Morale, légitimité et violence Qu’est-ce qui différencie Jean Moulin d’Oussama Ben Ladden ?

mardi 2 août 2016.
 

La personne est une incarnation de l’humanité entière et est considérée comme un individu (individuation), ce qui lui donne des droits (malheureusement très relatifs) et des devoirs (ce que l’on a tendance à oublier). Et il est dommageable qu’on n’accomplisse pas ses devoirs avec le même empressement que l’on réclame ses droits. Ce qui est Vrai, Bien, Beau et Juste ne descend plus d’une morale transcendantale qui viendrait directement de Dieu. La religion ne légitime plus le cadre sociétal, c’est à dire les institutions, ainsi que les mœurs. C’est ainsi que va s’élaborer à l’ère moderne le concept de valeur, puisqu’il revient à l’Homme de donner du sens. Ce concept de valeur va se diffuser tout au long du 19ème siècle jusqu’à nos jours.

Après que Nietzsche ait détruit tous les étalons (Dieu, nature humaine, raison), donnant du même coup les éléments sur le fait de penser en terme de valeurs (C.Lefort), la tendance va être au relativisme (diversité des valeurs). Pour C.Lefort, Weber « a poussé au plus loin le relativisme sous toutes ses formes ». On pense le Bien, le Beau, le Vrai et le Juste de manière différente selon l’époque, la culture et même selon l’individu. Pour Weber, ce relativisme conduit inexorablement à la guerre perpétuelle. C’est donc une vision pessimiste, et même tragique. Et c’est seulement en donnant une dimension universelle à certaines valeurs que l’on peut penser la paix. Mais aujourd’hui, la vision tragique de Weber n’est plus « à la mode », et laisse place à un relativisme absolu (« à chacun ses valeurs »), et pourtant sans fondement. S’il faut respecter l’identité d’autrui, c’est à dire son unicité (l’individu appartient à une commune humanité mais est un être unique), et critiquer l’ethnocentrisme, qui n’est rien d’autre que de l’ « occidentalocentrisme » dans la modernité face auquel l’islamisme se dresse en opposant, et ainsi ériger la tolérance comme principe, on ne peut pas légitimer toutes les situations. C’est pourtant ce que revient à faire ce relativisme sans fondement. Il nous faut penser le tolérable et l’intolérable, l’acceptable et l’inacceptable. Et s’il est facile de donner comme exemple le fascisme, nazisme et autre stalinisme, cela concerne également les actes qui enveloppent notre quotidien.

Il est pourtant impossible de s’accorder sur ce qui est vrai sans tomber dans le dogmatisme ou le totalitarisme. Mais lorsqu’on affirme qu’il n’existe pas de vérité, nous commettons une aporie. Dire ceci revient à déclarer qu’il est vrai qu’il n’y a pas de vérité. La vérité est immanente au discours. Et il existe de toute façon une exigence universelle dans le relativisme, puisqu’il faut d’abord que soit universellement accepté le principe de relativité. De plus, si ce relativisme se construit contre tout jugement, pourtant le propre de la pensée humaine, se dressant du même coup en adversaire de la pensée, il oublie qu’il contient en lui-même des jugements. L’Homme ne peut s’interdire de penser, et lorsqu’il veut s’échapper de tout jugement, il porte du même coup un jugement sur le monde et sur l’Homme. Si nous ne pouvons nous accorder sur la définition de ce qui est vrai, au moins pouvons-nous penser en terme de valeurs absolues et déterminer ce qui est intolérable. Il s’agit de donner un fondement absolu, universel, c’est à dire délié des contingences du temps et de l’espace, aux valeurs que sont la vérité, la morale, l’humanité, la liberté, la justice, l’esthétique… Ainsi, la morale doit être érigée comme valeur absolue, tout simplement parce qu’il existe une morale universelle. Comme le dit M.Walzer, il existe des principes moraux communs à l’ensemble des cultures, ce qui constitue une « morale minimale ». Il est donc vraisemblable que les raisons de ce socle soient anthropologiques. Le propre de l’Homme, qui est un animal sociable et donc politique, est d’ériger une morale qui contient en tout lieu et à toute époque des éléments communs. Tous les hommes sont semblables, l’humanité est une, on partage donc en tout point de la planète les mêmes erreurs, nécessités, peurs. La coexistence humaine pose des questions et des conditions partout équivalentes qui imposent les mêmes règles. Il existe une morale universelle, même si l’élaboration et l’application des règles est différente selon les lieux et les époques. Et les différences sont d’ordre culturel.

Il existe ainsi des conseils communs à toutes les religions, qui sont les pierres angulaires de la spiritualité : honnêteté, véracité, désintéressement, sensivité, obligeance, persévérance, patience et responsabilité. La spiritualité est avant-tout une condition morale, que l’on retrouve au fondement de toutes les religions.

L’exigence morale est donc bien universelle. Toutefois, on ne peut pas dire qu’il existe une morale nécessaire. Elle est universellement possible, mais l’histoire est pleine de périodes, en des lieux différents, où la morale est discutable. L’Homme n’a pas de nature propre, ou du moins il est le seul être à pouvoir aller contre nature. De toute façon, il n’existe, et n’a jamais existé, de groupes humains atteignant une morale absolue, une morale « pure » qui guiderait seule l’action. Cette morale absolue est aussi un idéal, idéal indéfinissable, puisqu’il échappe en partie à l’esprit humain. Cependant, quand il y a groupe, on ne peut pas échapper à certains principes moraux toujours présents. L’immoralité serait donc à chercher dans la « morale maximale » qui institue la société et englobe la « morale minimale » jusqu’à la rendre presque imperceptible.

Mais s’il existe une morale universelle, d’où vient-elle ? On peut dire que l’Homme a une conscience morale si on entend par là qu’il est capable de ressentir le mal et qu’il peut ressentir de la compassion, de la sympathie, de la pitié… D’ailleurs, différentes études sur des nouveaux-nés et des chimpanzés semblent montrer que l’altruisme est quelque chose de naturel chez l’Homme. A côté de cela, il éprouve aussi les sentiments les plus sombres et est poussé par diverses pulsions contradictoires avec la morale. « L’Homme n’est ni ange ni bête » (Pascal) ; il peut être les deux. La morale, ou plutôt l’éthique quand on se place au niveau de l’individu, n’est pas une mécanique. Il s’agit d’une décision de donner de l’importance à tel ou tel sentiment. Si l’éthique a besoin des sentiments, elle est aussi un jugement de la raison. Mais je suis sincèrement convaincu que c’est la puissance de la culpabilité qui conduit l’individu à un comportement éthique et responsable. Puisque effectivement, la responsabilité a à voir avec l’éthique. L’Homme est libre et choisit, il est ainsi responsable, et c’est cette responsabilité qui fait le lien entre liberté et morale. La liberté a une dimension morale : être libre, c’est être contraint par la morale.

Pour E.Housset, la pitié n’est ni raisonnée ni instinctive, elle est le résultat de la rencontre avec autrui que je reconnais comme mon semblable. La morale elle-même résulte de la vie en société : je n’ai jamais de comportement éthique par rapport à moi, mais c’est bien dans l’interaction que se joue la morale. C’est à ce moment que l’Homme va ressentir des sentiments de pitié, de compassion… qui vont lui permettre d’accéder à la morale. Mais c’est surtout l’empathie, cette capacité propre à l’Homme de se mettre à la place d’autrui, qui peut conduire l’Homme à décider d’avoir un comportement éthique. La morale n’est donc pas « « figée » par la raison mais vivante par la rencontre avec autrui » (P.Henry).

La morale résulte de la vie en société, qui est possible parce que l’Homme éprouve des sentiments que l’on pourrait qualifier de « positifs », mais elle n’est certainement pas nécessaire puisque l’Homme décide d’avoir ou non un comportement éthique : il est libre et responsable. A l’échelle du groupe, c’est l’établissement de lois politiques, c’est à dire l’institution de mœurs, qui donne une « morale maximale » plus ou moins proche de l’idéal de la morale absolue. La morale absolue idéalisée n’est déjà plus la « morale minimale » dont parle M.Walzer, mais cette dernière en résulte directement. La « morale minimale » est l’ensemble des principes moraux communs à l’ensemble des cultures (morale universelle) ; la « morale maximale » représente les règles et les mœurs d’une société donnée qui diffèrent selon les cultures ; la « morale absolue » est ce qui peut être posé comme valeur absolue.

Quand on aborde la question de la morale, on ne peut éviter de se poser la question de la violence. Penser la violence revient à penser le vivre-ensemble. Or, la morale comme valeur absolue condamne toute violence. La violence, si elle peut être légitime, est toujours immorale.

D’ailleurs, quelque soit les raisons, nous souffrons toujours de culpabilité quand nous exerçons une quelconque violence. Mais le politique fonde pourtant une violence légitime : ce sera le Droit dans les sociétés modernes. La violence est immanente à la vie en société, mais certaines formes de violence vont être reconnues comme légitimes par la « morale maximale ». Dans les sociétés modernes, le terme de légalité va remplacer celui de légitimité : la violence légitime est légale. Et comme l’a voulu Hobbes, l’Etat détient le monopole de la violence légitime, exception faite d’un droit de défense qu’on appelle justement « légitime défense ». Le sujet garde le droit inaliénable de se protéger contre la menace, mais il échange surtout sa liberté contre la sécurité. Dans les sociétés sans-Etat, il y a construction culturelle qui va instituer des formes légitimes de violence, pour la plupart ritualisées et codifiées. Penser la violence revient à penser le vivre-ensemble.

Voilà où se trouve le problème : quand la violence peut-elle être jugée légitime ? On peut aller à l’encontre de la morale dans certains cas, mais est-ce alors légitime ? On peut transgresser la morale, mais jusqu’où ? Le faut-il vraiment ? « Je prétends que dans certains cas il est bon de faire ce qui est mal », nous dit M.Walzer. On se heurte irrémédiablement à la question de la légitimité. Et cette question est on ne peut plus d’actualité d’autant qu’aujourd’hui on voit se profiler un jugement éthique utilitariste qui obéit à un calcul coût-bénéfice. On cherche la performance, même dans la guerre. Et on utilise des termes comme « frappes chirurgicales » ou « guerre préventive » censés apaiser une réalité faite de sang et de larmes.

Il existe diverses formes de violence, dont la plus méprisable et la plus meurtrière est la guerre. La position « réaliste » met en place des règles, puisqu’il existe effectivement des guerres. Mais cela vient légitimer le conflit du même coup, ou en tout cas ne la condamne pas. D’autant que les règles restent soumises à l’arbitraire des Etats en l’absence d’instance législative supérieure. Si l’ensemble des sociétés instituent un état civil en leur sein, qu’il soit légal ou traditionnel, il semble que ce soit un état de nature (la loi du plus fort, chacun étant contre tous) qui régisse les relations entre les peuples. Quoiqu’il existe aussi de formidables échanges et coexistences. Alors, faut-il instaurer des règles à la guerre ? Il nous faut nous interroger sur les chances de succès de règles et de conditions à la guerre, puisque celles-ci sont soumises à l’arbitraire des technocrates, comme la décision américaine d’envahir l’Irak et la détention illégale aux yeux des accords internationaux des suspects de Guantanamo le prouvent. Il semble que depuis le 11 septembre 2001, ce qui est considéré comme légitime ne l’était pas encore auparavant : le Droit international a reculé.

Ce qui est d’ailleurs paradoxal, car dans le même temps, ce qui est jugé intolérable au sein des sociétés modernes se fait plus vaste. Ce qui est intolérable en politique est accepté, tandis que les erreurs des hommes ne le sont plus. Alors que la violence des individus, ou des groupes d’individus, est de plus en plus réprimée et jugée inadmissible, la violence légale des Etats se fait plus intense jusqu’à devenir illégitime. Les attentats du 11 septembre semblent être l’alibi pour une instrumentalisation de la peur et le développement d’une « société de contrôle » (A.Brossat) avec la multiplication de lois sécuritaires et liberticides. A bien des égards, les terroristes ont complètement réussi leur mission et ont en tout cas changé la face du monde. Ceux-là mêmes qui réagissent avec le plus de véhémences contre le terrorisme sont aussi ceux qui lui offrent les plus belles victoires.

La position réaliste est problématique : il ne faut pas abandonner l’idéal de paix universelle. Pour cela, la paix ne doit pas être considérée comme une période de non-conflit, comme une période où l’on s’abstient de faire la guerre, mais bien comme un état d’anéantissement des conflits. De toute façon, "les tentatives des juristes pour légaliser demeurent des artifices sans fondement théorique" (C.Lefort). Aux propos justifiant péniblement le maintien d’un arsenal nucléaire, je réponds qu’il n’y a rien d’autre à faire que d’abolir toutes les armées nationales. Tout au plus doit-il rester une garde qui assure des missions de secours d’urgence. Par définition, l’armée est toujours sur le pied de guerre : elle présuppose une guerre future. Et il faut d’autant plus abolir l’armée que les soldats ne sont pas considérés comme des citoyens ou même comme des êtres humains (c’est à dire libres et responsables), mais bien comme des objets, et les objets les plus méprisables qui soient : des machines de destruction. Et si l’armée a les règles les plus strictes, la guerre n’en tolère aucune. Prenez deux forces à peu près égales : c’est la plus vicieuse, c’est à dire celle qui fera la plus grande abstraction de l’éthique et de l’honneur, qui prendra l’avantage à court terme. Heureusement, la guerre ne suffit pas à changer les moeurs. Et la victoire est définitive seulement lorsqu’elle s’inscrit dans les moeurs. C’est aussi pourquoi bien plus que de révolutionner il faut chercher à réformer, et cela n’enlève en rien la radicalité du changement.

Mais il ne faut pas confondre "la cause de la paix avec un pacifisme sans principe" (C.Lefort) afin que la paix ne soit pas seulement une idée mais une réalité. De toute façon, la violence est inhérente à la vie en société. Le chaos est inscrit dans la Culture qui est un arrachement au désordre. La société contient de l’ordre et du désordre. On n’éradiquera pas la violence, elle est nécessaire, c’est à dire inévitable. Elle est même à certains égards socialisante et toujours libératrice. Et pour poser une première base de réponse à la question de la légitimité, on peut dire vigoureusement avec C.Lefort que "la tolérance s’arrête dans l’intolérance agressive de l’autre". La violence m’est permise quand je suis menacé, ce qui ne veut pas dire potentiellement menacé. Et la violence doit être maîtrisée, comme c’est le cas dans les sociétés primitives lors des rites de passage : "dans les sociétés primitives, la torture est l’essence du rituel d’initiation" (P.Clastres), la loi s’écrit alors dans la souffrance sur le corps meurtri qui s’élève à la condition humaine. "La société imprime sa marque sur le corps" (P.Clastres) par les scarifications, tatouages et autres... Et ce moment des rituels est le moment de libération des pulsions. C’est ainsi que les pharmakoi à Athènes étaient sacrifiés rituellement chaque année après avoir été choyés, permettant la stabilité de la Cité : ils étaient à la fois le mal et la remède. Mais dans une société démocratique, la force de la tradition s’épuise, et l’acte se heurte au jugement moral qui est appelé à se renouveler sans cesse : quelle violence peut alors être acceptable ? Et quels moyens peuvent être jugés légitimes ? La torture peut dans certains cas permettre d’obtenir des renseignements qui sauveront de nombreuses vies. Mais "la fin justifie-t-elle les moyens" ? A ce jeu-là, ne perd-on pas le sens même de notre combat ? L’attentat suicide peut être un moyen de se défendre, de maintenir une pression, de s’exprimer au yeux du monde, face à des adversaires bien plus forts. Le terrorisme est aussi l’arme des opprimés. Mais peut-on frapper aveuglément sans perdre là toute cohérence à notre engagement ? La Justice peut-elle s’obtenir injustement ? Mais en tout cas, cessez de dire que le kamikaze est un lâche ou un fou. Il a été démontré que les terroristes arrêtés ne souffrent pas de troubles psychologiques particuliers, si ce n’est du désespoir et de l’angoisse existentielle. Et quel courage faut-il pour donner sa vie pour une cause que l’on juge juste ! Il n’y a là pas de plus bel acte de courage.

A propos de l’Irak, il y a plusieurs choses à réaffirmer. Un peuple est autonome, nul autre que lui n’a d’ordre à lui donner, ni ne peut en disposer. Il "est une société d’hommes, et nul autre que lui n’a d’ordre à lui donner, ni ne doit en disposer" (E.Kant). Il faut ainsi réaffirmer avec vigueur l’interdiction de l’ingérence qui menace l’autonomie des peuples et lèse leurs droits. Il est de toute façon contradictoire de vouloir imposer une démocratie : la démocratie est la volonté du peuple, elle ne s’impose pas. S’il faut avec vigueur susciter les plus éblouissants élans de liberté et de justice, on ne peut tolérer l’ingérence sous quelque forme qu’elle soit. L’impérialisme occidental, et à plus forte raison états-unien, n’a pas sa place dans un monde démocratique et juste.

Ainsi, la soumission d’un peuple à une instance supérieure internationale doit être une décision libre. Cependant, plutôt qu’un super-Etat, il s’agit de mettre en place une sociabilité universelle, c’est à dire une alliance entre les peuples, "un fédéralisme d’Etats libres" (E.Kant). Pour cela, il faut arrêter de penser l’humanité comme la somme des Etats, mais la considérer "comme un champ à la fois matériel et spirituel" (Hegel), c’est à dire comme un espace symbolique. Il s’agit en fait de construire le vivre-ensemble au niveau mondial au nom de l’universalité du genre humain. Il faut créer des manières partagées de penser, d’agir et de sentir. Il s’agit en fait de propager les Droits de l’Homme (ou Droits Humains) et de construire un véritable espace public international. L’Organisation des Nations Unies a échoué dans sa mission, il faut le reconnaître. Mais aujourd’hui on peut peut-être voir se dessiner un semblant de cet espace hors des institutions : dans l’altermondialisme. Il s’agit donc de réaffirmer les principes de liberté, de justice et d’égalité, d’assurer la séparation des pouvoirs, pour pouvoir espérer édifier la paix perpétuelle et l’harmonie. Susciter des associations autonomes et promouvoir la liberté de l’information favorisent la mise en place d’une société émancipée, même si cela ne suffit pas à la garantir. Garantir une éducation qui construit des hommes libres et éclairés est essentiel. Mais il faut aussi créer une union permanente des peuples (et pas seulement des Etats, ce qui implique la représentation des Organisations Non-Gouvernementales). Et c’est dans le respect des Droits Humains qu’on peut trouver les principes à la base de la paix universelle. Mais cette union doit s’accomplir à l’intérieur d’une institution de dialogue dotée de moyens judiciaires coercitifs face aux Etats dans la mesure où les peuples sont membres, et qui monopoliserait les forces armées, en premier lieu desquelles l’arsenal nucléaire. Il faut une institution qui ait pour principe premier le devoir de se demander comment corriger les vices des règles de vivre-ensemble au plus tôt, dans l’idée de la raison et dans le sacrifice de notre égoïsme. Mais surtout, il faut toujours avoir à l’esprit la maxime qu’un changement vers une constitution encore meilleure est nécessaire afin de se rapprocher constamment de ce but (E.Kant). Il suffit de tendre vers la morale pour que la paix perpétuelle et la pleine humanité de l’Homme se réalisent.

Finalement quand décide-t-on que celui-ci est un résistant et mérite les honneurs et que celui-là est un terroriste à condamner ? La question peut être jugée provocante, mais elle est fondamentale. Avant de juger précipitamment, il faut s’interroger sur le fond des choses. A mon sens, la violence est toujours immorale, mais elle est nécessaire. Cependant, toute violence n’est pas légitime et certaines formes méritent par conséquent d’être condamnées. On se heurte à un jugement moral (bien ou mal) forcément subjectif mais qui touche l’universel. La morale condamne la violence, le Droit dans la modernité, le sacré universellement, la légitime. Mais le Droit est une institution humaine qui s’égard parfois jusqu’à se perdre dans les méandres de l’intolérable. C’est ainsi que le régime de Vichy, légal à son époque, est jugé illégitime. Pour se prémunir contre les égarements mal-venus, l’instauration d’un Droit international minimal et sans cesse réactualisé semble essentiel. Mais il s’agit d’une union dans la pluralité, la diversité des cultures devant être protégée. C’est ainsi qu’il faut avoir en tête que nous sommes responsables non-seulement dans le présent, mais aussi vers l’avenir. Mais il semble que l’histoire seule peut juger avec assurance. Et si aujourd’hui je me risque à dénoncer vigoureusement l’islamisme et toutes les formes d’extrémisme religieux, ainsi que le terrorisme, je n’en oublie pas pour autant le capitalisme, l’impérialisme, les techno-sciences, la déshumanisation... Autant de choses pour lesquelles il est de notre responsabilité de s’engager.

VIGNET Julien. Etudiant à CAEN. 2006

C.LEFORT, « L’idée de paix et l’idée d’humanité », Ecrire à l’épreuve du politique (1986) E.KANT, Projet de paix perpétuelle, Mille et une nuits (1795/2001) M.WALZER, Morale minimale, morale maximale E.HOUSSET, L’intelligence de la pitié, phénoménologie de la communauté (cf l’article de P.Henry sur cet ouvrage) P.CLASTRES, La société contre l’Etat, Les éditions de minuit (1974) A.BROSSAT, Pour en finir avec la prison, La Fabrique (2001)


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