VERS UNE DÉMOCRATIE À L’ÉCHELLE PLANÉTAIRE !

dimanche 4 décembre 2005.
 

L’interdépendance de toutes les sociétés humaines est le fruit de l’évolution sociale générale et de la mondialisation capitaliste. Celle-ci a imposé, de façon universelle, la loi de la marchandisation et la régulation par les marchés financiers.

Elle les a accompagnées d’un ordre politique reposant sur le déclin des États - du moins les plus faibles - et sur la croissance d’organisations prônant partout des solutions ultralibérales : FMI, Banque mondiale, G8 à l’échelle planétaire ; Commission et Banque centrale européenne à l’échelon continental. C’est cette logique, couplée à l’expansion d’un néo-impérialisme « atlantique », qui produit l’instabilité de notre monde.

On ne la surmontera ni par la tutelle militaire d’une super-puissance, ni par la concentration des pouvoirs de quelques « Grands », encore moins par l’organisation tentaculaire de quelques multinationales. Il faut créer au contraire les conditions d’une démocratie élargie, qui donne aux peuples, jusqu’à l’échelle planétaire, la pleine maîtrise de leurs choix.

Les communistes ne partagent pas les conceptions « souverainistes » qui voient la nation comme l’horizon ultime de toute organisation sociale et veulent en faire un rempart frileux - et d’ailleurs fragile - contre les autres peuples. L’élargissement des enjeux communs à toute l’humanité leur paraît exiger d’aller vers des formes politiques et institutionnelles faisant vivre la démocratie à tous les niveaux possibles, jusqu’à celui de la planète tout entière. Ce projet d’une démocratie à l’échelle du monde est à l’opposé du rêve ultra-libéral d’une gouvernance mondiale qui laisserait le champ libre aux multinationales, organiserait un monde universellement dominé par les logiques marchandes et les pouvoirs de la finance, et réduirait les nations, voire les régions à la gestion étriquée du « local ».

Des formes inédites de démocratie zonales voire mondiales ne peuvent se construire qu’à partir de la réalité des communautés politiques vivantes. Les nations ont favorisé l’émergence des peuples comme acteurs politiques et permis d’élargir à une échelle déjà très grande la capacité des êtres humains à s’organiser démocratiquement. Elles constituent des cadres essentiels de structuration des communautés humaines et d’organisation de la démocratie, et des points d’appui décisifs pour lutter contre le capitalisme financiarisé et mondialisé. Les absolutiser au point d’ignorer la nécessité de constituer les ensembles supranationaux en espaces de démocratie politique serait faire preuve d’une dangereuse cécité. Mais, au nom de la suprématie des enjeux continentaux et planétaires, ignorer ce qu’elles recèlent encore de dynamique citoyenne serait une impasse tragique.

C’est à toutes les échelles de territoire, en respectant leur spécificité et en pensant leur interdépendance, que se construit un authentique projet démocratique mondial. Partout, à rebours des normes libérales et technocratiques, ce sont les mêmes valeurs, les mêmes méthodes, les mêmes logiques institutionnelles qu’il faut faire prévaloir. Une Vie république en France, une République citoyenne et solidaire, sont impensables sans avancées vers de véritables communautés démocratiques en Europe et dans le monde.

I. Civiliser et démocratiser les relations internationales

1. La réforme radicale du système des Nations Unies

L’exigence de co-responsabilité du devenir de l’humanité implique de dépasser les rapports de domination et d’aller vers de nouveaux équilibres fondés sur l’intérêt commun, l’échange et la coopération.

La prévention des guerres et le règlement pacifique des conflits, le respect des droits et des libertés individuels et collectifs, la satisfaction des besoins essentiels et la justice sociale, la lutte contre les discriminations de tous types, la maîtrise par chaque collectivité de son avenir : telles sont les bases d’un ordre international solidaire.

En toute circonstance doit s’affirmer la primauté du droit international fondé sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des Nations Unies. Le respect des droits économiques, sociaux ou politiques, individuels ou collectifs, est la seule manière de se dégager de la double régulation par la concurrence ou par les rapports des forces entre puissances. Les droits seront garantis par la puissance publique (les institutions internationales et les États) et ils seront justiciables et d’application directe devant les tribunaux. Le droit international ne peut en aucune manière être subordonné au droit des affaires. Une nouvelle Charte devrait être en ce sens rediscutée autour de la Déclaration universelle des droits. Par ailleurs, une Cour internationale des droits de la personne sera instituée et le champ d’action du Tribunal Pénal International sera élargi.

L’ensemble des institutions onusiennes sera démocratisé. Les pouvoirs de l’Assemblée générale seront renforcés, pour l’instituer en Assemblée délibérative réelle, exerçant son contrôle sur les instances exécutives. À côté d’elle, sera instituée une Assemblée des parlements nationaux. Le Conseil de sécurité sera transformé en augmentant le nombre de ses membres, en généralisant le principe de rotation et en supprimant le droit de veto, qui donne aux cinq membres permanents un pouvoir exorbitant renvoyant à une époque résolument périmée.

Des instances d’arbitrage et de recours seront mises en place, notamment un Conseil de médiation, placé sous l’autorité du Secrétaire général. Elles concernent autant la régulation économique et sociale que la prévention et le règlement des conflits. Elles sont ouvertes à l’intervention des associations citoyennes, précisent les compétences universelles des tribunaux nationaux, définissent les modalités et les limites de la mondialisation des juges. Elles fondent les possibilités d’une intervention internationale sur le principe de subsidiarité qui respecte la souveraineté des peuples. Elles permettent de lutter contre l’impunité.

Le rôle des citoyens sera ainsi renforcé, sur l’ensemble des domaines qui dépassent l’échelle nationale. Par exemple, le rôle du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC) sera élargi, en y revalorisant la participation des forces politiques, des parlementaires nationaux et des ONG. Un droit d’initiative sera instauré en faveur des sociétés civiles, auquel les institutions internationales seront tenues de répondre dans les formes appropriées.

2. En France, il sera mis fin au « domaine réservé »

Pour très longtemps, sans doute, les États demeureront les principaux acteurs des relations internationales. La transparence et le contrôle démocratique des politiques étrangères, comme de l’intervention des États dans les institutions internationales, constituent donc des enjeux essentiels. Malgré de timides évolutions, liées notamment au développement conjoint de l’information et de courants d’opinion à l’échelle internationale, avec les ONG, la réalité reste l’opacité de mécanismes de décisions concentrés entre les représentants des exécutifs de quelques États.

En France, la politique étrangère reste le domaine réservé de l’exécutif. Le Parlement n’est que rarement associé, encore moins les citoyens. La construction européenne, par exemple, en tout cas jusqu’au débat national qui a accompagné le référendum sur le traité de Maastricht, s’est faite selon la « méthode Schuman », par la politique de l’engrenage et des faits accomplis : le débat public n’intervenant qu’après que les décisions aux implications lourdes aient été prises. Caricaturale, l’opacité complète de la « politique africaine » de la France a permis le développement de pratiques qui relèvent plus du brigandage et de la mafia que de la démocratie. La participation de notre armée à la guerre du Kosovo n’a même pas fait l’objet d’un vote. Depuis quelques années, le débat public s’est élargi avec la montée de la contestation antilibérale, par exemple autour de l’AMI, puis de l’OMC, jusqu’à peser directement sur les décisions. Il est donc possible de s’appuyer sur un mouvement citoyen en plein développement pour aller dans le sens d’une démocratisation des choix de politique étrangère de notre pays. Elle pourrait avoir pour objectif :

Un plus grand pouvoir du Parlement sur la définition des objectifs de politique étrangère. Comme la politique de défense (lois de programmation pluriannuelle), ils pourraient faire l’objet de débats d’orientation systématiques en séances publiques. Les prises de positions de la France dans les instances et institutions internationales (ONU, FMI, etc.) pourraient en outre faire l’objet d’un mécanisme de contrôle parlementaire.

L’intervention active de la société civile à l’élaboration et au contrôle de la politique étrangère française par la création d’un Haut Conseil sur la sécurité internationale et la coopération qui, comme le Conseil économique et social, associerait des représentants des forces sociales et politiques.

L’utilisation élargie du référendum à la veille des grandes négociations internationales, ou pour ratifier les principaux traités internationaux.

II. L’ambition historique d’une souveraineté et d’une citoyenneté européennes

La bataille du non à la Constitution européenne a montré qu’il était désormais possible d’envisager une construction européenne qui tourne le dos à la domination ultralibérale et à la méthode technocratique. Ainsi se dessineraient les contours d’une autre Europe, sociale et démocratique, qui fonderait sur des bases plus solides l’union politique nécessaire de tous les peuples d’Europe.

Dans cette perspective, les communistes se sont exprimés à plusieurs reprises par leur réflexion et propositions, soit directement, soit par leurs représentants au Parlement européen. Ils ont fait leurs les propositions communes qui se sont dégagées, notamment, les Propositions pour une relance européenne élaborées pendant la campagne référendaire. Nous réaffirmons aujourd’hui notre attachement à ce cadre commun, à l’intérieur duquel nous exprimons nos propres propositions.

1. Nous soutenons le volet proprement institutionnel des mesures alternatives proposées en mai 2005

Il prévoit notamment que, une fois repoussé le traité constitutionnel comme l’ont voulu les électeurs français, un vaste débat s’engage qui devrait déboucher sur l’adoption de deux traités. L’un porterait sur les grandes lignes d’une politique économique et sociale affranchie de son carcan libéral. L’autre mettrait en forme de nouvelles propositions institutionnelles ; il serait soumis à ratification par voie de référendum.

Dans les deux cas, c’est une nouvelle Charte des droits qui serait placée au cœur de la construction commune. Démocratiquement élaborée, l’application de cette Charte serait impérative dans tous les territoires de l’Union. Elle se fonderait sur trois principes, que la Charte adoptée en 2000 ne satisfait en aucune façon :

La recherche de normes communes doit conduire l’Europe à rechercher une convergence par le haut, permettant un renforcement des protections juridiques accordées aux travailleurs, et non pas à s’aligner sur le plus petit dénominateur commun aux législations nationales.

Le principe de non-régression doit le garantir : aucune mesure européenne ne pourra remettre en cause les droits sociaux et fondamentaux reconnus par telle ou telle législation nationale.

La coopération, la solidarité et la définition démocratique des besoins et des droits sociaux doivent, seules, être des objectifs et des normes supérieures de l’Union. Ni la concurrence ni le libre-échange n’occuperont cette place prépondérante.

Sur cette base, l’Europe peut offrir le modèle d’un système politique capable d’assurer, à toutes celles et ceux qui résident sur son sol, les droits à la liberté et à l’égalité. Le respect et l’extension de la souveraineté populaire, la suprématie de l’intérêt général des populations européennes sur les logiques privées des marchés sont la clé de ce renouvellement. Tout ce qui s’y oppose - droits bridés, citoyenneté limitée, représentation affaiblie ou faussée - sera écarté. Le droit à la justice et à l’implication citoyenne fonderont les institutions de l’Union, de façon à faire de celle-ci une authentique communauté politique, de citoyennes et de citoyens libres et responsables.

Il est ainsi possible d’aboutir à un autre fonctionnement des institutions européennes en affirmant les principes suivants : donner des pouvoirs réels aux citoyennes et aux citoyens, élargir les procédures de contrôle et d’intervention, préciser les compétences en respectant les principes de subsidiarité et de réversibilité, transformer le fonctionnement de l’Union.

Ces principes pourraient s’exprimer notamment de la manière suivante :

Le respect d’une nouvelle Charte des droits est une condition fondamentale d’appartenance à l’Union. Un État qui décide de tourner le dos à ces principes tend à se placer de lui-même en dehors de l’Union.

La référence religieuse ne peut en aucun cas être tenue pour un patrimoine commun et une dimension constitutive de l’Union. La tradition démocratique, seule, peut être placée au cœur de la vie commune.

L’Union européenne respecte donc le principe de laïcité, notamment par une stricte séparation avec les institutions religieuses.

L’exercice de la citoyenneté européenne sera élargi. Une citoyenneté de résidence permettra à tous les résidents, quelle que soit leur origine et selon des conditions identiques quel que soit l’État membre où ils sont établis, de bénéficier des mêmes droits civiques que les ressortissants de l’Union.

Les pouvoirs du Parlement européen seront renforcés. Les dispositions qui limitent son pouvoir législatif seront abrogées en matière d’initiative des lois et de budget. Il contrôlera l’exécutif et la Banque centrale européenne. Sa coopération avec les Parlements nationaux sera développée.

Le respect strict de la subsidiarité permettra de fonder sur d’autres bases le rapport des États et de l’Union. Appuyée sur une réorientation profonde de la politique économique et sociale, la répartition des compétences pourra s’opérer sur des critères sociaux et environnementaux radicalement différents de ceux qui ont prévalu jusqu’alors. Dans ce cadre, sera retenue la modalité qui assure le respect maximal des droits.

Dès l’instant où elle sera fondée sur une pleine souveraineté populaire, la règle européenne deviendra la norme commune de toute l’Union. En attendant, en cas de désaccord persistant avec un État, seul le suffrage universel dans le pays concerné peut décider la non-application d’un acte européen.

Les prérogatives de la ou des instances exécutives seront encadrées. Ainsi, l’exécutif ne pourra pas disposer des pouvoirs excessifs qui sont aujourd’hui attribués à la Commission en matière de « politique de la concurrence » et de négociation internationale. Son champ d’action sera limité et soumis au contrôle parlementaire. Il doit rendre des comptes de son action devant le Parlement.

Il faut en finir, non pas avec le rôle nécessaire des États dans la construction européenne, mais avec la pratique d’instances de décision complètement opaques et coupées des citoyens, sinon des parlementaires européens eux-mêmes. La conception traditionnelle de la « coopération intergouvernementale » au sein du Conseil sera ainsi dépassée. Pour cela, l’implication directe sous toutes les formes des acteurs sociaux, des citoyens et des élus doit être favorisée, largement en amont des décisions prises. Les expériences de la démocratie participative seront développées à cet effet.

L’accès à l’information et l’exercice du pluralisme seront renforcés. La constitution de citoyens en associations, leurs possibilités d’expression et le pluralisme seront matériellement encouragés. Toute demande venant d’au moins un million de citoyennes et de citoyens sera obligatoirement examinée par les institutions européennes.

Le rôle des parlements nationaux sera renforcé. Un débat d’orientation doit être organisé chaque année sur la politique européenne, ainsi que sur les mandats confiés aux gouvernements et sur les positions qu’ils seraient amenés à prendre.

Contrairement aux dispositions de l’actuel projet, en aucun cas l’Otan ne doit être considérée comme une institution européenne.

Le traité fixant le fonctionnement des institutions pourra être révisé. La majorité qualifiée suffira pour procéder à une révision. Toute modification substantielle sera ratifiée par un référendum.

Les évolutions institutionnelles nécessaires ne se feront pas en un jour. Elles résulteront de l’expérience accumulée et d’un débat démocratique permanent, sans lequel il ne sera pas possible de réaliser la marche vers une pleine souveraineté européenne. C’est pourquoi nous plaidons pour une conception évolutive des institutions. On ne doit surtout pas, comme le fait le projet constitutionnel, figer leur dispositif, en rendant presque impossible la procédure d’une révision institutionnelle, et en mettant celle-ci à l’abri des citoyens.

2. Dans ce cadre commun, nous formulons plus particulièrement les propositions suivantes :

Un million de citoyens européens peut demander l’ouverture d’une procédure de révision constitutionnelle. Le Parlement européen, à la majorité de ses membres, décide de cette ouverture. Dans les mêmes conditions, les citoyen-nes peuvent demander la ratification par référendum des modifications proposées.

Pour faire avancer l’Union tout en respectant les droits des nations, nous suggérons que certains domaines devraient faire totalement exception à la règle et continuer d’être régis par la règle de l’unanimité, notamment la politique extérieure et de sécurité commune. Dans les domaines régis par la règle de la majorité qualifiée, certains secteurs précis pour lesquels le passage de la règle de l’unanimité à celle de la majorité qualifiée ouvrirait de fait la voie à une fuite en avant libérale, continueraient de relever de la règle de majorité : par exemple, pour les négociations internationales en matière de services touchant à l’éducation, à la santé et à la culture.

Pour créer les conditions de l’implication des citoyens de chaque nation dans les décisions européennes, nous suggérons entre autres de revaloriser les prérogatives du Comité économique et social européen, ainsi que du Comité des régions d’Europe. Aujourd’hui purement consultatives, ces deux instances ne permettent pas aux syndicats, associations ou élus locaux et régionaux qui les composent d’influer sur le cours de la politique européenne. On pourrait, dans ce sens, leur donner un droit de suspension d’une décision communautaire pour permettre, le cas échéant, une consultation suffisante ou l’examen d’une proposition alternative.

Pour renforcer les droits des institutions démocratiques nationales, nous suggérons que le Parlement français se voit reconnaître le droit de donner un mandat d’orientation aux ministres chargés de participer à des négociations au Conseil des ministres européens, ainsi que de s’en faire rendre compte. D’autre part, la coopération entre les Parlements nationaux des différents pays européens pourrait être renforcée jusqu’à constituer, le cas échéant, une institution permanente chargée, notamment, de veiller à ce que les décisions soient prises au plus près des citoyens (respect de la « subsidiarité »).

Par ailleurs, un Conseil consultatif national sur la politique européenne de la France pourrait être mis en place. Les représentants du mouvement social -organisations syndicales, mouvements associatifs, élus locaux et régionaux -y retrouveraient au moins une fois par an les élu(e)s français(es) au Parlement national et au Parlement européen pour une concertation sur les grands dossiers européens à venir, ainsi qu’une évaluation des politiques déjà engagées -telle que la libéralisation des services publics. Cette session serait systématiquement suivie par un débat au Parlement national pour en tirer les conclusions politiques.

Pour développer les droits d’intervention des acteurs sociaux et des citoyens, nous suggérons le développement de droits nouveaux des salariés des entreprises, par une profonde révision des directives sur « l’information et la consultation des travailleurs » ainsi que celle sur « le comité d’entreprise européen » ; par l’introduction dans « le statut de la société européenne » d’obligations précises en matière de droits d’intervention des salariés et de leurs représentants. L’un de ces droits significatifs devrait être celui de suspendre un plan de restructuration pour permettre l’élaboration et l’examen de solutions alternatives.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message