Mai 2008 : nouveau code du travail passé à l’acide

lundi 5 mai 2008.
 

Nous en avons parlé les premiers, nous l’avons combattu depuis le 16 février 2005, depuis l’ordonnance du 7 Mars 2007, il entre pourtant en vigueur en dépit de tous nos efforts. Reste à alerter les salariés pour que, pas à pas, ils résistent à ce nouveau code, s’arqueboutent sur leurs droits et s’opposent à l’avalanche de lois sur la « modernisation du marché du travail » (réactionnaire à 100 % en dépit de sa signature le 11 janvier par 4 syndicats). L’actuel pouvoir intégriste de droite, après le droit de grève, casse les droits syndicaux, la représentativité et le financement des syndicats sont en jeu (accord provisoire du 9 avril 2007. Jamais notre République depuis 60 ans n’a connu un tel assaut réactionnaire, destructeur, contre le salariat.

Pour y résister, il faut d’abord savoir, comprendre, analyser, comme face au TCE...

La gauche doit s’opposer à la loi dite de « modernisation du marché de travail »

Nous voilà, en présence d’une loi imposant un mot fabriqué, aussi paradoxal qu’incompréhensible : « flexisécurité ». Des millions de salariés « flexisécurisés » par la « loi de modernisation du marché du travail », vont être roulés dans la farine.

Qu’on ne nous dise pas qu’elle a été approuvée par 4 syndicats sur 5. Car là il existe 8 syndicats d’importance et non pas 5. Et il n’est pas certain du tout que les 4 signataires représentent une majorité. En France, à cause d’une loi Fillon du 4 mai 2004, un accord est réputé « majoritaire » quand il obtient la signature d’une majorité de syndicats, même s’ils ne représentent qu’une minorité de salariés. En fait, c’est un vote « par ordre » et non pas « par tête » comme avant la Révolution française. Pourquoi parle-t-on de 4 syndicats sur 5 alors qu’il y en a 8 dans le pays ? À cause d’une liste résultant d’un vieil « arrêté » daté de 1966 où CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC sont seuls à bénéficier de la « présomption irréfragable de représentativité » mais pas la FSU, ni l’UNSA, ni Solidaires ! Pourtant ces derniers syndicats sont devenus plus représentatifs que la CFTC ou la CGC par exemple. S’en tenir aux cinq syndicats pour déterminer si un accord est majoritaire ou non, est donc une manipulation.

L’accord signé avec le MEDEF par 4 des 8 syndicats ne peut donc servir à imposer le vote d’une loi de régression sociale qui contient au moins 4 grands reculs et d’autres régressions moindres mais tout aussi défavorables aux salariés : Quatre grandes raisons de repousser la loi

- a) Un des aspects les plus choquants : il y aurait un plafonnement des indemnités de licenciement pour les salariés. Le chiffre de 9 mois de salaires aurait été avancé. Comment peut-on oser proposer cela dans un pays où les émoluments des patrons incluent des retraites chapeaux, des parachutes dorés, des stocks options parmi les plus élevés d’Europe ?

Dans un pays où il y a de telles fraudes en matière de licenciements abusifs que des salariés se voient spoliés gravement toute leur carrière, parfois toute leur vie ? Des employeurs sans scrupule, seulement pour hausser leurs profits, pourront donc mieux « virer » des salariés ayant 20 ou 30 ans de bons et loyaux services sans le payer trop cher !

- b) Des ruptures de contrats pourront avoir lieu hors de tout droit collectif du licenciement : l’employeur et le salarié pourront négocier des ruptures individuelles de gré à gré.

Pourtant ce qui caractérise le contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanente » et c’est toujours le salarié qui est dans un rapport de forces défavorable.

C’est l’avènement de « la séparabilité » réclamée par Laurence Parisot : un « divorce à l’amiable ». Sauf que c’est toujours le même qui part avec les meubles ! Et la loi prétend que, passé 15 jours après la signature de la « rupture » celle-ci sera « homologuée » par les autorités administratives, et il n’y aura plus aucun recours, pas de prud’hommes, pas d’appel. C’est un spectaculaire recul du droit protégeant les salariés.

- c) Les périodes d’essai seraient « allongées » jusqu’à 8 mois. Depuis que la droite et le MEDEF ont perdu sur le CNE (contrat nouvelle embauche) et le CPE (contrat première embauche), ils ne cessent de regretter ces projets inhumains (condamnés par toutes les déclarations des droits de l’homme et la convention n° 158 de l’OIT) où l’employeur pouvait licencier sans motif. Qu’est-ce qui justifie qu’un employeur vous garde huit mois « à l’essai » ?

- d) D’incroyables contrats de 18 à 36 mois, « CDD à termes incertains » vont être imposé aux cadres. C’est une vie de précarité pour des centaines de milliers de cadres : la fin du contrat dépendra de la fin de la mission, de la tâche, de l’objectif à atteindre, et elle pourra être anticipée dans la deuxième partie de ce contrat atypique. Ce sera une longue certitude, mais sans avenir, pendant 18 mois, puis une incertitude quotidienne et fragilisée pendant 18 autres mois... et l’on recommence. Façon d’empêcher les cadres de défendre leurs droits, leurs carrières, en les vulnérabilisant au maximum. De tels contrats dérogatoires au CDI, seront-ils imposés à d’autres catégories de salariés que les cadres ? D’autres capitulations petites et grandes sont contenues dans l’accord du 11 janvier 2007, notamment :

- 1/ Acceptation du principe de l’utilité des emplois précaires (article 1 de l’accord) et du principe que ce sont les freins au licenciement qui bloquent les embauches ! (art. 12).

- 2/ Acceptation d’interventions « plus systématiques » des patrons dans les écoles (art. 2) et du principe selon lequel l’insuffisance de ces interventions serait source de l’échec scolaire (art. 2).

- 3/ Acceptation de la transformation des stages pédagogiques en « périodes d’essai » (art. 3) et de la disparition du contrat d’apprentissage comme contrat de travail (art. 3).

- 4/ Acceptation de la suppression d’une des garanties essentielles du contrat de travail : désormais, ce qui n’est pas écrit dans le contrat, le patron pourra le modifier unilatéralement sans l’accord du salarié (art. 11).

- 5/ Acceptation que le reçu pour solde de tout compte signé soit libératoire au bout de 6 mois, ce qui retire au salarié des possibilités de recours aux prud’hommes. Il faudra un « préavis » du salarié avant de saisir les prud’hommes (art. 11).

- 6/ Acceptation de considérer que la démission d’un salarié sera établie dès qu’il ne répond pas à une demande de l’employeur de reprendre le travail.

Ainsi un employeur ne sera plus responsable de la rupture du contrat de travail lorsqu’un salarié qui refuse de ne pas être payé ou d’être harcelé ne reprendra pas le travail. (art. 16).

Ces régressions ne sont exigées par rien dans notre pays ni par les nécessités de l’emploi, ni par celles de la productivité, ni par celles de l’économie : le taux de productivité horaire est le plus élevé au monde, les bénéfices n’ont jamais été aussi faramineux ! C’est un pur fanatisme idéologique des conservateurs au pouvoir, dans leurs efforts pour démanteler pan par pan, le droit du travail.

Gérard Filoche, militant syndical et socialiste, inspecteur du travail (auteur de « mai 68, histoire sans fin » Ed. JC Gawsevitch)


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