’ a pas le choix et qu’il faudra accepter. Les mêmes nous diront que l’Education nationale risque d’effrayer les patrons en sur-diplômant les jeunes, ou que le rôle d’une société publique de développement économique c’est de s’adapter à la demande patronale mais pas de proposer des stratégies industrielles et d’engager des prospections d’entreprises puisqu’il faut d’abord adapter les gens à une culture d’entreprise qui n’est autre que la course à l’argent pour une minorité au détriment de l’immense majorité ! Autrement dit, le peuple n’est pas bon, changez de peuple ! Des esprits chagrins disent que ces dernières années, nos élus du sud de l’Oise n’ont pas fait grand chose pour tirer le meilleur profit d’un projet comme celui du canal Seine-Nord, ni celui de la ligne ferroviaire Creil-Roissy, ni encore celui d’un pôle industriel automobile ! Horreur, vous n’y pensez pas tout de même ? Arrêtez de dire des gros mots : industrie ? Industrie ? Vous avez dit Industrie ?

Vaincre la proscratination du fatalisme

Le fatalisme de l’ordre capitaliste demeure dans la tête de nombre d’élus, de militants, de citoyens qui n’ont pourtant rien à attendre de ce système sinon dans de très rares cas quelques maigres avantages de petits pouvoirs individuels, en échange d’une soumission qui les compromettrait durablement. La fracture entre ceux qui ont définitivement choisi le capitalisme qu’ils soient de droite ou de gauche et les autres devient de plus en plus évidente. Pour autant, il ne s’agit pas de se lancer dans l’aventure de la LCR de la création d’un parti dit "anti-capitaliste" qui cantonnerait le mouvement populaire dans une impasse politicienne de la seule contestation du système. Il s’agit d’avoir une ambition transformatrice non politicienne fondée sur les possibilités de notre époque : celles d’unir des gens très différents, issus de tous les milieux, qui refusent le capitalisme parce qu’ils prennent conscience de sa nocivité et qui sont prêts à construire une société reposant sur le développement humain et non plus sur celui du capital. De ce point de vue des pistes riches d’avenir peuvent être ouvertes. Je pense en particulier à la mobilisation des citoyens pour un ordre planétaire qui soit pacifique au travers des échanges internationaux, des jumelages, de la coopération décentralisée. Les collectivités locales peuvent être à la pointe de ce combat non seulement dans des coopérations culturelles mais en particulier dans des coopérations économiques qui pourraient offrir un type de développement nouveau en dehors des multinationales et du G8. Il y a ici des potentialités très vives de création d’emplois et de richesse partagée du point de vue des connaissances, des nouvelles technologies, des matières premières... La révolution n’est pas l’oeuvre d’une minorité mais l’hypothèse universelle la plus crédible humainement

Les révolutionnaires que nous sommes n’ont rien à voir avec ceux qui nous louent les médiocres avantages d’un aplatissement devant le capitalisme et nous combattrons sans merci leur stratégie suicidaire. Nous la combattrons sans répit en rassemblant largement pour que les habitants s’emparent des enjeux économiques et en fassent leurs biens, leur propriété, leur patrimoine commun. La lutte pour la transformation radicale de la société commence à l’échelon local pour gagner la périphérie et le global. Après 40 ans de tromperies de dirigeants politiques bien serviles à la cause du capital, la lutte transformatrice ne fait que commencer ! Car la révolution n’ a rien à voir avec des groupes ou des minorités agissantes, elle est l’hypothèse la plus crédible d’une transformation démocratique radicale que l’humanité doit opérer sous peine de disparaître.

Dans les prochains mois et les années à venir, des bouleversements profonds seront entrepris à l’échelle planétaire. Ou bien transition vers une civilisation supérieure avec un développement inédit de la démocratie ou bien recul plongeant notre monde dans les ténèbres d’une barbarie jamais connue dans l’histoire. Tel est l’enjeu où chacun devra prendre ses responsabilités dans l’accomplissement du rôle historique de sa propre classe.

Jean-Paul LEGRAND

militant communiste

maire-adjoint PCF de Creil


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