Message à Jacques Serieys en Réponse à l’article Lycéens en mai 68 en Aveyron (par MARCELLIN)

lundi 26 mai 2008.
 

Bonjour Jacques !

Et non, Jacques, je ne garde pas le même souvenir que toi, de ce mois de mai 68. Pas même un brin de nostalgie. Mais je te comprends, tant tu étais engagé dans un mouvement que nombre d’ados - et d’adultes aussi - ressentait alors comme l’amorce d’une révolution qui allait changer durablement la société. Mais sans savoir précisément comment et pourquoi.

Pour ce qui me concerne j’ai vécu cette période comme une sympathique chienlit ( !) qui a viré rapidement en un gâchis personnel. J’ai le souvenir d’une manif remontant l’avenue Victor Hugo, toi en tête, vêtu de ton éternelle chemise à carreaux, des insultes ("CRS, SS") proférées au malheureux agent de ville réglant la circulation ; je me souviens de cette soirée dans un cinéma de la ville où se produisait le chanteur Serge REGIANI, avec en première partie une chanteuse à la voix grave et unique - EVA, si j’ai bonne mémoire- chantant GOTTINGEN. Et toi d’interpeller l’artiste en le priant de prendre position sur le mouvement. Et lui de te rétorquer que, jeunes cons en culottes courtes, nous ignorions tout de la vie. Et de nous renvoyer à nos chères études... Et tous ces discours, ces mots d’ordre et autres harangues où mille mots en "ion" rimaient avec "révolution"... Et enfin le lycée qui ferme et nous voilà priés d’aller préparer le bac chez papa et maman ! La cata pour moi, pauvre petit lycéen, démuni que j’étais de la plupart des manuels scolaires. Des manuels que j’ empruntais jusqu’alors à mes camarades compréhensifs.

On dit que la cuvée 68 du bac, fut exceptionnelle. C’est sûr, les évènements favorisant nombre d’entre nous et les examinateurs faisant preuve de la plus grande mansuétude. En tout cas pour moi ce fut un véritable gâchis. Isolé dans ma campagne profonde, je me trouvais dans l’impossibilité matérielle de réviser et me présentais à l’examen dans les pires conditions. Et je me souviens encore de l’incompréhension de certains examinateurs face à mes silences. Aujourd’hui encore, il m’arrive de revivre cet examen en cauchemar. Si, si ! Alors, la nostalgie de mai 68...

Prétendre que les évènements de 68 ont contribué favorablement à l’évolution des moeurs et de la société en général, j’en doute même si les acteurs de ces évènements et ceux s’en réclamant, le proclament. Je suis même persuadé du contraire, et j’ai pu tout au long de ma vie d’adulte le vérifier. Mais je ne vais surtout pas embrayer ici sur ce sujet trop polémique.

Qu’as-tu fais de ta vie ? me demanderas-tu, Jacques. Lycéen en terminale en mai 68, j’étais parfois surnommé... MARCELLIN !!! Avec un tel sobriquet, quelle profession pouvais-je bien embrasser ? En tout cas, l’exerçant comme un sacerdoce - excuse du peu -, je pense avoir, à ma modeste place, contribué à ce que Justice soit rendue à nombre de victimes, souvent de modestes conditions. Et de toute façon, j’ai servi mon prochain autant - et peut-être plus efficacement- que nombre de soixantehuitards aux idées très généreuses !

Ceci dit, c’est avec des sentiments assez étranges que je t’ai retrouvé et lu, Jacques. Même si nous n’étions pas très proches camarades, même si des idées très éloignées ont guidé nos vies respectives, je constate avec satisfaction que tu es resté en accord avec celles généreuses qui guidaient ton action de lycéen en ce mois de mai 68. Et rien que pour ça, je te salue bien bas et te dis mon estime.

Bye Nap.

MARCELLIN


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