Objectif 2007 (3) : Dossier José Bové dans L’Express (interview, analyse, biographie)

samedi 15 juillet 2006.
 

Interview : Le fait que vos déclarations de candidature à la candidature aient été accueillies fraîchement par le PCF et la LCR change-t-il quelque chose pour vous ?

Je reste sur ma position. Je suis disponible, dans la perspective d’une campagne collective et unitaire, si ni le PCF ni la LCR ne présentent de candidat. Il serait temps que chaque parti cesse d’affirmer que le rassemblement doit se faire autour de lui. J’ai réalisé, en discutant avec les Français que je rencontre, à quel point il y a un ras-le-bol des appareils politiques. Je suis convaincu que les militants politiques, syndicaux et associatifs sont majoritairement favorables à une candidature antilibérale commune. Et je me réjouis que des collectifs unitaires se créent et se développent un peu partout en France.

Si Olivier Besancenot maintenait sa candidature, abandonneriez-vous vraiment ?

Probablement. Sauf si la dynamique unitaire est particulièrement puissante.

Sur le mode de désignation du candidat unitaire, quelle serait à votre avis la meilleure solution ?

Une primaire au niveau des militants de base constitue selon moi une idée à creuser. Sur le processus de désignation, je vais y réfléchir cet été avec mes amis et je m’exprimerai à la fin du mois d’août.

Votre hostilité radicale aux OGM et au nucléaire ne risque-t-elle pas d’empêcher le PCF de vous soutenir ?

Je ne suis pas inquiet, car le PCF peut évoluer. Surtout sur le nucléaire, où leurs options étaient très éloignées des miennes. Après un vrai débat sur les énergies, les communistes n’apparaîtront plus comme pronucléaires et productivistes, ce qui est une caricature. Je suis optimiste, car le PCF ne fait pas de ces questions un point de blocage.

Que répondez-vous à Olivier Besancenot, qui vous demande d’exclure toute alliance avec le PS ?

Il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs. Il est avant tout nécessaire d’être dans le carré de tête au premier tour de la présidentielle. Et c’est notre score élevé qui créerait un rapport de forces, une dynamique, pour discuter des questions de fond, programmatiques, avec les socialistes.

Souhaitez-vous que la gauche antilibérale ait une représentation parlementaire ?

Oui, c’est essentiel. Nous sommes en capacité de constituer un groupe à l’Assemblée nationale, car nous faisons le pari que nos candidats arriveront en tête de la gauche au premier tour. Au sein des collectifs unitaires, nous préparons l’élection présidentielle, mais aussi les législatives et les municipales.

Propos recueillis par François Koch


Bové Les secrets d’une candidature par François Koch

Après de longues années de dénégation, le leader paysan est prêt à briguer l’Elysée. Coulisses d’un revirement et d’une ambition

Un taulard pourrait-il briguer l’Elysée ? “Si la Cour de cassation refuse mon pourvoi à la fin de l’année, je pourrais être un candidat à la présidentielle derrière les barreaux”, confie le provocateur José Bové, sans dissimuler la joie que lui procurerait cette situation inédite. Le 15 novembre 2005, la cour d’appel de Toulouse a condamné l’altermondialiste à moustache à quatre mois de prison ferme pour arrachage de maïs OGM. A 53 ans, l’Astérix libertaire semble prêt à une cinquième incarcération. En attendant, il a déjà revêtu les habits du candidat batteur d’estrades.

“Nous pouvons être la gauche qui gagne, en menant à la fois les luttes sociales et les combats électoraux”, hurle le tribun des Causses, porté par un public enthousiaste et quelques “José candidat !”. C’était jeudi 29 juin, à Aubagne (Bouches-du-Rhône), lors d’un meeting unitaire rassemblant 800 personnes, où l’éleveur de brebis a remporté, et de loin, le concours de l’applaudimètre face à Alain Krivine, 65 ans, et à Olivier Dartigolles, 35 ans, les porte-parole respectifs de la LCR et du PCF, puisque Olivier Besancenot et Marie-George Buffet n’avaient pas souhaité faire le déplacement. C’est dire si les communistes, qu’ils soient révolutionnaires ou réformistes, redoutent le meneur de jacqueries. Ils craignent un “été Bové”, un emballement médiatique, un phénomène d’opinion qui ferait de l’icône anti-OGM une “Ségolène Royal” de la gauche antilibérale.

Pourquoi José Bové s’est-il décidé à la fin de mai à dévoiler ses intentions présidentielles, sans craindre d’être accusé de s’autoproclamer ? “Avant de m’exprimer, il fallait que la dynamique des collectifs unitaires s’enclenche, répond-il. Mais je l’ai fait de manière modérée, sans répondre aux sollicitations des télévisions.” Le 12 mai, un “Appel pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes” avait, en effet, été lancé et signé par le PCF, des responsables du courant minoritaire de la LCR et des leaders syndicaux, associatifs et altermondialistes. Le contempteur de la malbouffe s’est surtout décidé à parler afin d’inciter les journaux à l’intégrer dans leurs sondages présidentiels. Ses apparitions médiatiques, après des mois de quasi-abstinence, ayant aussi pour objectif de creuser l’écart avec ses concurrents, principalement le jeune facteur Olivier Besancenot, qui allait annoncer sa candidature le 25 juin. “L’interview du Journal du dimanche [JDD du 28 mai], reprise sur des radios, a apporté à José un gain de 6 points au baromètre de popularité de Paris Match), le hissant de la 14e à la 10e place”, se réjouit l’un des proches de l’adepte de la désobéissance civique.

“Une logique de contre-pouvoir” Quel chemin parcouru ! Celui qui devint une vedette mondiale en 1999, en démontant le McDonald’s de Millau (Aveyron) et en se laissant photographier les deux poings levés et menottés, jurait que jamais il ne se lancerait en politique. “Demandez-vous à François Chérèque ou à Bernard Thibault s’ils se présenteront à l’élection présidentielle ?” s’énervait Bové, en 2004, face aux journalistes qui l’interrogeaient inlassablement sur ses ambitions. Il leur reprochait de ne pas admettre que “le mouvement social se situe dans une logique de contre-pouvoir”. Deux ans plus tard, José Bové se dit désormais “prêt à assumer d’aller à l’Elysée” (Libération). Interrogé il y a trois ans sur les partis politiques, il répondait : “Je n’ai pas vocation à accompagner les mourants ni à soigner les comas dépassés. Ce sont les syndicats qui font des propositions dans tous les domaines” (JDD). Le candidat à la candidature a mis de l’eau dans son vin, mais conserve un discours hostile aux appareils politiques, presque populiste, pour mieux flatter les militants de base. Reste que Bové sait qu’il a besoin du soutien du PCF et de jouer serré avec la LCR.

Le paysan libertaire se méfie des marxistes, des léninistes et surtout des trotskistes. Afin de mieux les comprendre, il s’est entouré d’experts de ces organisations si loin de sa culture, qui le conseillent “à titre personnel”. Le biographe de José Bové, Denis Pingaud, directeur de la stratégie chez Euro RSCG, a fait partie du bureau politique de la LCR, comme le conseiller d’Etat Yves Salesse, président de la Fondation Copernic. L’altermondialiste Christophe Aguiton est, lui, toujours membre de la LCR, alors que l’animateur des collectifs du 29 mai, Claude Debons, ne l’est plus. L’ancien vice-président d’Attac Gus Massiah a milité au PSU, à la GOP (Gauche ouvrière et paysanne), puis à l’OCT (Organisation communiste des travailleurs). A partir de la fin de l’été 2005, avec la syndicaliste de Solidaires Annick Coupé, la militante d’Alternative citoyenne Claire Villiers, l’écologiste Francine Bavay et le communiste Pierre Zarka, ils se réunissaient tous chaque lundi rue Voltaire, à Paris, souvent autour de Bové. Mais ils ont cessé au bout de quelques mois, agacés par les vraies-fausses fuites dans la presse.

C’est à ce moment-là que les Verts ont cherché à faire de Bové leur candidat, afin de l’extraire de la sphère léniniste. A défaut de recevoir le secrétaire national, Yann Werhling, peu enclin à une telle démarche, le militant pacifiste a accueilli Martine Billard, le 2 janvier, sur le glacial plateau du Larzac. Deux heures de discussions, en vain, entre la députée verte de Paris et l’éleveur de brebis. Parce qu’il a affronté le nucléaire, civil et militaire, et les OGM, le “militant macdophobe” conserve une image écolo... et pourrait vampiriser, sans allégeance au parti, deux tiers des voix du candidat des Verts.

Si José Bové n’a pas de parti ni de troupes militantes, il utilise un petit réseau d’amis influents dans la galaxie mouvementiste et antilibérale et a déjà ses “porte-flingues” aguerris. Lors du meeting d’Aubagne, après s’être dit déçu par la décision de la LCR de lancer Besancenot en campagne, il a laissé Yves Salesse tirer à boulets rouges contre l’exigence trotskiste de ne jamais rien négocier avec le PS : “C’est la négation même du combat politique !” “J’en ai discuté avec Olivier, car on est copains”, avait précisé Bové. Même après les déclarations du jeune facteur de la Ligue, qui le soupçonne de vouloir devenir ministre de l’Agriculture dans un gouvernement de gauche plurielle bis ?

“Nous regrettons sa posture d’homme providentiel, mettant hors jeu les partis politiques”, assène Olivier Dartigolles (PCF). Pourtant, les relations ont toujours été plus tranquilles entre le parti et Bové. Le soutien des communistes lui est en effet capital. Ils le ménagent, car leur union leur permettrait d’éviter de sombrer sur un Titanic électoral, pris entre les glaces des deux trotskistes populaires Arlette Laguiller et Olivier Besancenot. Pour négocier un groupe parlementaire avec le PS, mieux vaut aller à la présidentielle avec José Bové, surtout s’il obtient un score à deux chiffres, plutôt qu’avec un piteux 2%. Le paysan du Larzac entretient lui-même également des relations plus ou moins directes avec bien des leaders socialistes, avant tout Laurent Fabius et Jean-Luc Mélenchon, mais aussi François Hollande et Dominique Strauss-Kahn, même s’il reste distant de Lionel Jospin et de Ségolène Royal. Si le score de Bové au premier tour de la présidentielle inquiète, des responsables du PS estiment que le paysan quinquagénaire serait le plus rassembleur au second tour.

“Malheureusement, il n’y a qu’une chance sur quatre pour que José aille jusqu’au bout, c’est-à-dire que l’appareil du PCF comprenne qu’il ne peut sortir seul de son déclin historique”, regrette Massiah. Bové n’y croit-il lui-même qu’à moitié ? “Si je devais abandonner, je n’en ferais pas un fromage”, confie-t-il. Pourtant, son envie d’être le candidat unitaire de la gauche antilibérale n’a jamais été aussi forte... même si, pour l’heure, dans le hameau de Montredon (Aveyron), il joue du marteau pour achever la construction de sa nouvelle demeure en bois recouverte d’un toit végétal. Commentaires : PHOTO : José Bové, lors du premier meeting de la gauche antilibérale pour une candidature unitaire à la présidentielle de 2007, le 29 juin 2006 à Aubagne (Bouches-du-Rhône). PHOTO : Chez lui, à Montredon-du-Larzac, près de Millau (Aveyron), où il exploite une ferme de production de lait de brebis. PHOTO : Avec (de g. à dr.) Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon, Yves Salesse, Francine Bavay et Olivier Besancenot, à l’université d’été de la LCR, à Port-Leucate (Aude), le 27 août 2005. PHOTO : Lors de son évacuation par les gendarmes d’une usine OGM près de Carcassonne, le 13 avril 2006. Mots-Clés : ELECTION PRESIDENTIELLE, CAMPAGNE ELECTORALE, GAUCHE, EXTREME GAUCHE Noms propres : Bové José Zone géo : France Voir aussi : Parcours d’un militant “Un score élevé pour négocier avec le PS”

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Parcours d’un militant par François Koch

11 juin 1953 : Joseph Bové naît à Talence (Gironde). 1968 : est exclu d’un lycée catholique. 1975 : antimilitariste, il obtient le statut d’objecteur de conscience. 1976 : s’installe dans une ferme sur le Larzac (Aveyron) et effectue trois semaines de prison pour une destruction de documents au sein du camp militaire. 1979 : échange des coups avec des militaires dans le hameau de Montredon. 1982 : rejoint les Paysans-Travailleurs, un mouvement né dix ans plus tôt. 1987 : participe à la fondation de la Confédération paysanne. 1995 : manifeste sur un Zodiac de Greenpeace contre les essais nucléaires à Mururoa. 1998 : détruit du maïs OGM à Nérac (Lot-et-Garonne). Juin 1999 : détruit des OGM dans un centre de recher-che publique à Montpellier. Août 1999 : démonte le McDo de Millau et est incarcéré pendant dix-neuf jours. Avril 2000 : est élu porte-parole de la Confédération paysanne. Mars 2002 : se rend en Palestine et provoque une vive polémique. Juin 2002 : est incarcéré durant quarante-deux jours. Juin 2003 : est incarcéré durant quarante et un jours, avant d’être gracié par Jacques Chirac. Août 2003 : annonce, devant 200 000 personnes sur le plateau du Larzac, qu’il abandonnera son mandat de porte-parole de la Confédération paysanne en avril 2004. Juin 2004 : devient porte-parole de Via Campesina, une Internationale de syndicats qui regroupe 60 millions de paysans. Novembre 2005 : est condamné en appel à quatre mois de prison ferme pour arrachage de maïs OGM et se pourvoit en cassation. Juin 2006 : se dit “prêt à assumer d’aller à l’Elysée”.

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