L’Afrique trahie : La finance contre les peuples africains par Damien Millet (CADTM)

dimanche 22 juin 2008.
 

Les dirigeants des pays d’Afrique, quand bien même ils ont été élus, sont avant tout les « poulains » des multinationales et de la finance mondialisée. Ces pays sont ainsi dirigés par ceux qui ont su s’allier telle grande puissance, tel réseau mafieux, telle grande entreprise stratégique. La Françafrique, analysée au scalpel par François-Xavier Verschave et l’association Survie |1|, a ses bons élèves qui multiplient les décennies au pouvoir et servent les intérêts de ceux qui leur ont permis d’être aussi haut placés : Blaise Compaoré au Burkina Faso (le tombeur de Thomas Sankara), Paul Biya au Cameroun, Denis Sassou Nguesso au Congo (le tombeur de Marien Ngouabi), Eyadema Gnassingbé au Togo |2| (le tombeur de Sylvanus Olympio), Omar Bongo au Gabon, Idriss Déby au Tchad ou encore Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie.

Ce réseau d’intérêts peu avouables se renforce avec quelques nouveaux venus, par exemple François Bozizé en République centrafricaine, Joseph Kabila en RDC ou Mohammed VI au Maroc. D’autres dirigeants sont sous contrôle des États-Unis, comme Paul Kagamé au Rwanda, Yoweri Museveni en Ouganda, Olusegun Obasanjo au Nigeria ou encore Marc Ravalomanana à Madagascar. Parfois ils savent se parer d’habits démocratiques mais des élections régulières et le multipartisme peuvent tout à fait être de simples alibis.

Ce sont toujours les intérêts financiers qui pilotent derrière Abdoulaye Wade au Sénégal, Amadou Toumani Touré au Mali, Mamadou Tandja au Niger, John Kufuor au Ghana ou Thabo Mbeki en Afrique du Sud. Certains d’entre eux, comme Mwai Kibaki au Kenya ou Levy Mwanawasa en Zambie, parviennent à susciter un temps l’espoir d’une démarche nouvelle. Seules quelques voix discordantes, sans être pour autant des modèles, loin de là, se font vraiment entendre, comme Robert Mugabe au Zimbabwe, mis au ban des nations pour avoir cautionné l’expropriation forcée des vastes propriétés agricoles des Blancs. D’une manière générale, nombreux sont ceux parmi les puissants qui déclarent aimer l’Afrique, la soutenir, l’aider, c’est très à la mode.

Mais ne nous y fions pas, car au fond, les peuples africains ont été trahis : par les grandes puissances du Nord qui imposent toujours des mesures qui servent leurs intérêts géopolitiques et commerciaux ; par des classes dirigeantes africaines qui ont fait le choix de piétiner le développement humain des populations pour favoriser leur propre pouvoir et la volonté de leurs mentors. Financière, commerciale, environnementale, humaine, détaillons cette trahison aux multiples facettes.

Un discours officiel mensonger

Le citoyen peu curieux, qui n’a accès qu’aux informations superficielles des médias contrôlés par de puissants groupes de presse, est persuadé que la santé économique des pays du Sud s’améliore. A en croire la Banque mondiale, la pauvreté décroît à toute allure. A en croire les gouvernements des pays industrialisés, la générosité inonde le monde et l’aide offerte aux pays pauvres est remarquable et salutaire. A en croire le FMI, la croissance mondiale est illimitée et les pays du Sud vont exporter de plus en plus de produits tropicaux à des prix de plus en plus intéressants. Mensonges ! Sous cette partie émergée et biaisée, l’iceberg de la dette et de la pauvreté demeure, massif.

La trahison médiatique est bien résumée par un article de Michael Holman dans le très libéral Financial Times : « L’égoïsme et l’autosatisfaction des gouvernements occidentaux, des dispensateurs d’aide et des âmes charitables cachent à la fois la gravité de la crise et l’inefficacité des politiques mises en œuvre pour arrêter le déclin du continent. [...] Quel crédit accorder aux chiffres de la Banque mondiale concernant le Mali, le Malawi ou le Mozambique, qu’il s’agisse du nombre de postes de radio pour 1 000 habitants ou du taux d’alphabétisation ? Ils reposent souvent sur des extrapolations vieilles de plusieurs décennies ! [...] La situation de l’Afrique s’est, j’en suis convaincu, détériorée, mais les conditions dans lesquelles travaillent les journalistes, les diplomates et les bailleurs de fonds se sont sans nul doute améliorées. Les avions sont plus confortables, les ordinateurs et les téléphones satellitaires facilitent les communications, les véhicules à quatre roues motrices sont plus fiables et les hôtels plus attentifs à nos besoins. Mais ce confort accru, justement, est trompeur. Si vous observez l’Afrique à partir de ce cocon, vous pouvez très bien avoir l’impression que les choses vont mieux |3|. »

Les gouvernants de cette Afrique dominée et mutilée ne font ainsi qu’exécuter les ordres de la finance internationale. Ils sont implicitement chargés de faire marcher droit leur peuple pour l’insérer dans la mondialisation néolibérale qui règne sans partage sur le monde depuis la chute du mur de Berlin à l’aube des années 1990. Les présidents élus démocratiquement n’échappent pas à la règle. Au Mali, par exemple, où les élections d’Alpha Oumar Konaré en 1992 puis d’Amadou Toumani Touré en 2002 ont été données en modèle à tout le continent, le constat dressé par l’ancienne ministre de la Culture de Konaré, Aminata Traoré, est limpide : « Si le droit de regard et de contrôle que les membres des sociétés civiles africaines voudraient exercer sur leurs dirigeants leur est contesté d’abord par les deux puissantes institutions de Bretton Woods, le torpillage au niveau local est laissé au soin des gouvernants |4|. »

Torpillage récompensé

La corruption est la récompense de ce torpillage. Les puissants tolèrent les détournements à cette fin. Ils les encouragent même, puisque les multinationales installées au Nord ont longtemps pu bénéficier de déductions d’impôts pour les sommes distribuées en dessous de table à des responsables étrangers |5|. La Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales n’existe que depuis novembre 1997, et n’est entrée en vigueur en France qu’en septembre 2000 |6|. Il fait guère de doute que le même mécanisme, devenu plus discret, existe toujours, continuant d’alimenter les campagnes électorales au Nord et les comptes secrets dans les paradis fiscaux.

Quel président d’un pays industrialisé ignorait que Mobutu était un dictateur corrompu ? Comment penser que le président de la Banque mondiale ou que le directeur général du FMI puisse ignorer que les peuples africains ne profitent en rien des richesses de leur pays ? Pourquoi les chefs d’État africains, dans leur grande majorité, perpétuent-ils le système actuel ? La corruption est-elle le facteur déterminant ? Pourquoi ne refusent-ils pas de rembourser la dette extérieure ? Comment un chef d’État digne de ce nom peut-il accepter de sacrifier à ce point le développement humain dans son pays si ce n’est justement parce qu’il y trouve son compte ?

A l’analyse, force est de constater que tout cela fait système. La dette, la pauvreté et la corruption sont imbriquées. La corruption n’est pas juste un délit commis par quelques brebis égarées dont il suffirait de se débarrasser. Elle est inhérente au système tel qu’il est devenu, qui conduit naturellement à l’accumulation de capitaux par les classes dirigeantes des pays du Sud, puis à leur évaporation en direction du Nord grâce à l’ingénierie des experts financiers et des banques privées. L’argent de la dette est un des principaux moteurs de cette pompe à finances si discrète, mais si efficace. Les dirigeants africains remboursent la dette parce qu’ils ont un intérêt personnel à ce que leur pays continue de rembourser. La corruption est l’huile qui permet au mécanisme de domination actuel de ne pas se gripper. La pauvreté en découle.

L’argument selon lequel l’annulation de la dette profiterait forcément aux dictateurs et aux corrompus en place ne sert qu’à protéger les corrompus : cette annulation couplée à des mesures drastiques de redistribution de la richesse permettrait de financer le développement sans recourir à l’endettement et, sous le strict contrôle des populations locales, de leurs organisations et de leurs parlements, permettrait enfin de lutter efficacement contre la corruption puisqu’elle en couperait le moteur principal. Et, en arrêtant l’hémorragie de capitaux, on lutterait beaucoup plus efficacement contre la pauvreté qu’en instituant des programmes d’aide qui sont juste palliatifs puisqu’ils ne remettent pas en cause les mécanismes qui génèrent la pauvreté.

Corruption, avantage comparatif nigérian...

Quelques chiffres et quelques exemples permettent de mieux appréhender le phénomène. Selon l’ONG Transparency International dans un rapport publié en juillet 2003, « pour le seul continent africain, l’étendue de la corruption se traduit par une ponction de 148 milliards de dollars par an sur l’ensemble de l’économie |7| ». C’est ainsi qu’un tiers du revenu moyen des Kenyans passe dans des dépenses liées à la corruption.

Le cas du Nigeria est emblématique. Premier producteur de pétrole africain, il a été dirigé entre 1993 et 1998 par un dictateur nommé Sani Abacha. Quand il était au pouvoir, Abacha exigeait notamment, lors de la passation des marchés publics, des commissions qui étaient versées sur les comptes d’hommes d’affaires complices à qui il demandait ensuite des versements ou des achats en sa faveur. La lumière se fait peu à peu. La société allemande Ferrostaal est suspectée d’avoir participé au système organisé par Abacha, tout comme la française Dumez, devenue filiale de la multinationale Vinci, qui aurait versé environ 8 millions de dollars. La multinationale états-unienne Halliburton, anciennement dirigée par Dick Cheney (vice-président de George W. Bush) et impliquée dans la reconstruction de l’Irak en 2004, est également soupçonnée de pots-de-vin au profit d’Abacha. Le montant des détournements d’Abacha pendant son passage au pouvoir est estimé à 5 milliards de dollars. Depuis son décès en 1998, des enquêtes ont été diligentées à la demande des autorités nigérianes. En septembre 2000, les autorités suisses ont miraculeusement retrouvé la trace d’environ 700 millions de dollars appartenant à Abacha, qu’elles ont accepté de rendre au Nigeria en plusieurs fois. En même temps, elles ont reconnu un « comportement défaillant » pour 12 banques dont le Crédit suisse et le Crédit Agricole Indosuez |8|. Les autorités britanniques, qui ont reconnu que leurs banques abritaient au moins 1,3 milliard de dollars, refusent pour l’instant de rendre l’argent à son véritable propriétaire : le peuple nigérian. Les sommes effectivement rendues pour le moment par le Royaume-Uni sont dérisoires.

Selon la Commission nigériane de lutte contre les crimes économiques et financiers, l’argent public détourné au Nigeria (y compris les rétro-commissions |9|) et placé à l’étranger est estimé à 170 milliards de dollars |10|. Mais il ne faut pas croire que ceci fut l’apanage du temps d’Abacha. Par exemple, la justice nigériane suspecte la multinationale française Sagem d’avoir versé près d’un million de dollars à sept hauts responsables nigérians en 2001 pour obtenir le marché des cartes d’identité infalsifiables, estimé à 214 millions de dollars.

Ailleurs les exemples ne sont pas vraiment différents... Dans le petit État du Swaziland, où la situation alimentaire est très précaire, le roi Mswati III a dépensé 1,2 million d’euros pour les cérémonies liées à son anniversaire ; il s’est offert la voiture la plus chère du monde, construite par DaimlerChrysler et vendue 500 000 dollars sans compter les accessoires, et a offert une BMW à dix de ses épouses. Cette seule dépense a représenté l’équivalent du salaire journalier de l’ensemble de la population active |11|. De Frederick Chiluba, ancien syndicaliste et ancien président zambien poursuivi par la justice de son pays pour des détournements, à Teodoro Nguema Obiang, fils du président de Guinée équatoriale et ministre d’État chargé des Infrastructures et des Forêts, qui s’est offert la première Rolls Royce du pays, les proches du pouvoir n’hésitent pas à profiter de leur situation pour s’accaparer les richesses de leur pays.

Hémorragie

On pourrait croire que la misère régnant en Afrique peut s’expliquer par le fait qu’elle ne produit pas suffisamment de richesses. Ce n’est absolument pas le cas. Ces richesses existent, mais elles ne restent pas sur le continent noir, elles le quittent sans lui profiter. On estime qu’en 1999, 70 % de la fortune privée nigériane était investie à l’étranger |12|. Selon l’UNECA, la fuite des capitaux est équivalente au PIB de l’Afrique subsaharienne et directement liée à la dette : « D’après des données récentes pour 30 pays, la fuite des capitaux au cours des 27 dernières années [1970-1996] a été d’environ 187 milliards de dollars. La fuite cumulée des capitaux, y compris les intérêts imputés, représentait à la fin de 1996 près de 274 milliards de dollars. L’Angola, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Nigeria et la République démocratique du Congo ont enregistré les fuites de capitaux les plus élevées. [...] D’après les données disponibles, pour chaque dollar emprunté par l’Afrique, près de 80 cents rejoignent la même année les capitaux en fuite, ce qui donne à penser que la dette alimente la fuite des capitaux. De plus, cette fuite augmente chaque année d’environ trois cents pour chaque dollar qui vient s’ajouter au montant de la dette extérieure. On peut en conclure que les pays africains ne bénéficieront à long terme des stratégies d’allégement de la dette, que si celles-ci sont accompagnées de mesures visant à éviter un nouveau cycle d’emprunts à l’étranger et de fuite des capitaux |13|. » Le montant total des capitaux d’origine africaine placés à l’étranger est donc supérieur à la dette extérieure de l’Afrique, estimée par la Banque mondiale à 220 milliards de dollars en 2003 |14|. Cela signifie d’un point de vue global que l’Afrique est créancière vis-à-vis du reste du monde ! C’est un comble pour le continent le plus pauvre, mais finalement l’aboutissement de la logique du capitalisme auquel on a laissé la bride sur le cou...

La fortune privée africaine est colossale à l’échelle du continent. Selon le Rapport sur la richesse dans le monde 2004 |15| des sociétés financières Merrill Lynch et Cap Gemini, sur les 7,7 millions de millionnaires en dollars que comptait le monde en 2003, 100 000 sont de riches Africains et le montant total de leurs actifs financiers est estimé à 600 milliards de dollars. C’est le triple de la dette extérieure publique africaine. Un impôt exceptionnel sur cette fortune serait parfaitement complémentaire de l’annulation totale de la dette extérieure publique...

Le schéma est donc en réalité le suivant : par l’exploitation de leurs compatriotes et des ressources naturelles du continent, une faible minorité d’Africains s’enrichit et place son argent au Nord. Les économistes du monde entier ont alors beau jeu de déplorer l’épargne insuffisante sur le continent, ce qui empêche tout développement financé par l’Afrique elle-même. Le recours qu’ils proposent est alors l’endettement extérieur, qu’ils érigent en mécanisme central de financement pour l’Afrique. Bien sûr, le remboursement de cette dette extérieure devient ensuite une priorité pour les créanciers dont les intérêts sont défendus par le FMI et la Banque mondiale. Quand un pays est sous contrôle du FMI, les investisseurs internationaux (parmi lesquels les riches Africains) acceptent alors de lui prêter. Par leur travail de chaque jour, les populations permettent à l’État de rembourser, participant alors à l’enrichissement des créanciers et à l’accélération de la paupérisation sur place. Pour lutter contre la pauvreté, les experts autoproclamés, Banque mondiale et FMI en tête, font donc totalement fausse route, puisqu’ils cherchent à financer le développement en Afrique avec des capitaux étrangers, parmi lesquels ceux captés par les élites africaines et placés à l’étranger. La seule solution juste pour le développement de l’Afrique est une véritable redistribution des richesses produites sur le continent. L’hémorragie de capitaux actuelle constitue bien une trahison financière de l’Afrique par les riches Africains.

Une baisse irrégulière des cours

La trahison commerciale, quant à elle, s’illustre par des règles commerciales inégales et des cours des matières premières très bas. La tendance à la baisse a été accentuée par les programmes d’ajustement structurel, qui ont accru la vulnérabilité économique, notamment en démantelant les systèmes de protection de l’économie locale et de régulation des cours. Selon la Cnuced : « Le libre-jeu des forces du marché associé à la libéralisation et à la déréglementation des prix a été promu en tant que mécanisme garantissant la répartition la plus efficace des ressources et des gains socioéconomiques. Le concept de stabilisation internationale des prix des produits de base a ainsi été sévèrement battu en brèche |16|. »

C’est ainsi qu’entre 1997, année de la grave crise économique survenue en Asie du Sud-Est, et 2001, les cours ont chuté en moyenne « de 53 % en valeur réelle [...]. Cela signifie que les produits de base ont perdu plus de la moitié de leur pouvoir d’achat par rapport aux articles manufacturés |17| ». Les chiffres de la Cnuced permettent d’ailleurs d’affirmer que l’Afrique subsaharienne est particulièrement dépendante de ces produits de base, fournissant 4,5 % des exportations mondiales de biens primaires, mais seulement 0,6 % de celles de biens manufacturés. L’instabilité des économies s’en trouve multipliée car les cours sur le marché mondial peuvent varier brutalement : « Pour l’Afrique plus que pour aucune autre région en développement, le fait de dépendre très largement des produits de base pour ses recettes d’exportation signifie que le continent demeure vulnérable aux aléas du marché et aux conditions météorologiques. L’instabilité des prix, principalement due à des variations brutales de la production et de l’offre, la baisse séculaire des prix réels des produits de base et son corollaire, la dégradation des termes de l’échange, ont été lourds de conséquences en termes de manque à gagner, d’endettement, d’investissement, de pauvreté et de développement |18|. » Les risques sont encore plus grands avec la spéculation financière qui s’est récemment déchaînée sur les marchés des matières premières : en effet, « en deux ans le poids des fonds communs de placement américains qui investissent sur les index des matières premières a été multiplié par vingt |19| »...

Un arabica très noir

Prenons l’exemple du café, production très importante en Afrique de l’Est. L’analyse dressée par Radio France Internationale (RFI) est éclairante sur l’abandon des producteurs de café suite à la libéralisation économique exigée par les institutions internationales et les dirigeants des pays les plus industrialisés : « Les prix du café à leur plus haut niveau depuis trois ans au mois de juin dernier. C’est le constat du Directeur exécutif de l’Organisation internationale du café Nestor Osorio dans son rapport mensuel. Les producteurs pourraient crier victoire et sabrer le champagne si les prix ne venaient pas de si bas. Il y a trois ans, les cours mondiaux du café étaient en effet à leur plus bas niveau historique et semaient la désolation dans les plantations en Afrique comme en Asie ou en Amérique latine. Depuis, le redressement est certain. Mais il est insuffisant pour garantir à tous les planteurs un revenu décent. Les seuls à s’en tirer correctement sont les grands torréfacteurs dont la part du gâteau n’a cessé de grossir. Depuis 1989 et la fin des accords internationaux qui limitaient les quantités exportables et stabilisaient les cours, la part du prix du café qui revient aux planteurs n’a cessé de décroître au profit des mammouths de la torréfaction, les Nestlé, Kraft, Sara Lee. Depuis quinze ans, il y a donc un transfert de richesses des pays producteurs, des pays du tiers monde vers les pays industrialisés. Pourtant, les mesures proposées par la communauté internationale pour y remédier sont homéopathiques. On essaie ici ou là d’apprendre à des paysans analphabètes comment spéculer sur le marché mondial. Ailleurs, on les pousse à abandonner le café pour des cultures aux débouchés des plus incertains. Il est admis que rien ne peut être fait qui aurait un impact immédiat et permettrait un redressement des cours. C’est la résignation générale. Les politiques ont oublié le mot volonté |20|. »

What ? Ouate...

En plus du cours des matières premières dérisoirement bas, des règles injustes sont imposées par les grandes puissances commerciales. Certaines sont dues à l’action de l’OMC, créée en 1995, qui impose partout où elle le peut des politiques de dérégulation économique forcenée, privant les pays en développement des quelques outils de protection de leur économie (comme par exemple les caisses de stabilisation des prix de certaines matières premières) qu’ils étaient parvenus à mettre en place. Les autres découlent de décisions unilatérales prises par les pays riches, qui subventionnent massivement leur agriculture (environ 300 milliards de dollars par an) et qui interdisent aux pays pauvres de faire de même. Toutes ces règles iniques ont été d’ailleurs dénoncées avec force lors du sommet de Cancun (Mexique) en septembre 2003, provoquant son échec.

Regardons l’exemple du coton, qui, pour plus de 10 millions de personnes en Afrique de l’Ouest, est la principale ressource de subsistance. Quatre pays africains dépendants de leur production de coton (Mali, Burkina Faso, Tchad, Bénin) ont décidé de prendre l’offensive dans ce secteur en dénonçant auprès de l’OMC les subventions des États-Unis et de l’Union européenne à leurs producteurs.

Le coton africain coûte moins cher à produire que le coton des États-Unis. A priori, on pourrait penser que le coton africain s’impose sur le marché mondial libéralisé et que le secteur du coton états-unien souffre... Mais près de quatre milliards de dollars de subventions annuelles de la part du gouvernement des États-Unis à ses producteurs (sans compter les subventions européennes aux planteurs espagnols et grecs, de l’ordre d’un milliard de dollars) ont maintenu les cours du coton artificiellement bas, et le coton africain, de haute qualité, doit être bradé... En 2002, le Brésil a porté plainte contre les États-Unis devant l’Organe de règlement des différends (ORD), sorte de tribunal de l’OMC. Le 18 juin 2004, l’ORD a jugé les subventions états-uniennes au coton illégales, et les États-Unis ont encore perdu en appel en mars 2005. Le risque est grand que la solution qui en sortira soit négociée entre le Brésil et les États-Unis, sans que les pays africains ne puissent peser dessus puisqu’ils ne sont que participants tiers dans le cadre de cette plainte.l

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