Contribution socialiste de Trait d’Union (Réinventer la gauche) : 77 signataires aveyronnais

lundi 14 juillet 2008.
 

CATALAN Claude , Maire (12)

PANTANELLA Pierre, Maire (12)

SERIEYS Guilhem , Conseiller régional (12)

ROUSSEL Jean-Louis , Conseiller général (12)

BOSC Lionel , Animateur fédéral du mjs 12 (12)

AZAM Francis, Maire Adjoint (12)

ORTUNO Vincent, Maire Adjoint (12)

BONNAL Henry , Secrétaire de section, conseil fédéral (12)

BOULLET-LAUMOND Cécile , Conseillère municipale, Secrétaire de section, conseil fédéral (12)

GRANDESSO Yvan , Secrétaire de section, conseiller municipal, conseil fédéral (12)

LABRO Jacques , Secrétaire de section, conseil fédéral (12)

COURBOT Georges (Secrétaire de section adjoint Saint Affrique)

MARTY Patrick , Trésorier de section (12)

ALBERNY Stéfane (12)

ANDRIEU Serge (12)

ANGLARES Pierre (Saint Affrique)

BARY Christian (Rodez)

BOULLET Germaine (Montbazens)

BOULLET Roland (Montbazens)

BREGOU Gratien (Espalion)

BROUSSE George (12)

CAPOULADE Serge Confédération paysanne (Cassagnes Begonhès Réquista)

CARRIE Jean-François (Onet)

CHEVALLIER Pierre Conseiller municipal Saint Affrique

COLRAT Christine

CORTIJOS Boris, Directeur d’atelier technologique (Villefranche)

DALLET Cendrine , Suppléante Bureau fédéral (Onet)

DELCLAUX René, Conseiller municipal (Montbazens)

DOUZOU Thierry (Marcillac)

ENJELVIN François, syndicaliste (Onet)

GALY, Jean-Pierre, ancien maire-adjoint de Millau (Millau)

GARCIA Antoine (Rieupeyroux)

GASC André (Onet)

GAUBERT Patrick (Onet)

GAUTRON Jean (Rodez)

GINESTE François, conseiller prud’hommal (Montbazens)

GORCE Annie, Bureau fdédéral (Onet)

GRANIER Roger (Marcillac)

GRIZON Pascal (Onet)

GUTTIEREZ Andrée (Saint Affrique)

GUTTIEREZ Jean (Saint Affrique)

JAAFARI Hicham (Onet)

KEREBEL Casimir (Villefranche)

KHADIM Kacem

LABRO Eliane (Marcillac)

LAMMERS Eric (Estaing)

LASCOLS Georges (Baraqueville)

LEMAIRE Franck

MARTY Jean (Montbazens)

MOUYSSET Serge (Onet)

NARANJO Michel (Rodez)

NAUDAN Suzanne (Rodez)

PANTANELLA Jean Rémy

PIERRINI Graziella, conseil fédéral (Rignac)

PODEVIGNE Arlette , conseil fédéral, Retraitée (Entraygues)

PRATMARTY Michel (Rodez)

REAL Roland (Rodez)

RENIER Jean Manuel (Rodez)

RIVIERE Gisèle (Onet)

RIVIERE Jean-Pierre (Onet)

ROUSSEL Pierre (12)

SABALOUA Jean (Rodez)

SABALOUA Jeanne (Rodez)

SERIEYS Anne Marie, Retraitée (Entraygues)

SERIEYS Jacques , Bureau fédéral Aveyron (Entraygues)

SIMOES Bernard (Espalion)

SIMOES Monique (Espalion)

TAURINES Philippe (Villeneuve)

TERRAL Alfred (Onet)

THARRAUD Jeannette (12)

URIBELARREA Alain (Espalion)

URIBELARREA Françoise (Espalion)

VALENTIN André (Villefranche)

VALENTIN Lucie (Villefranche)

VIDAL Jean-Claude (Millau)

VIGERIE Geneviève (Entraygues)

Introduction

DEPEOPOLISER ET POLITISER LE CONGRES SOCIALISTE

Dans le monde, le capitalisme financier de notre temps atteint une limite. Il met en danger l’économie, la paix, la démocratie, l’écosystème. La crise alimentaire souligne l’ampleur de cet échec. Ce système ne marche pas. Un autre futur est nécessaire.

En France aussi ! Le congrès du Parti socialiste doit donc répondre à la déferlante de la révolution libérale orchestrée par Nicolas Sarkozy. Retraites, services publics, santé, droit du travail, éducation, laïcité, tout y passe. Des résistances s’organisent sur le terrain. Mais sans horizon politique elles piétinent. Car la gauche politique est en miettes, affichant vaines protestations, positionnements tactiques et aventures personnelles. Après la chute du communisme d’Etat, la déroute social-démocrate et la dilution de l’écologie politique, elle est à bout de souffle. Nous sentons bien ainsi que c’est une réinvention complète de la gauche qui est à l’ordre du jour si l’on veut pouvoir rassembler de nouveau notre peuple sur un objectif commun de progrès et de justice sociale. Certes un congrès n’y suffira pas, ni même un seul parti. Mais il doit être un point de départ.

Pourtant, incroyablement, c’est un congrès socialiste pipolisé et dépolitisé qui se dessine. Il se présente comme une bataille de personnes en vue de l’élection présidentielle qui aura lieu dans quatre ans ! Les uns avancent à découvert, les autres en collectif d’autodéfense. Cette compétition veut donner une illusion de choix alors que les orientations politiques de bien des protagonistes sont quasiment identiques. C’est à qui sera plus réaliste, moderne et même libéral. Pourquoi donc les principaux dirigeants socialistes se prosternent-ils devant le libéralisme et l’économie de marché au moment où celle-ci, totalement financiarisée, entre en pleine déconfiture ? Il est insupportable de voir leurs dérobades, leurs hors sujets permanents, quand les coups pleuvent sur la société. Il est inadmissible d’entendre d’incessants rappels à la discipline de la part de ceux qui ne respectent eux-mêmes aucune des décisions centrales du congrès du Mans sur le refus de l’alliance au centre ou à propos de l’exigence d’un référendum sur le traité de Lisbonne. En fait le parti s’est desséché. Les opérations cosmétiques comme celle réalisée avec la nouvelle déclaration de principe « unanime », venant après le énième cycle de Conventions nationales sans vote, et l’adoption de deux « projet pour dix ans » au cours des six dernières années, ne peuvent plus cacher l’état de délabrement idéologique et organisationnel du parti. Notre formidable hégémonie dans les collectivités locales ne masque plus notre impuissance à gagner des élections nationales, à créer des rapports de force ou à prendre des initiatives qui entrainent la société. Le décalage avec les réflexes de la gauche de terrain est criant.

Il est donc impératif de politiser le congrès. Il faut pour cela obliger à porter le débat sur l’orientation générale de la gauche face à la droite décomplexée de notre temps. Ce débat se concentre sur quelques questions qu’il n’est nul besoin de diluer dans les habituelles dissertations savantes de la période des contributions surtout quand elles sont écrites pour occuper l’été. Volontairement nous laissons de côté de nombreux thèmes qui nous occupent souvent tout le reste de l’année. Ici nous voulons aller directement sur les sujets qui posent vraiment problème entre nous. Sans concessions, ruses ni détours.

1. EMPECHER LA MUTATION DU PS EN PARTI DEMOCRATE

Les socialistes français ne sont pas les seuls en crise. Tout le mouvement socialiste européen et mondial est en impasse. Il ne savait pas comment affronter le capitalisme financiarisé de notre époque. Il a dorénavant renoncé à le faire, au prix de reniements qui semblent sans limite. En Amérique latine alors que la gauche est en pleine réinvention, les partis de l’Internationale socialiste sont aujourd’hui presque tous totalement déchus. La vague démocratique se fait sans eux et presque partout contre eux. Dans les pays de l’Europe du Nord, la social-démocratie démantèle l’Etat social qu’elle a construit. Dans plusieurs pays elle gouverne même avec la droite. Cette évolution s’accélère. Elle mène au désastre et à des défaites électorales sans précédent. En Italie un pas supplémentaire a été franchi. Les Prodi et Veltroni, adulés par les dirigeants de notre parti et acclamés dans nos congrès, en créant le Parti Démocrate avec les centristes ont détruit la gauche italienne. Il n’y a plus un député ni un sénateur élu comme socialiste en Italie pour la première fois depuis 1895, et de même pour les communistes pour la première fois depuis 1946. La plupart des dirigeants du parti français n’en tirent aucune leçon. Ils en restent à ce modèle. De nombreux changement de ligne et de pratique vont déjà dans le sens de cette mutation. Pour nous, il ne faut pas engager le PS français plus loin dans cette voie. C’est notre premier objectif dans ce congrès. Nous le résumons en disant que nous voulons empêcher la mutation définitive du parti socialiste en parti démocrate comme en Italie.

Entre la ligne « démocrate » et l’orientation socialiste il y a essentiellement six questions qui font la différence. Le rapport à l’ordre du monde dominé par les USA, la politique européenne, le choix de l’implication populaire pour le changement, le nouveau partage des richesses, la place de l’Etat et du collectif dans l’économie, la stratégie d’alliance -à gauche ou avec le centre- pour former une majorité gouvernementale. Ces questions sont assez étroitement liées. Pour chacune d’entre elles nous discernons au moins un point d’ancrage concret que les socialistes ne peuvent contourner. Pour nous, ils forment autant de tests d’identité politique.

Nous sommes donc disponibles pour faire motion commune avec toutes celles et tous ceux qui tranchent contre la ligne « démocrate ». Parce que la ligne démocrate c’est l’impuissance face à la droite et la division dans la gauche. C’est l’assurance d’une nouvelle défaite à la fois idéologique, culturelle et électorale qui laisse les nôtres désarmés face aux discours et aux actes de la droite.

En agissant de cette façon nous voulons ancrer à gauche le Parti socialiste et rendre possible ainsi l’union de toute la gauche sans exclusive. Tel est le trait d’union que nous voulons être.

2. REFUSER L’EUROPE AMERICAINE

Le Parti socialiste européen (PSE) vient d’engager un tournant crucial dans le projet de construction européenne. Le PSE fait en effet du « renforcement du dialogue transatlantique » une priorité de la politique européenne. Mais en réalité il s’agit déjà plus que d’un simple dialogue. La gauche démocrate en Europe s’est en effet engagée, en accord avec la droite européenne, dans la construction d’un futur « grand marché transatlantique ». Ce projet avait été mis en échec par le gouvernement de Lionel Jospin en 1998. Mais il a été relancé en 2006 par deux rapports dont l’un défendu par une députée européenne du SPD en faveur d’un « grand marché transatlantique sans entraves en 2015 ». A l’époque les députés européens de notre parti s’y sont opposés. En mai 2008, une nouvelle résolution favorable à un marché commun transatlantique a été adoptée par le Parlement européen. Cette fois, la quasi totalité des eurodéputés PS français l’ont soutenue. Pourquoi ce changement de position ? Aucun débat au sein de notre parti n’a été organisé. C’est pourtant un choix fondamental.

Le projet de grand marché transatlantique prévoit la création d’une zone de libre échange pour les services, l’élimination des barrières douanières, technique et réglementaire au commerce, la libéralisation des marchés publics de la propriété intellectuelle et des investissements. Il engage l’Europe dans une promotion fanatique du libre échange au niveau mondial comme le montre la déclaration commune du sommet UE-USA du 10 juin dernier : « nous résisterons au sentiment protectionniste à l’intérieur et nous nous opposerons au protectionnisme à l’étranger. Les modèles du libre et juste échange et de l’investissement ouvert sont les piliers de la croissance économique mondiale ». Il consacre l’évolution de l’Union européenne vers une vaste zone de libre-échange uniquement motivée par la libre circulation des biens et des services.

De plus, ce marché commun n’a pas seulement un objectif économique. Il est officiellement présenté comme la « base propice à l’établissement ferme du partenariat transatlantique, qui permettra à l’Union et aux États Unis de relever ensemble les défis politiques et économiques mondiaux ». Il est même proposé de créer à terme une véritable « Assemblée transatlantique ». C’est donc un projet politique de grande ampleur impliquant des Institutions communes aux deux côtés de l’Atlantique. Quand et où tout cela a-t-il été discuté devant les citoyens ? Il faut refuser absolument cette bifurcation du projet européen. Car si nous voyons bien son objectif économique, nous voyons aussi sa signification géopolitique. Il donne corps au projet de formation d’un « Occident politique » voulu par la doctrine américaine du « Choc des civilisations ». Telle est la ligne adoptée par de très nombreux dirigeants européens et en France par Nicolas Sarkozy. Cette vision géopolitique repose sur l’idée que l’hégémonie de « l’Occident » est mise en cause et qu’il faudrait répondre au phénomène par une intégration croissante des nations « occidentales » sur le plan économique comme militaire.

ORDRE INTERNATIONAL

ET LAICITE

Depuis les discours de Nicolas Sarkozy à Ryad et à Latran, nous savons qu’une nouvelle cohérence est au pouvoir en France. Elle unit une vision de l’ordre du monde à construire d’après les normes de la théorie étatsunienne du choc des civilisations à une volonté affichée de reconfessionnaliser la France par la mise en cause de la loi de 1905. Devant tous les ambassadeurs de France, Nicolas Sarkozy désigne comme « premier risque pour la paix » et « premier défi » pour notre politique extérieure une soi-disant « confrontation entre l’Islam et l’Occident ». Devant le pape, il vante les prétendues « racines chrétiennes » de la France et promet de « réformer » la laïcité. Sont unies dans un même discours une vision absurde sur le plan des relations internationales et une grave politique de division des Français.

Ceci nous enjoint de reformuler notre combat pour la laïcité. Celle-ci doit être à la fois un combat dans notre pays ainsi que le mot d’ordre et la méthode qui organise notre approche de la politique internationale. A notre tour nous devons montrer la cohérence qui unit la définition républicaine de l’identité de la France et notre refus de ce nouvel ordre « civilisationnel ». La doctrine du choc des civilisations n’est qu’un emballage de la prétention hégémonique des Etats-Unis. Ceux-ci réalisent 50% des dépenses militaires du monde et la proportion monte à 83% quand on y intègre ses alliés. Il s’agit donc pour les Etats Unis de continuer à garder la première place, celle qui lui permet de vivre à crédit du reste du monde, au moment où celle-ci lui est disputée par la monnaie européenne autant que par la capacité productive de l’Asie. Il ne faut pas l’aider dans cette voie.

LE CHOIX DE LA PAIX

Mieux vaudrait au contraire contester l’ordre du monde sous domination états-unienne ! Plutôt que de donner une traduction politique et institutionnelle à la ligne du choc des civilisations, l’intérêt français et européen pour la paix est tout autre. Il est plutôt de promouvoir un monde multipolaire où les échanges sont organisés dans une exigence de développement partagé. C’est le seul moyen concret de faire contrepoids à la toute-puissance américaine ou à celles qui pourraient surgir dans l’avenir. Il vaut mieux donc rechercher des rapports d’alliance et de coopération avec les pays en capacité d’être de nouvelles puissances régionales et mondiales : Brésil, Russie, Chine, Inde... Au contraire des Etats-Unis, celles-ci sont désormais directement intéressées à la paix dans le monde puisque celle-ci leur permet d’accéder dans un proche avenir aux premières places. Il faut donc d’abord se mettre résolument à distance des aventures militaires impériales autant celle de l’occupation de l’Irak que celle d’Afghanistan. Mais aussi des politiques agressives contre les pays de la vague démocratique en Amérique latine. Ou des manœuvres d’encerclement de la Russie par l’Otan. La décision de réintégrer étroitement la France à l’OTAN non plus n’est pas acceptable. Bref, sans entrer dans chaque cas, si l’on veut une politique de paix, il faut bâtir une nouvelle cohérence de la politique internationale des Européens et d’abord des Français, réellement indépendante des Etats-Unis.

Certes le congrès ne peut aller dans tous les aspects de cette question. Mais il doit trancher sur un point au moins : le refus du grand marché transatlantique. Nous avons la responsabilité d’empêcher la construction d’un nouvel ordre mondial à la main de l’hyper puissance. C’est un point incontournable de notre débat.

3. LE TRAITE DE LISBONNE EST MORT, CHANGEONS DE METHODE

La méthode pratiquée pour engager dans la plus grande opacité la construction du grand marché transatlantique est une nouvelle démonstration du danger que font peser les procédures européennes menées hors de tout réel contrôle démocratique. L’Europe est d’abord malade de son manque de démocratie. Le diagnostic n’est pas nouveau. Mais il s’aggrave avec l’élargissement non maîtrisé à 27 Etats membres. Déjà antisociale dans ses politiques, a-démocratique dans ses procédures de décision, l’Union européenne a désormais une pratique autoritaire de la souveraineté limitée des peuples des pays membres. Ceux-ci n’ont plus d’autres choix que d’approuver les décisions prises au sommet. On l’a vu après le rejet du traité constitutionnel en France et en Hollande pourtant maintenu sous la forme du traité de Lisbonne. On le voit de nouveau avec le contournement arrogant du « non » irlandais à ce traité.

En France, le chef de l’Etat refuse le référendum en avouant qu’il le sait perdu d’avance. Des parlementaires socialistes de la majorité du parti lui ont permis de réussir sa manœuvre en votant la réforme constitutionnelle à Versailles. Pensent-ils qu’on ne peut plus construire l’Europe avec le soutien du peuple ? Dans ce cas, il faudra dire comment ils entendent bâtir l’Europe sociale qu’ils appellent régulièrement de leurs vœux pieux. Sans la force de la participation populaire, aucun changement progressiste en Europe n’est réaliste. Celle-ci est en outre devenue indispensable à la survie du projet européen lui-même. Dans la conscience d’innombrables citoyens du continent ce dernier est largement discrédité parce que les politiques de l’Union européenne sont infligées avec arrogance, mépris et sectarisme par les eurocrates et les euro- béats comme les seules possibles sans discussion permise. Le niveau record d’abstention aux élections européennes en atteste partout, les « non » aux référendums populaires le disent sans détour. Quand sera connu en France le projet de grand marché transatlantique commencé en catimini cette tendance s’approfondira.

POUR UN MANDAT CONSTITUANT AU PARLEMENT EUROPEEN

La reconquête démocratique de l’Union Européenne est à la fois la seule chance de faire prévaloir des objectifs socialistes en Europe et un préalable à la poursuite du projet européen. En premier lieu il faut respecter le non irlandais. Le traité de Lisbonne est mort comme est mort le traité constitutionnel dont il est la copie. Les Français ne doivent pas accepter la logique d’encerclement et de pressions sur les Irlandais. En second lieu il faut admettre que la négociation intergouvernementale à 27 sous la règle de l’unanimité ne peut pas fonctionner pour établir un projet d’organisation des pouvoirs européens. Il n’est pas vrai que la situation soit sans issue.

Une solution simple existe, à portée de la main. C’est la démocratie. Il faut donner un mandat constituant au prochain parlement européen. Ce mandat institutionnel ne devra s’appliquer qu’aux seuls domaines dans lesquels les Etats membres ont déjà transféré leur souveraineté nationale à l’échelon européen. Dès lors la prochaine élection des députés européens prendra une signification politique de première force. Elle permettra une véritable réappropriation populaire du projet européen. C’est de cette façon que la plupart des Etats de l’Union se sont constitués dans l’histoire. Sinon quelle autre méthode employer maintenant que toutes les autres ont échoué ? L’impasse actuelle nous donne l’occasion d’un extraordinaire rebond. Nous pouvons faire naître enfin une véritable Europe, d’autant plus disposée à mener des politiques pour le peuple qu’elle sera fondée par le peuple.

4. FAISONS DU PARTAGE DES RICHESSES NOTRE COMBAT CENTRAL

La mondialisation libérale a organisé au profit du capital financier une ponction sans précédent sur les richesses produites. La rémunération du travail est à la portion congrue. Le dumping social bat son plein. C’est pourtant le moment où la plupart des partis sociaux-démocrates européens ont abandonné l’idée que le partage des richesses est le combat central de la gauche. Ceci explique pourquoi ils démantèlent leurs conquêtes d’hier : la social-démocratie allemande a retardé à 67 ans l’âge de départ en retraite, la social-démocratie danoise a supprimé l’impôt sur les grandes fortunes, les social-démocraties de Suède et du Danemark ont été les premières à expérimenter les hausses massives de TVA, la social-démocratie britannique bloque toute harmonisation sociale par le haut en Europe et fait triompher la semaine de soixante-cinq heures...

Pour ces « Démocrates », la part de richesse que l’on reçoit est le résultat des efforts personnels des chacun, des opportunités, de la bonne santé de l’économie. Ce n’est pas une question politique ou sociale à traiter comme telle. Dès lors le rôle de la gauche se limite à promouvoir « l’égalité des chances ». Les démocrates espèrent ainsi atteindre une forme d’inégalité... juste. Alors l’égalité véritable n’est plus à l’ordre du jour. En revanche, les démocrates visent « l’équité ». Ceci se limite souvent à agir contre les discriminations, particulièrement celles qui découlent du sexe et de l’origine ethnique ou de la couleur de peau, car la question de l’appartenance sociale est à leurs yeux seconde. La gauche démocrate n’analyse pas la société en termes de classes sociales mais d’individus. La nécessité d’instaurer un rapport de force collectif pour la répartition de la richesse disparaît. Ainsi Veltroni a pu dire que le parti démocrate italien se trouve « à équidistance des travailleurs et des entreprises ». Il voulait dire du capital et du travail. Cette position ne produit aucune perspective de développement économique ou social. Il faut donc choisir.

Le partage de la richesse est possible. La France n’a jamais été aussi riche de son histoire. Elle produisait 1000 milliards d’euros par an en 1981. Elle en produit 1900 milliards aujourd’hui. Ses ouvriers travaillent à la moyenne du nombre d’heure en Europe mais leur productivité est la deuxième du monde. Partager est nécessaire. Jamais il n’y a eu autant de pauvreté ni de travailleurs pauvres : 7 millions à cette heure. La moitié des départs à la retraite se font sous le seuil de pauvreté. La pauvreté est au cœur du système. Pas seulement comme symptôme mais comme moteur du modèle actuel d’accumulation inégal des richesses.

LE NOUVEAU REALISME DE GAUCHE

Le courage politique aujourd’hui ne consiste donc pas à demander de nouveaux sacrifices aux mêmes. C’est au capital financier qu’il faut prendre ce qui nous manque pour le bien public. Nous devons considérer que les dix points de part de la richesse nationale qui sont passés de la rémunération du travail à celle du capital constituent notre marge de manœuvre pour une politique socialiste de réformes radicales bien financée. Ils doivent revenir dans le mécanisme de la répartition par les salaires, l’impôt et les cotisations sociales. Les mesures qui permettent d’initier ce basculement existe. Elles n’ont rien de mystérieux. C’est la hausse du SMIC, le relèvement de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, la soumission des revenus financiers à un impôt juste... C’est la suppression des exemptions de cotisations sociales et le relèvement limité de celles-ci qui suffirait à équilibrer les retraites sans allonger la durée de cotisation, l’établissement de cotisations sur les stocks options déjà acquises... Il s’agit seulement d’un choix politique. Celui conditionne la suite. Car faute de ce choix initial, il serait impossible à un gouvernement de gauche d’opérer la rupture nécessaire avec les politiques menées par la droite. Impossible d’abroger la réforme des retraites, d’annuler les franchises médicales et autres mesures de déremboursement de soins, de rétablir les 35 heures pour toutes et tous, de répondre à l’exigence d’un meilleur pouvoir d’achat des travailleurs, de reconstituer les effectifs nécessaires à la bonne marche de la Fonction Publique.

Le partage des richesses au profit du travail et des besoins collectifs est donc la question clef d’un programme socialiste réaliste. Elle est d’abord politique. Elle nécessite d’être prêt à assumer les tensions que cette politique implique avec les milieux financiers. Cela signifie qu’il ne suffit pas de proclamer cet objectif mais qu’il faut se donner les moyens du rapport de force pour y parvenir. Le programme socialiste ne prend alors son sens que s’il est un programme d’action impliquant tous ceux qui ont intérêt à ce changement.

5. METTONS LA REFONDATION REPUBLICAINE DU PAYS A L’ORDRE DU JOUR

Le capitalisme s’est autrefois développé dans le cadre des Etats nations. Mais l’avènement d’un capitalisme financier et transnational a changé la donne. Pour ce dernier, la souveraineté populaire représente une source permanente d’entraves au « libre jeu du marché ». La souveraineté du peuple s’exprime en effet dans des normes sociales, écologiques ou sanitaires que le capitalisme de notre époque considère comme autant de limitations abusives de son droit à investir où il veut et comme bon lui semble. Ce n’est donc pas un hasard si les politiques libérales ont répandu partout dans le monde une profonde crise de la démocratie.

Cette crise est particulièrement vive dans notre pays. Car l’identité républicaine de la France repose sur la souveraineté populaire et l’intérêt général. Nous sommes donc percutés de plein fouet par les politiques libérales qui les remettent fondamentalement en cause. Les conséquences sont désastreuses. L’action politique institutionnelle paraît vaine. L’abstention creuse des abimes de méfiance. Elle atteint même les élections locales. La majeure partie de nos concitoyens ne se sentent désormais plus politiquement représentés. Ce n’est pas le moment pour les socialistes de donner le sentiment de limiter leur ambition démocratique à une meilleure consultation participative des citoyens au niveau local sans jamais remettre en cause le dessaisissement qu’organisent les institutions de la Cinquième République ou celles de l’Union européenne.

Or notre parti est paralysé par un désaccord persistant sur la nature du régime que nous voulons pour la France : présidentiel ou parlementaire ? La Cinquième République mute sans le dire. La révision défendue par Nicolas Sarkozy approfondit la nature présidentielle, monocratique, du régime. Sa pratique y ajoute. En voulant renforcer la personnalisation du pouvoir, il aggrave l’illégitimité du régime. Car c’est le paradoxe de notre vie politique. Jamais celle-ci n’a été aussi personnalisée. Pourtant jamais les Français n’ont autant cherché à penser par eux-mêmes. Dorénavant le destin des hommes providentiels est d’avoir la vie courte. De Gaulle, c’est fini ! Nos institutions ne retrouveront donc leur légitimité que si elles sont fondées sur le débat collectif et éclairé qui permet les consentements durables. Hélas la majorité des responsables socialistes sont eux-mêmes atteints par la frénésie de personnalisation. C’est pourquoi beaucoup d’entre eux sont désormais favorables au régime présidentiel. Il est temps de trancher fermement cette question. Nous devons proposer clairement une sixième République parlementaire qui soit un régime de démocratie républicaine continue du plus modeste niveau local jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Telle doit être notre pratique d’une souveraineté populaire effective.

UNE SIXIEME REPUBLIQUE PARLEMENTAIRE DE DEMOCRATIE CONTINUE

Il ne s’agit pas ici comme on l’entend dire parfois d’une question institutionnelle coupée du vécu quotidien. Changer les institutions par un processus constituant c’est ressourcer la collectivité civique elle-même. Pour un socialiste, la transformation sociale ne peut se passer de cette étape. C’est ce qu’ont compris les gouvernements latino-américains issus de la vague démocratique qui continue de s’étendre. Partout sont convoquées des Assemblées constituantes. Elles permettent de réintégrer dans l’action civique les populations qui en ont été écartées. Et c’est la condition de leur implication politique et sociale avec leur gouvernement de gauche.

Nous voulons donc ici pointer un angle mort de l’action de la gauche gouvernementale. Trois niveaux d’action doivent être dorénavant liés. Le programme de la gauche doit être préparé à la base. La différence de contenu viendra de cette implication populaire. Mais à ces deux exigences s’en ajoute une troisième. Il faut aussi gouverner autrement, c’est-à-dire en s’appuyant sur l’implication populaire.

Cela signifie que la souveraineté du peuple ne doit pas être limitée lors de l’élection des représentants pour s’éclipser ensuite quand ils gouvernent. La refondation républicaine du pays suppose que l’intervention populaire se poursuive et se conjugue avec l’action gouvernementale, grâce à de nouveaux processus permettant d’associer la population à la définition du bien commun. Pour que les citoyens soient partie prenante de la définition des objectifs prioritaires de la Nation, le travail législatif doit être préparé et accompagné par la présentation publique et la discussion argumentée des principales lois dans des ateliers civiques, dont le cadre d’organisation pourrait être les circonscriptions électorales. Le Parlement et l’Etat, comme les collectivités locales et les médias doivent dégager les moyens nécessaires à la mise en place de ces procédures. Le recours à des référendums nationaux, mais aussi à des consultations sous la forme d’Etats-Généraux est un autre moyen de rendre le peuple maître des choix engageant durablement le développement du pays. La capacité permanente du peuple à changer ses lois doit enfin être reconnue à travers la possibilité de référendums d’initiatives populaires pour abroger ou proposer une loi. Au niveau local, l’institutionnalisation de budgets participatifs doit devenir le mode ordinaire d’élaboration des politiques publiques avec la population. Pour que la loi s’impose à nouveau partout et pour tous, le démembrement de l’autorité publique en d’innombrables agences et autorités indépendantes doit être totalement stoppé. Certaines doivent être réintégrées dans l’appareil d’Etat. Toutes doivent être placées sous le contrôle du Parlement et de la population.

6. PROPOSONS LA PLANIFICATION ECOLOGIQUE

Les socialistes doivent affronter le dénigrement de l’Etat par la droite. Nous devons affirmer qu’il faut en finir avec la politique d’appauvrissement de l’Etat, de dispersion de ses biens, de recul de son action. Le programme socialiste doit être celui du retour de l’Etat redistributeur, stratège, protecteur, organisateur du temps long. Nous ne pouvons pas nous contenter de défendre les services publics. Bien sûr il faut déjà faire cela sans ménager ses forces ! Mais au-delà c’est l’Etat lui-même qui doit être réhabilité. Car nous devons être conscients des reculs idéologiques que nos abandons du passé et les campagnes incessantes de la droite ont provoqués dans l’esprit public. C’est une action pédagogique et culturelle en profondeur qu’il faut conduire pour rendre sa légitimité à l’Etat. C’est pourquoi le retour de l’Etat doit être argumenté et illustré en lien avec un intérêt général évident. C’est dans le domaine de la défense de notre écosystème qu’existe la prise de conscience la plus vive aujourd’hui de la nécessité d’une action de longue durée maîtrisée par le débat et la confrontation des opinions. Chacun sent bien que la catastrophe écologique s’avance. Nous touchons là une des contradictions les plus graves du capitalisme. Le jeu des « forces libres du marché » conduit inexorablement à la destruction des conditions mêmes de la vie humaine. Seules les politiques qui oseront remettre en cause ce dogme anti-Etat permettront de lutter efficacement contre la destruction de notre environnement.

UNE PEDAGOGIE DE L’INTERET GENERAL

La conscience d’un intérêt général écologique existe. Tout le monde est prêt à comprendre que pour agir sérieusement et vraiment, une planification écologique est nécessaire. C’est pourtant une idée très clivante. Le principe même de planification constitue une agression pour tous les adeptes du néolibéralisme. D’ailleurs George Bush a été parfaitement cohérent avec les principes libéraux en refusant de signer le protocole de Kyoto. Il ne peut accepter qu’une décision politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre s’impose à l’économie. Que sont en effet les objectifs datés et chiffrés de réduction des gaz à effet de serre sinon une sorte de « plan quinquennal planétaire » ? Mais ce plan est suspendu dans le vide. Dans la plupart des pays, aucun mécanisme ne permet d’imposer le respect des engagements gouvernementaux quand on descend au niveau des entreprises. Aucune politique de réparation écologique n’est possible à l’échelon national non plus sans planification des moyens et contrôle des résultats intermédiaires. Comment par exemple se débarrasser des dérivés chimiques tels que les PCB qui polluent pour des décennies cours d’eau et territoires !

Le mot d’ordre de planification écologique permet aussi de donner du sens concret au système de l’économie mixte auquel se réfère désormais la déclaration de principe du Parti socialiste. Prenons l’exemple de l’énergie. Aucune politique de développement durable n’est possible dans notre pays si ce secteur est dominé par les intérêts privés et leur logique de profit à court terme. La constitution d’un pôle de l’énergie comprenant EDF et GDF 100% public sera donc le pilier public de l’économie mixte dans ce domaine. En permettant au secteur de l’électricité et du gaz d’échapper à la concurrence, on leur donnera les moyens d’obéir à des exigences écologiques élevées. Bien sûr cela ne dispense pas le secteur privé d’intégrer des obligations d’intérêt général, inscrites dans la loi. C’est le cas par exemple de l’industrie pétrolière. Une entreprise comme Total ne peut avoir le droit d’amasser des profits considérables tout en refusant de se reconnaître la moindre obligation envers la collectivité. Ainsi nous pouvons faire de la France un modèle écologique dans le monde.

Par entraînement, la planification écologique réintroduira la logique de l’intérêt général dans tous les compartiments décisifs de la vie collective : santé publique, équipements, transports, éducation. La planification écologique est donc à la fois une nécessité résultant de l’intérêt général, un levier pour la mise en place de l’économie mixte et une revendication politique qui donne la priorité aux références culturelles des socialistes de solidarité par opposition à la force d’évidence que la droite a capté aujourd’hui sur ses valeurs de compétition et de valorisation des intérêts particuliers.

7. NOUONS NOS ALLIANCES A GAUCHE SEULEMENT ET SANS EXCLUSIVE

Lors de notre dernier Congrès du Mans, nous avons été accusés de mener un odieux procès d’intention parce que nous avons demandé au Parti de préciser que sa stratégie restait celle de l’union de la gauche et excluait tout accord avec la droite ou le « centre ». A la demande des deux motions minoritaires, l’engagement de refuser toute alliance avec la droite ou le centre avait néanmoins été ajouté dans le texte de synthèse final. Depuis nous savons que notre candidate à la présidentielle s’est vantée d’avoir été jusque sous les fenêtres de Bayrou pour lui proposer d’être Premier Ministre. Au congrès du Mans notre proposition pour la ligne « d’alliance à gauche sans exclusive » avait été refusée. Ceux-là même qui l’ont écartée ont fini dans les alliances sans principes et à la carte aux dernières municipales, ici avec les centristes et la droite, là avec Lutte Ouvrière, voire les deux en même temps !

Il existe dans notre parti une pente pour rechercher une alliance avec des secteurs de la droite. Elle s’exprime de tant de façons ! 20% des membres du gouvernement Sarkozy sont issus du PS, certains d’entre eux venant du premier cercle comme le ministre des affaires européennes. Nombre d’autres ont paru donner assez de garanties pour être approchés personnellement par le nouveau président de droite. Ce n’est pas une exception française. C’est une tendance lourde dans toute la social-démocratie. En Europe les sociaux-démocrates gouvernent avec la droite dans plusieurs pays, notamment en Allemagne et en Hollande. Cette stratégie se poursuit dans le Parlement Européen, cogéré par le PSE et le PPE (parti populaire européen dont est membre l’UMP). Ainsi, le président socialiste du Parlement Européen a cédé sa place à mi-mandat à un conservateur, élu avec les voix de la majorité des sociaux-démocrates européens, dans le cadre d’un arrangement qui n’avait jamais été annoncé aux électeurs.

Souvent, les sociaux-démocrates refusent l’alliance à gauche. C’est le cas par exemple en Allemagne ou en Italie. En Allemagne, l’opposition de la direction du SPD à tout accord avec Die Linke l’a conduit à renoncer à gouverner des régions où la gauche est majoritaire et à les laisser à la droite. Menée à son terme en Italie, cette ligne sectaire a conduit à l’anéantissement de la gauche. Aux dernières élections, le Parti démocrate de Veltroni a fini 10 points derrière Berlusconi. Pourtant celui-ci dirigeait une alliance nauséabonde mêlant xénophobes de la Ligue du Nord et postfascistes d’Alliance nationale qui ont même remporté la mairie de Rome. La preuve est faite à nouveau que la dérive vers le centre provoque une division organisée de la gauche en deux blocs inconciliables qui condamne pour finir toute la gauche à l’impuissance dans la société et à la défaite dans les élections.

FAIRE LE CHOIX CLAIR DE L’UNION DES GAUCHES SANS EXCLUSIVE

En France, l’autre gauche, dans sa diversité, a enregistré dans plusieurs villes des percées notables aux élections locales. Un phénomène inquiétant s’est produit au second tour. Lorsqu’elles se maintenaient contre les listes socialistes arrivées en tête au premier tour, beaucoup de ces listes de l’autre gauche, loin d’être sanctionnées comme dans le passé, ont progressé. C’est un événement majeur. Ce n’est pas un fait local mais une réalité nationale. Il ne sert à rien d’en faire porter la responsabilité seulement à l’autre gauche. C’est aussi devant notre porte qu’il faut balayer. L’attachement du PS à l’Union de la gauche dans les années 70 avait fait prévaloir dans l’électorat de gauche l’impératif de l’unité. Ce cycle est désormais clos. Le PS n’est plus perçu comme le parti de l’union. Il paye désormais le prix de ses gesticulations en direction du centre.

Dès lors il faut choisir. On ne peut pas tenir deux lignes en même temps. Ceux qui vendent une coalition arc-en-ciel « de Bayrou à Besancenot » sont des bonimenteurs. Un tel regroupement n’aurait aucune cohérence politique gouvernementale, aucune crédibilité, aucune capacité d’entraîner la société. Les habiletés n’y changeront rien : entre rassemblement de la gauche sans exclusive et alliance avec le centre, il faut choisir. Ceux qui ne veulent pas le faire espèrent en réalité que les faits qu’ils auront soigneusement préparés « choisiront pour nous » l’alliance au centre. La stratégie qui consiste à essayer de siphonner l’espace électoral de l’autre gauche avec le chantage au vote utile tout en rapprochant programmes et discours vers le centre prépare la mise en scène de ce « basculement inéluctable ». C’est un leurre mortel. Il ouvre une brèche qui conduit tout droit à la division frontale de la gauche et au déversement des électeurs sociaux-démocrates dans le marais centriste. Ceux-ci composaient déjà le tiers des électeurs de François Bayrou à la dernière présidentielle. Pendant ce temps, presque toute la gauche se regroupait autour de la candidate socialiste en dépit de son discours. Le « centre » réalisait une percée sans précédent, le total de gauche atteignait un niveau historiquement bas. La double inefficacité électorale des sociaux-démocrates de notre parti est ainsi prouvée : incapables de retenir les électeurs proches d’eux, incapable de dynamiser la gauche.

Le congrès doit trancher. Il faut tourner sans ambiguïtés ni ruses la page de la tentation centriste et droitière. L’option doit être celle de l’union des gauches sans exclusive et d’un programme partagé pour la rassembler.

8. CONSTRUISONS UN PARTI DE COMBAT ET D’EDUCATION POPULAIRE

Le programme, la stratégie d’alliance et la forme du parti constituent un tout. Par exemple, les alliances dépendent à l’évidence du contenu du programme. Mais la forme du parti dépend aussi de la stratégie qu’il doit porter. A un programme flou avec des alliances à la carte correspond un parti sans contours délimité entre sympathisants et adhérents. C’est ce que devient le PS avec son système d’adhésion en solde sans que les nouveaux venus ne reçoivent aucune formation sur le parti qu’ils rejoignent, sa culture, son histoire, son organisation, son programme. Sous couvert de respect de l’indépendance des syndicats et des associations le parti est pratiquement absent des luttes sociales et de la construction des rapports de force culturels avec l’idéologie dominante. Il cantonne son action politique aux communiqués du bureau national et aux batailles parlementaires, son action concrète à celle de ses élus locaux. Il limite son horizon à la prochaine élection. En interne, il répond à tous les dysfonctionnements en incriminant le rôle des courants ! Comme si ce n’était pas la concurrence des personnes dans l’équipe dirigeante qui était la principale source du désordre ! Un parti fait de sections composées de plusieurs centaines voire millier d’adhérents n’est plus un parti conscient mais un forum aléatoire ouvert à toutes les manipulations. La véritable modernisation serait de faire du PS un parti moins ouvert aux vents des modes et sondages, avec des militants mieux formés et plus engagés dans l’action concrète. La gauche a besoin d’un parti socialiste fonctionnant comme un mouvement d’éducation populaire utile pour éclairer les citoyens qui viennent à sa rencontre. D’un parti qui parmi toutes les diversités qu’il est soucieux de représenter, s’attache d’abord à la diversité d’origine sociale de ses dirigeants et de ses élus ! En commençant par là on réduirait en même temps bien d’autres discriminations !

La mutation vers un tel parti serait une profonde révolution. Bien des mesures seraient nécessaires accompagnées d’une volonté de longue haleine comme celle des fondateurs du nouveau PS d’Epinay. Ici ne mentionnons qu’un point de départ : plus une section ne devrait compter plus de cent adhérents. Cela exigerait un effort de formation des animateurs des milliers de sections nouvelles, libérerait la participation aux débats, démultiplierait la capacité d’intervention du Parti. Evidemment l’essentiel restera encore à faire. Après l’effondrement du communisme d’Etat et la dilution consommée de la social-démocratie dans le néolibéralisme, la réinvention de la gauche est l’ordre du jour urgent de notre temps. Des Assises de la gauche du 21ème siècle doivent être proposées à toute la gauche sans exclusive pour mettre en débat public convergences et oppositions. Et d’abord pour engager sa réinvention. Car nous ne construirons rien d’utile ni de durable en continuant nous référer à des modèles qui ont échoué. Il n’y a qu’un préalable : la mise à distance de la ligne démocrate qui est la négation de tout cela. Cette tâche est hors de portée du seul Parti Socialiste, a fortiori anesthésié par des années de conformisme et de rabâchages pseudo-modernistes. Sinon comment parvenir à une alternative de gauche comprise et largement partagée qui ne se résume pas au chantage au vote utile qui nous tient lieu de ligne si souvent ? Comment assécher l’océan d’abstentions qui s’est reconstitué à l’occasion des élections municipales ? Qui ne voit le risque que courent aujourd’hui de ce fait la démocratie et la République dans notre pays ? Pour cela bien sur, ces assises doivent être ouvertes, non comme un effet de notre générosité mais comme le signal que nous avons pris conscience de nos limites face à l’ampleur de la tâche à accomplir.

9. GAUCHE DU PS, ASSUMONS NOTRE ROLE

La gauche du Parti socialiste semble aujourd’hui hors jeu du débat. Elle est balkanisée. Sa division a facilité la dérive du parti vers le centre et la ligne démocrate. Elle en sera même complice si elle renonce à s’exprimer et à proposer ses idées. Elle portera une responsabilité dans le rabougrissement du débat d’orientation des socialistes. La gauche du Parti socialiste doit s’assumer. Elle ne peut rester une force d’appoint. Elle doit se rassembler. Son existence est la meilleure garantie contre le changement d’alliance qui se prépare et la mutation du PS en parti Démocrate. Le sort réservé à cette gauche au PS sera d’ailleurs un révélateur décisif pour l’avenir. Jusque-là le PS était un lieu nourri par les différentes cultures de la gauche française. Elles étaient reconnues et respectées. Est-ce encore le cas ? Ou bien n’est-il plus qu’un parti de centre gauche, uniformisé, imperméable à l’urgence politique, sociale, conformément au modèle dominant en Europe ?

Pour nous, la France et l’Europe ont besoin d’une refondation républicaine après des décennies de déstructuration libérale. Cet objectif nécessite une société mobilisée et des citoyens motivés. Il ne peut être atteint sans une gauche puissante. Celle-ci est à réinventer. Tel est le devoir de notre génération. Notre appréciation est que le monde voit monter les périls qui ont déjà détruit le passé. Pour nous, selon la phrase du philosophe Bachelard, le futur n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons faire. Rien ne peut être fait sans un parti de gauche capable d’entraîner la société au devant de ses espoirs en affrontant l’ordre établi. Cette contribution appelle à l’action ceux qui sont prêts à faire leur ce combat. Car rien ne peut commencer sans leur engagement personnel.



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