Le PCF en mai-juin 68 et après (par Paul Boccara, PCF)

lundi 16 juin 2008.
 

L’Huma est mon témoin : J’ai fêté le 13 mai 68 (et la page de l’Humanité du 16 mai 1968 à laquelle j’avais participé) par une interview le 13 mai 2008 sur la crise financière.

Nous continuons le combat ! Face aux présentations unilatérales de 68, je me limite ici à quelques éléments, négligés et même censurés aujourd’hui, des interventions des marxistes et communistes du PCF, pendant, avant et après 68

QUELQUES MOTS SUR « AVANT »

Sur le plan des idées

Le 15 novembre 1967, à la Mutualité, j’indique le début de la crise du capitalisme monopoliste d’État (CME). Cela vient après la Conférence internationale de Choisy-le-Roi de mai 1966 sur la théorie du CME, elle -même après le choc du XXè Congrès et du rapport dit secret de Khrouchtchev

D’où mon retour à Marx lui- même inachevé, à l’opposé du dogme marxiste-léniniste, dans mes articles de 1961 sur Le Capital. Cela percute le coeur critique de 68 : contre toutes les autorités, avec la charge anti-étatiste de la théorie du C M. E. et de sa crise, pour l’historicité. Dans L’Humanité du 22 mars 1968, à partir de la crise du CME, je note : « le coeur de la révolution technique qui commence est l’automation [....] il est possible que les hommes soient, progressivement évincés de la partie proprement matérielle de la production ...en allant de plus en plus vers des activités de type intellectuel. ». Mais sur la montée probable de formidables luttes nouvelles, je suis coupé.

Sur le plan social et politique

En juin 1967, création d’un groupe de travail entre le PCF et la FGDS pour des convergences, vers un programme

C’est notre bataille pour l’extension des nationalisations et leur gestion démocratique, l’insistance théorique sur la majorité salariale. Ces questions vont exploser en 68 Et pourtant, dans le numéro spécial mai 68 de l’Huma de 2008, sur « le débat intellectuel », la table ronde, les articles sur huit théoriciens etc., c’est le silence sur la théorie du capitalisme monopoliste d’État et de sa crise laquelle a marqué si fort le PCF et son intervention en 68. C’est l’insistance sur Althusser, absent en 68, alors que son « structuralisme » de la « reproduction » s’oppose directement à l’historicité du CME et de sa crise. Il le confirmera en 1978 dans « Ce qui ne peut plus durer dans le parti communiste », où à propos de la« théorie marxiste » dans le PCF, il ne parle, que de « la théorie » dite du CME, version française (adornée de considérations boccariennes sur la suraccumulation - dévalorisation du capital) de la théorie soviétique... fabriquée sur l’ordre de notre direction » ! (Le Monde 27 /04 /78)

QUELQUES MOTS SUR « PENDANT »

Université Nationalisations Gestions démocratiques

Le 13 mai, dans la soirée, je fais le tour des amphis de la Sorbonne, avec le même discours, qui commence par « Université critique », sa gestion démocratique, et termine par les « nationalisations » et leur gestion démocratique.

Dans L’Humanité du 16 mai, dans une page, intitulée « Transformer l’université », je déclare : « ce qui est en cause, c’est le régime... nous sommes contre l’État bourgeois. .. Il s’agit pour les étudiants et les enseignants de tenir constamment et de façon créatrice sous leur contrôle tous les aspects de l’université...la participation à la gestion..[Mais] le problème des crédits... lié ... à la structure économique et sociale, à la domination des monopoles capitalistes... [Pose] le problème de la nationalisation ».

Etudiants Ouvriers Salariés

Dans la même page je dis « on applaudit à la Sorbonne la jonction entre les luttes ouvrières et les luttes étudiantes... Le refus des étudiants de s’inscrire dans le système est fondamentalement sain...En insistant... sur le rôle prépondérant de la classe ouvrière, il ne s’agit pas du tout de contester l’importance de l’initiative des étudiants ...

« La majorité des étudiants... sont issus de catégories de salariés, des cadres et des techniciens...] qui ont une communauté de sort avec les ouvriers, eux aussi dépourvus des moyens de production... [Et] futurs salariés ».

Communistes/autres courants révolutionnaires/jeunesse et femmes Dans le même texte, je déclare : tout en allant dans le sens d’une aspiration révolutionnaire profonde généreuse, il faut veiller au risque de voir le mouvement dévier... quand Cohn-Bendit nous injurie, c’est la récupération par l’idéologie bourgeoise... céder à l’anticommunisme c’est être « récupéré » par la société bourgeoise ».

Cette dernière phrase, depuis « céder », va être inscrite sur bien des murs. Henri Fizbin, me dira, à son propos, que s’il y avait des droits d’auteur sur les mots d’ordre des murs, je serais millionnaire. Mais dans un débat en direction des chercheurs nous nous appuyons, pour nous démarquer de l’article de Georges Marchais, seul cité aujourd’hui, sur l’article de Roger Garaudy. À propos des étudiants, il déclarait « nous accueillons avec joie cette levée humaine... Il y a... convergence des aspirations des étudiants et de la volonté ouvrière ».

Plusieurs nous soutenons la montée difficile des revendications féministes. C’est dans la suite de 68, que j’interviendrai plus tard pour changer les statuts du PCF mettant à côté de l’émancipation de « l’exploitation » celle des « dominations ».

Salaire Inflation Interventions des travailleurs dans les gestions Gouvernement d’union démocratique

Dans l’Huma du 13 juin 68, après Grenelle et l’augmentation du SMIG, une page sur l’inflation contre la hausse des salaires. J’y précise une politique économique démocratique, les nationalisations, la démocratisation de la gestion pour les interventions des travailleurs. A l’issue du mouvement c’est la force des exigences du PCF d’un programme commun. Ce sera à la fois la récupération par le social-réformisme, mais aussi le débouché pacifique de la revendication de changer radicalement la société, à l’opposé du terrorisme gauchiste, comme en Italie, utilisé pour discréditer la révolution

QUELQUES MOTS SUR APRÈS ET DEMAIN

Programme commun et interventions des travailleurs dans les gestions Mitterrand va reprendre le discours anticapitaliste de 68, dans le congrès d’Épinay du PS en 1971, mais pour tourner de gauche le PCF afin de le dominer.

D’un côté, c’est, pour citer Hugues Portelli, dans Le socialisme français tel qu’il est de 1980, pour le PS, « la reprise de fait de la théorie du capitalisme monopoliste d’État, de la stratégie d’alliance anti-monopoliste. Cette référence se double, sur le plan culturel, d’une dépendance par rapport à la production « marxiste » du PCF » (ouvrage cité, p. 153). Mais d’un autre côté, c’est la déformation « structuraliste » de la théorie du CME, y compris dans le PCF, réduisant les transformations aux structures.

En 1977 j’insiste sur les interventions des travailleurs dans les gestions, bien plus importantes que la structure du nombre d’établissements nationalisés, puis élabore de nouveaux critères de gestion à partir de 1978.

Le rapprochement de toutes les catégories de salariés

Cette question est reprise en 1969, par l’opposition entre Marchais, qui insiste essentiellement sur la classe ouvrière, et Garaudy qui parle d’un bloc historique sans considérer l’importance de la différenciation dans le rapprochement. Je m’oppose aux deux , comme le secrétaire général du PCF Waldeck Rochet, qui parle de la lutte sur les deux fronts et dont l’intervention à la conférence fédérale de Paris fin 69 est censurée sur ce point dans l’Huma. Après que mai 68 ait mis en avant l’ouverture de l’université à tous les salariés, c’est la loi de 1971 sur la formation continue, qui va conduire jusqu’à ma proposition d’une sécurité d’emploi ou de formation, pour commencer à dépasser le salariat.

ANTHROPONOMIE ET CIVILISATION

L’insistance de 68 sur les dominations non économiques, va contribuer à mon travail fondamental sur l’anthroponomie, ou, tout récemment, sur une socialisation révolutionnaire des services publics, jusqu’à des services et biens publics communs de l’humanité


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