Non au hold-up sur les retraites ! Halte au catastrophisme (ATTAC)

jeudi 22 mai 2008.
 

L’allongement de la durée de cotisations a déjà provoqué une baisse considérable des pensions. La pauvreté est de retour chez les personnes âgées. Victimes de carrières incomplètes, interrompues lors des maternités et de l’éducation des enfants, les femmes sont les plus touchées.

Les salariés sont contraints de travailler plus longtemps pour avoir une retraite complète, pendant que les entreprises les licencient fréquemment bien avant la soixantaine. En outre, le gouvernement envisage de ne plus les dispenser de rechercher un emploi après 57 ans et demi, et donc de les priver de leur droit aux allocations chômage.

Pourquoi ces réformes régressives ?

L’objectif est, malgré l’accroissement de la richesse produite, de réduire l’ensemble de la masse salariale, incluant les cotisations sociales, pour le plus grand bénéfice des actionnaires. Après avoir réussi à bloquer les salaires directs, c’est le niveau des retraites qui est maintenant visé.

Le Medef veut même aller plus loin : reculer l’âge de la retraite à 62 ou 65 ans pour empêcher ceux qui ont commencé à travailler tôt de faire valoir leurs droits à 60 ans, même en ayant la durée de cotisation requise. Quant aux discussions sur la prise en compte de la pénibilité, elles s’enlisent, et le pire se prépare si les quelques avantages dont bénéficient les femmes sont supprimés.

Le but est également d’ouvrir le champ des retraites et de toute la protection sociale aux compagnies d’assurance et aux fonds de pension privés. Dans la période de financiarisation de l’économie mondiale, les marchés financiers sont avides d’épargne pour participer aux gigantesques restructurations de l’économie qui se soldent par la précarité, le chômage et les inégalités. Moins de protection sociale, assurance maladie et retraites, c’est moins de richesse mutualisée, socialisée, et c’est au contraire plus pour alimenter la finance mondiale. Avec, au bout du compte, la certitude d’une bulle spéculative qui, lorsqu’elle éclate, menace l’économie productive.

Les retraites : un choix de société

Le 22 mai, nous dirons non aux retraites réduites et aux retraites confiées à la finance. Car la capitalisation est un leurre et une escroquerie. Un leurre, parce que la finance ne crée pas de richesse supplémentaire pour des retraités plus nombreux. Une escroquerie, parce qu’on ne peut jouer les retraites à la Bourse et les soumettre aux caprices de la spéculation.

Le 22 mai, nous dirons oui à un partage équitable des richesses grâce à une protection sociale de haut niveau. Ce partage est possible et le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) l’a démontré. Le besoin de financement supplémentaire des retraites, si l’on reste à 40 ans de cotisations, sera de 1,3 % du PIB en 2020 et de 2,3 % en 2040. Cet accroissement est dérisoire au regard de ce que sera le PIB et de ce que représentent déjà aujourd’hui les exonérations de cotisations patronales (1,4 % du PIB en 2007).

Nos propositions

* Maintien de la retraite à 60 ans et retour aux 37,5 ans de cotisation. Départ plus précoce en cas de travaux pénibles ou d’annuités requises obtenues.

* Indexation des retraites sur les salaires (et non sur les prix), eux-mêmes indexés sur la productivité du travail.

* Taux de remplacement moyen de 75 % du salaire, avec une modulation allant de 60 % pour les très hauts salaires à 100 % au niveau du SMIC (pas de pension inférieure à celui-ci).

* Le financement de ces propositions est possible. En rééquilibrant le partage de la valeur ajoutée, on mettrait fin à un détournement de 8 points de PIB au bénéfice des actionnaires et de la finance, qui dure depuis un quart de siècle. La hausse progressive des cotisations sociales au fur et à mesure des besoins est parfaitement envisageable, soit en augmentant le taux de cotisations patronales, soit en élargissant l’assiette des cotisations, parallèlement à la baisse des dividendes. Ce nécessaire rééquilibrage pourrait être favorisé et amplifié dès lors qu’il se mettrait en œuvre au niveau de l’Union européenne.


Retraites : halte au catastrophisme !

Ces dernières semaines, le conflit autour des régimes spéciaux a relancé le débat sur l’avenir des retraites. Présentées au nom de l’équité, les mesures du gouvernement visent à appliquer aux salariés des régimes spéciaux celles prises contre les salariés du privé et contre les fonctionnaires, comme si une injustice pouvait être supprimée en la généralisant.


Ces mesures ont d’abord aggravé les inégalités pour toutes les personnes aux carrières heurtées. Les femmes, qui ont déjà des pensions en moyenne inférieures de 40 % aux hommes, sont particulièrement touchées par l’allongement de la durée de cotisation et par les effets très pénalisants de la décote. En effet, à ce jour, seulement 39 % des femmes retraitées ont pu valider 37,5 ans contre 85 % des hommes. Sont touchés d’une manière générale les chômeurs, précaires, petits boulots, temps partiels, et les jeunes générations qui débutent plus tard dans la vie active.

Depuis 1994, pour les salariés du secteur privé, ces mesures entraînent, selon le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), une baisse du pouvoir d’achat de la retraite du régime général de 0,3 % par an et de 0,6 % par an de la retraite complémentaire, celui de la retraite des fonctionnaires baissant de 0,5 % par an. Ces baisses devraient se poursuivre dans le futur et le décrochage par rapport aux salaires s’accentuer. Ainsi, entre 2003 et 2030, le salaire réel moyen devrait progresser de 56 % contre 9 % pour les retraites du secteur privé. Devons-nous considérer ces évolutions comme inévitables face aux évolutions démographiques ?

Il est indéniable que le nombre de retraités va augmenter de façon importante ces prochaines années. La question préalable, que le gouvernement se garde bien de poser, est la suivante : s’il doit y avoir plus de retraités, ce que personne ne conteste, faut-il, oui ou non, leur consacrer une part plus importante du revenu national ?

La part des retraites est aujourd’hui de 12,5 % du PIB. Si nous voulons maintenir le niveau des pensions par rapport aux salaires, elle devrait passer, selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de 2001, à 18,5 %. Doit-on partir du postulat qu’une telle augmentation n’est pas supportable par l’économie française ? Pourtant la part des retraites a augmenté de plus de 7 points de PIB depuis 1950, sans provoquer de cataclysme.

Il s’agit donc de poursuivre dans l’avenir un effort similaire à ce qui a été fait ces dernières décennies. Le COR note d’ailleurs le faible impact financier, estimé à 0,3 point de PIB, d’un retour aux 37,5 annuités pour le secteur privé.

Pour couvrir cette évolution, il faudrait, toujours selon le même rapport, dans le pire des cas, une augmentation de 15 points du taux de cotisation à l’horizon 2040, soit 0,37 point par an. Il est difficile de croire qu’une telle augmentation pourrait mettre toute l’économie à terre. De plus, comme le note le rapport de janvier 2007 du COR, qui s’appuie sur les dernières projections de l’Insee, les perspectives démographiques se sont notablement améliorées depuis les précédentes estimations. Les besoins de financement en seront donc diminués d’autant. On le voit, le catastrophisme n’est pas de rigueur.

En tout état de cause, aucun nouvel allongement de la durée de cotisation ne peut se justifier. Le récent rapport du COR de novembre 2007 indique que le besoin de financement supplémentaire des retraites, avec la réglementation actuelle, ne serait que de 1 point de PIB en 2020, c’est-à-dire moins que la marge d’erreur des projections économiques sur la période, et seulement de 1,7 point à l’horizon 2050 ! Pourtant le gouvernement a annoncé son intention d’augmenter encore en 2008 la durée de cotisation pour tous les salariés, du privé comme du public, le Medef proposant carrément de la porter à 45 ans.

Une vision catastrophique est d’autant moins fondée qu’un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée, la richesse créée dans les entreprises, est tout à fait envisageable. Il n’est pas acceptable de considérer comme pérenne la baisse très importante de la part des salaires ayant eu lieu ces dernières années (près de huit points), alors que, dans le même temps, la productivité du travail a continué de croître fortement (plus de 50 % en vingt ans).

Un tel rééquilibrage de la part des salaires, qu’une augmentation des cotisations patronales peut amorcer, aurait d’ailleurs des effets neutres sur la compétitivité des entreprises s’il était compensé par une baisse des dividendes versés aux actionnaires.

On le voit, des solutions existent, mais le gouvernement refuse même de les envisager. Ne restent plus alors que des mesures hypocrites et dangereuses, comme l’augmentation de la durée de cotisation. Hypocrite, car, au vu de l’état du marché du travail, il sera de plus en plus difficile de cumuler les annuités requises pour avoir une pension à taux plein. Les entreprises se débarrassent de leurs salariés bien avant 60 ans (6 salariés sur 10 sont hors emploi au moment de liquider leur retraite), les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie active et de nombreux salariés, dont une majorité de femmes, ont des carrières discontinues et n’arrivent déjà pas à réunir le nombre d’annuités demandé. L’augmentation de la durée de cotisation se traduira donc en pratique par une retraite réduite pour le plus grand nombre. Seuls ceux qui en auront les moyens pourront, à leurs risques et périls, se tourner, avec des assurances privées, vers la capitalisation, augmentant ainsi l’iniquité au lieu de la réduire.

Dangereuse, car elle reviendrait à rompre le contrat entre générations. Si les actifs paient les pensions des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux nouvelles générations. Cette exigence est d’autant plus forte que le chômage de masse perdure. Décaler l’âge de départ à la retraite revient à préférer entretenir le chômage des jeunes plutôt que de payer des retraites.

C’est dire que la lutte des salariés des régimes spéciaux renvoie à des problèmes fondamentaux. Ils refusent la perspective d’un alignement sans fin vers le bas de la protection sociale. Butte témoin d’une époque où le mot réforme était synonyme de progrès social, ils sont voués à la vindicte et à la hargne de ceux qui considèrent que hors du CAC 40, point de salut.

Ils refusent la logique en trompe-l’oeil du « travailler plus » alors même que les conditions de travail dans les entreprises se détériorent sans cesse et que la souffrance au travail se développe avec l’apparition de nouvelles pathologies. Bref, ils portent un combat porteur d’avenir qui pose la question de la place du salariat dans son rapport au capital et à la logique du profit.

Jean-Marie Harribey est coprésident d’Attac.

Pierre Khalfa est secrétaire national de l’Union syndicale Solidaires.


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