La dangereuse escalade d’Israël

vendredi 14 juillet 2006.
 

Plateforme des ONG françaises pour la Palestine (Ligue des Droits de l’Homme, MRAP, MIC, Enfants du Monde, CEDETIM, CCFD, CIMADE, Secours Catholique...)

Gaza vit sous la terreur. Une invasion militaire israélienne de grande ampleur se déploie sur le nord du territoire, sur lequel des centaines d’obus s’abattent déjà quotidiennement depuis des mois. Dans la chaleur suffocante de ce début d’été, la moitié de ses 1,4 millions d’habitants est privée d’électricité, d’eau potable, de système d’assainissement depuis la destruction, par l’armée israélienne, d’une centrale électrique le 27 juin dernier.

Après l’enfermement, le chômage forcé, les sanctions économiques, une pauvreté massive, les affrontements entre factions, les Gazaouis subissent donc un nouveau et invivable calvaire.

La raison d’un tel déchaînement de violence ? Le gouvernement israélien invoque l’enlèvement du caporal Gilad Shalit.

Après avoir mené depuis des années des exécutions « ciblées » qui tuent plus de civils que de personnes directement visées, justifié des consignes de tirs laxistes qui ont coûté la vie à des centaines d’innocents, après avoir exposé toute une génération de jeunes appelés israéliens aux amères et traumatisantes réalités de la guerre pour perpétuer une occupation illégale et dominer un peuple, l’armée israélienne se dit aujourd’hui prête à tout pour sauver un seul homme. Sauf à négocier !

Certes, la situation de ce jeune soldat et de sa famille est une tragédie. Mais c’est le propre des situations tragiques que d’engendrer des tragédies. Des milliers de Palestiniens et d’Israéliens ont perdu la vie depuis septembre 2000, des dizaines de milliers ont été blessés. Quelque 8 000 Palestiniens sont prisonniers en Israël, dont 350 enfants et adolescents, et dont 900 sont détenus arbitrairement et sans procès, au mépris de toutes les règles de droit international. Toutes ces tragédies doivent cesser, et pour cela c’est l’occupation qui doit cesser.

Mais dans l’immédiat, c’est le sort du caporal Gilad Shalit qui préoccupe le gouvernement israélien. Qu’importe si 1,4 millions de personnes doivent vivre un enfer dans ce territoire-prison, en violation du droit humanitaire international et de la 4ème Convention de Genève qui oblige la puissance occupante à protéger, en toutes circonstances, la vie des civils.

Mais pour l’armée israélienne, l’enlèvement d’un militaire est évidemment le prétexte à une opération programmée pour réduire des groupes armés palestiniens qui continuent d’y opérer pour faire de la bande de Gaza la base arrière d’opérations en direction d’Israël. Mesure partielle et unilatérale, le retrait d’août 2005 ne pouvait guère produire d’autres résultats.

Le gouvernement israélien clame qu’il ne trouve pas de « partenaires pour la paix ». Mais il refuse depuis des années de donner suite aux demandes répétées de négociation des dirigeants palestiniens. À présent, il se donne comme objectif proclamé d’évincer le gouvernement issu du Hamas. Que nous ne partagions pas le projet politique du Hamas n’est pas le sujet.

La question est : qu’a-t-on à substituer à un gouvernement issu d’un processus démocratique exemplaire ?

Pour une paix dont le gouvernement israélien impose seul des termes à des Palestiniens qui n’ont d’autre choix que d’endosser et de faire accepter à leur opinion, pour une paix qui jette les réfugiés aux oubliettes de l’Histoire, qui sacrifie l’aspiration des Palestiniens à faire de Jérusalem-Est la capitale de leur État, qui néglige le besoin d’une continuité territoriale nécessaire à un État viable, il n’y aura effectivement pas de partenaires. Cette stratégie est d’autant plus aberrante que la nature de la situation créée par le vote du 25 janvier, plus protestataire que véritablement radical, ne se laisse pas réduire à la caricature.

Le Hamas a certes eu recours au terrorisme, mais il a conclu une trêve qu’il respecte depuis un an et demi. Conscient de la relativité et de l’ambiguïté de la majorité qui l’ont porté au pouvoir, il n’a pas cherché la surenchère. Mieux, il a fini par accepter la plateforme politique, proposée par les prisonniers, qui prévoit l’arrêt des attaques contre les civils et entérine l’option d’un règlement sur la base de deux États dans les frontières de 1967. Un progrès indiscutable dans la perspective d’une recomposition du paysage politique palestinien.

En ignorant délibérément ce progrès, pire en rendant l’option d’une évolution vers une position de dialogue irrecevable aux yeux d’une portion croissante de l’opinion palestinienne, cette opération militaire est non seulement une violation du droit humanitaire, mais aussi un crime contre la paix et une insulte à l’avenir.

Combien de fois faudra-t-il que nous dénoncions une stratégie militaire, une vision sécuritaire à courte vue qui finissent par provoquer les dangers qu’elles prétendent éviter ?

Face à cette logique tragique, le gouvernement israélien pourra plaider le partage des responsabilités. Avec les États-Unis, qui ne voient la situation qu’à travers le prisme de la lutte contre le terrorisme que leur stratégie au Moyen-Orient aura largement contribué à exacerber. Avec l’Union européenne qui n’ose se démarquer de la conception de la puissance et de la sécurité que répand l’hégémonie de Washington sur les relations internationales, et en vient à réduire la question palestinienne à ses aspects purement humanitaires.

Elle a pourtant les outils politiques qui lui permettent de contraindre l’Etat d’Israël à se conformer au droit international (notamment l’accord d’association, dont l’application est conditionnée au respect des droits de l’Homme et du droit international).

Il est temps de passer de la logique de la force à celle du droit. De rappeler que seuls les principes d’égalité et de justice pourront servir de base au règlement d’un conflit dont les données politiques se dégradent au fur et à mesure que progresse l’unilatéralisme israélien.

De rappeler, avec les moyens de pression dont dispose la diplomatie internationale, que le gouvernement israélien a la nécessité absolue de négocier. Sans autre option possible.

Signataires pour la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine :

1. M. Bernard Ravenel, Président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine et de l’Association France Palestine Solidarité

2. M. Mouloud Aounit, Président du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples)

3. Mme Danielle Bidard, Présidente de l’association "Pour Jérusalem", Sénateur Honoraire, ancienne Vice-Présidente de la Commission des Affaires étrangères du Sénat

4. Mme Maria Biedrawa, Co-présidente du Mouvement International de la Réconciliation

5. M. Emmanuel Charles, Président de Ritimo

6. M. Bernard Constantin, Président d’Enfants du Monde-Droits de l’Homme

7. M. Bernard Dréano, Président du Cedetim

8. M. Jean-Pierre Dubois, Président de la Ligue des Droits de l’Homme

9. M. Joël Thomas, Président du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement)

10. M. Michel Flament, Président du Collectif judéo-arabe et citoyen pour la paix-Strasbourg

11. M. Gustave Massiah, Président du CRID

12. M. Patrick Peugeot, Président de la Cimade

13. M. Jean-Pierre Richer, Président du Secours Catholique-Caritas France

14. M. Philippe Valls, Président d’Enfants Réfugiés du Monde

Publié dans Libération du 11 juillet 2006


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