1968 : Contestation de l’institution scolaire...

vendredi 22 janvier 2016.
 

Texte de Christian Laval, chapitre du livre "68 une histoire collective (1962-1981)", sous la direction de Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel , La Découverte, 2008.

La contestation de 68 a traversé toute la structure éducative, du premier degré jusqu’aux grandes écoles. La marque de 68, comme l’a vu sur l’instant Michel de Certeau, fut une « prise de parole » qui eut un effet immédiat d’entraînement réflexif et d’effervescence créatrice. La libération de la parole dans l’institution scolaire n’est pas propre à la France, elle se retrouve dans un grand nombre de pays développés, et même, au-delà, dans les pays d’Amérique latine comme dans les pays de l’Est. Le mouvement étudiant américain avait frayé la voie dans les années 1960 avec le Free Speech Movement de Berkeley dont le Mouvement du 22 mars de Nanterre fut une réplique. Dans ce moment de « communication explosive » (Maurice Blanchot), la parole soudainement délivrée a imaginé un autre lien éducatif possible pour une société entièrement neuve. Ce moment d’utopie commune ne se réduit pas aux transformations pédagogiques qui en furent apparemment la conséquence, lesquelles transformations proviennent de doctrines bien antérieures et relèvent d’un projet de modernisation étranger à l’insurrection utopique de Mai. Son horizon de radicalité, sans lequel on n’en comprend guère le sens, fut l’invention d’une autre figure de l’homme, partant la création d’un autre rapport à la connaissance, qui se voulait à l’opposé d’une humanité vouée au travail aliéné et à la consommation illimitée.

L’école en débats

L’agitation politique dans le milieu scolaire n’a pas surgi d’un coup : des comités Vietnam sont présents dans les lycées dès 1966, mais bien avant encore, la politique y a pénétré dans le sillage des mobilisations de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) contre la guerre d’Algérie.

Dès les premières barricades, le 6 mai, les comités d’action lycéens (CAL) impulsent des grèves de solidarité avec les étudiants mobilisés à l’appel de l’UNEF et du SNEsup (Syndicat national de l’enseignement supérieur). Des centaines de lycées sont occupés. Les grandes manifestations du 10 et du 13 mai réunissent élèves, étudiants, enseignants. La contestation dans l’école sera favorisée par la grève des enseignants, lancée par les syndicats majoritaires de l’enseignement secondaire et primaire le 20 mai.

Grèves et occupations des établissements permettent une formidable libération de la parole. Dans les établissements, les assemblées générales rassemblant élèves et professeurs analysent collectivement la situation politique immédiate et discutent de l’enseignement actuel et des transformations à y apporter. Des « comités d’occupation » et des « commissions de réflexion » se mettent à traiter de pédagogie, du rôle de l’école dans la société, des rapports entre enseignants et élèves, des contenus transmis. La seule existence de ces commissions est déjà un renversement des hiérarchies et des légitimités établies. Les écoles primaires sont entrées elles aussi dans le mouvement et l’on y voit apparaître, après l’appel à la grève des syndicats, des comités et des groupes de discussion rassemblant des instituteurs et des parents. Même l’Institut pédagogique national de la rue d’Ulm est occupé à la fin du mois de mai, devenant un bref moment l’« Institut pédagogique révolutionnaire ».

L’école est entrée en débat : les lycéens ouvrent les portes à la population des quartiers et dénoncent la « ségrégation sociale de l’enseignement actuel ». Au portail du lycée Condorcet, quelqu’un a écrit : « Entrez, venez discuter ». Les propositions sont très variées et touchent tous les sujets. On y redécouvre d’abord les grands thèmes des « modernisateurs » des années 1950 et 1960, ceux qui avaient lancé au colloque d’Amiens en mars 1968 leur pressant appel « Pour une école nouvelle ». Rien de bien neuf dans beaucoup de doléances : 68 précipite la « rénovation pédagogique », dont on voit dès l’automne les premières applications dans les établissements primaires et secondaires.

Le discours tenu a souvent les aspects d’une révolution douce, loin des fantasmes sulfureux cultivés depuis : participation, discussion, cogestion, travail en équipe pédagogique. On veut des activités libres, créatrices, artistiques, culturelles et sportives, à côté des cours fondamentaux. On veut l’allégement des programmes surchargés et inadaptés, on veut privilégier la formation de la personne contre la folle course aux diplômes. Dans les assemblées, on y affirme avec optimisme que l’ennui et la passivité des élèves ne devraient pas être une fatalité. La déresponsabilisation des élèves et des professeurs, la soumission de tous à la hiérarchie, au programme, aux examens, sont dénoncées. On veut surtout « participer » : c’est moins le rêve gaulliste, avec sa tonalité paternaliste, qui s’exprime que l’exigence démocratique du droit de parole.

Au lycée Chaptal à Paris, on propose que le proviseur soit élu par le comité de cogestion parmi les professeurs et qu’il continue d’assumer un enseignement à temps partiel. Presque partout, on demande une place pour le débat dans les cours et le recours à l’initiative des élèves. On veut des exposés, des enquêtes à l’extérieur, une initiation à la philosophie dès la seconde, une formation économique, un cours d’éducation sexuelle, on veut pouvoir parler des questions d’actualité. La vie, en somme, dans sa multiplicité, devrait ranimer la culture enseignée à l’école. Ouverture à la vie, cela ne veut pas dire baisse du niveau. Le CAL du lycée de Saint-Cloud réclame, contre le nationalisme du patrimoine scolaire, un enseignement de lettres plus vivant, et plus ouvert à la littérature étrangère (Shakespeare) et contemporaine (Hemingway).

Autre grand thème du discours de 68, qui irrite beaucoup les professeurs conservateurs, l’« ouverture sur l’extérieur », le refus de l’école « retranchée de la vie active ». Mais était-ce pour dissoudre la culture scolaire dans les eaux tièdes de la communion ouvriers-lycéens ou pour permettre aux salariés et aux retraités d’en bénéficier aussi, selon un vieux rêve révolutionnaire, républicain, socialiste ? Ce n’était pas en tout cas pour l’ouvrir aux loisirs marchands et à la sous-culture de masse, comme on l’en a accusé plus tard. Modernes contre anciens ? Modernité contre archaïsme ? Pas seulement : les élèves sont devenus de « jeunes adultes ». Ils critiquent le système de notation et le classement trimestriel, dénoncent les compositions trimestrielles « couperets » et se prononcent pour une évaluation moins aléatoire. Certains, plus audacieux, remettent en cause le bac comme au lycée parisien Jacques Decour : « Si l’enseignement était bien fait, il n’y aurait pas besoin d’examens. »

L’autodiscipline : un grand mot oublié de 68. La critique de l’infantilisation est générale : on associe dans les revendications la mixité, la responsabilité, la créativité, l’initiative, l’autonomie. À s’en tenir là, Mai 68 pourrait presque passer pour un nouveau réveil de l’idéal éducatif de l’humanisme contre les vieux sorbonagres, aussi bien que pour un appel à la modernisation technocratique, voire libérale, du système d’enseignement. Dans ce forum permanent, s’exprime une volonté de réforme en parfaite harmonie avec la « rénovation » souhaitée par la fraction la plus moderniste de l’appareil d’État. Pourtant, la critique va vite porter plus loin, mettant en cause le « système » même qui a produit cette forme d’éducation sclérosée et autoritaire.

La contestation, en effet, s’approfondit, s’élargit, se politise. Elle fait bientôt le lien entre un enseignement « périmé » et les problèmes politiques plus généraux. Les lycéens les plus politisés affirment haut et fort qu’ils ne veulent pas devenir les « chiens de garde » du capital. On met en place ici ou là des « enseignements critiques », comme au lycée Henri IV, organisés par les lycéens eux-mêmes. Au nom de l’« autonomie pédagogique », ils inventent même un « lycée critique » dont l’enseignement est entièrement refondu. Comme le dit un des acteurs, « les élèves organisaient eux-mêmes des cours sous une forme nouvelle en en choisissant les sujets et la forme ». On entend dans les établissements occupés des propos très contraires à la ligne « modernisatrice » qui voudrait « adapter » l’école à l’« économie moderne ». On y remet en cause l’enseignement utilitaire, tourné vers les besoins du capitalisme, on refuse la spécialisation des filières (« pas d’idiots spécialisés »), on critique une pédagogie fondée sur les principes de la société bourgeoise (concurrence, compétitivité, sélection), on dénonce une organisation répressive analogue à celle de l’usine.

Le CAL du lycée Octave Gréard de Paris affirme : « Ne retournons pas vers le passé. En 1789, il y eut l’abolition du droit divin de la royauté, en 1936 l’abolition du droit divin du patronat, en 1968 il nous faut agir en vue de l’abolition du droit divin du professorat. » Pourquoi un professeur aurait-il le monopole du discours ? Pourquoi ne pourrait-on pas aussi lui poser des questions, voire lui apporter des objections ? Participation, certes, mais pourquoi pas initiative des élèves pour dire ce qu’ils veulent apprendre et comment ils veulent s’organiser pour le faire. L’école est devenue en quelques jours d’occupation, d’assemblée et de commission un lieu de critique radicale. S’affirmer comme des élèves actifs, récuser la fausse neutralité de savoirs indiscutables, chercher dans les connaissances ce qui permet de développer la personne, non les finalités sociales ou économiques contestables, c’était refuser de confondre l’acquisition d’une culture et le classement social, le goût du savoir et la performance économique. Trois cibles se dessinent assez vite : la hiérarchie bureaucratique, l’enseignement autoritaire, le capitalisme.

La radicalisation de la critique

Tout a été remis en cause dans cette parole soudain libérée, mais non sans logique. Dans la critique radicale de l’école, on peut distinguer trois grands thèmes, dont l’articulation fait précisément l’objet des débats de cette époque : la démocratie, la pédagogie, la fonction sociale de l’école. La démocratie, justification du régime politique libéral contre la menace communiste, est désespérément absente d’une bureaucratie centralisée, verticale, uniforme, pourtant vouée officiellement à la « formation du citoyen ». Le règne des chefs et des petits chefs, le monde des règlements et des circulaires, n’est-il pas absurde dans un lieu consacré à l’intelligence et à la création ?

La critique de la hiérarchie autoritaire est d’abord pratique : dans l’assemblée générale, dans la commission de réflexion, élèves, professeurs et parents se découvrent les uns aux autres comme des citoyens intéressés par la chose publique et partagent la joie de la pensée et de l’action commune. Par ses formes comme dans son contenu, le mouvement de 68 pose la question du droit des jeunes à la parole. La politique au lycée est une question cruciale depuis la guerre d’Algérie. L’« école-caserne » que les lycéens et les étudiants dénoncent avec virulence, c’est celle qui empêche la tenue de réunions sur le Vietnam, qui interdit la distribution de tracts ou la libre rédaction d’un journal lycéen.

Le constat des lycéens est simple : sous couvert de neutralité et de laïcité, la politique, au même titre que la sexualité, est un tabou dans l’enseignement. Comment former des citoyens si l’on ne parle pas librement du monde et de ses conflits dans les cours et si les lycéens n’ont pas de liberté d’expression politique dans leurs établissements ? Mai 68, une révolte libertaire ? C’est d’abord l’expression d’une exigence démocratique élémentaire, celle de la « liberté d’expression ». Le CAL du lycée Fénelon demande ainsi la « reconnaissance des libertés politiques et syndicales » au lycée. Ces libertés que l’on réclame partout, dans l’information, dans les arts, dans les entreprises, on les veut présentes aussi à l’école. Elles n’y entreront que très lentement, non sans des réticences toujours vivaces. La relation pédagogique telle qu’elle est instituée est devenue intolérable.

On a vu que la manière d’enseigner et les contenus étaient souvent associés dans les assemblées générales à la passivité, à l’ennui, à la soumission des élèves. Beaucoup d’enseignants, souvent sensibilisés au préalable aux « méthodes nouvelles », y puiseront des raisons supplémentaires de « changer l’école ». Mais il faut ici veiller à l’illusion, soigneusement entretenue depuis, qui fait de 68 l’origine d’un bouleversement radical de la pédagogie qui aurait ruiné les fondements de l’école. Les contestataires n’inventent rien, ils redécouvrent, ils réinvestissent ce que les partisans de l’« éducation nouvelle » ont promu depuis très longtemps, ce que les pionniers de la rénovation pédagogique ont tenté de généraliser à la Libération, ce que les « modernisateurs » ont répété dans différentes commissions officielles dans les années 1960. La « question pédagogique » était même dans l’air, comme en témoigne le numéro devenu fameux de la revue Partisans intitulé « Pédagogie : éducation ou mise en condition ? » publié en 1967, ou comme le livre de Fernand Oury et de Aïda Vasquez Vers une pédagogie institutionnelle (Maspero, 1967). Signe que, comme les sociologues le montraient dès le milieu des années 1960, le rapport pédagogique connaissait déjà des « dysfonctionnements » graves.

1968 a évidemment accéléré un mouvement d’intérêt pour les pédagogies alternatives qui fera le succès des livres de Célestin Freinet, d’Alexander S. Neill ou celui d’Ivan Illitch, Une société sans école. Quel sens a cette passion pédagogique ? Les tendances les plus contraires semblent s’y confondre. La pédagogie institutionnelle insiste sur la mise en commun, la coopération, la réciprocité dans les apprentissages. Mais l’importance accordée à l’institution coopérative de la classe est, sur de nombreux points, hétérogène au rousseauisme de Libres Enfants de Summerhill, récit d’une école anglaise fondée en 1921 par A. S. Neill. Ce n’est certainement pas cet ouvrage, aussi emblématique fut-il de l’engouement pédagogique des années 1970, non plus que ceux, contemporains, de Gérard Mendel faisant de l’enfance une catégorie opprimée et colonisée à libérer, qui suffisent à définir la nature de la contestation pédagogique. « Libres enfants » : l’idéal est déjà ancien, même si la psychanalyse ne ménagera pas son concours au renouvellement des mots. On retrouvera après coup pour les réprouver des propos d’un individualisme simpliste faisant du lexique de la « répression » un usage souvent abusif en identifiant la force policière, la réprimande parentale et le sermon professoral.

Dans certains discours extrêmes, toute contrainte est oppressive, toute institution est « fasciste » du moment qu’elle exerce une force sur le développement de l’enfant, assimilé à une sorte de plante naturelle. On a retenu volontiers, pour le dénigrer, le fameux « interdit d’interdire ». Mais c’est pour mieux oublier que ce sont les philosophes du XVIIIe siècle qui ont posé les bases de cette pédagogie négative, relayée plus tard par le discours médical et la psychologie de l’enfance. 1968 réactive sans conteste une idéologie pédagogique qui a une longue histoire et qui ne sera pas sans suite. La rentrée de septembre 1968 verra la mise en place de la « rénovation pédagogique » officielle, commandée du haut. La doxa sera aux « méthodes actives ». Initiative pédagogique, éveil, sensibilisation, tables en rond ou en U, débats, sorties, toute une panoplie de microdispositifs et d’activités, qui n’ont en euxmêmes rien de révolutionnaire, mais qui feront entrer dans l’école le doux parfum du printemps pour les uns et l’odeur sulfureuse de la « chienlit » pour les autres. Après 1968, un mélange d’expérimentation pratique et de rationalisation imposée, ne conservera de la critique pédagogique que sa partie méthodologique. Ce qui a fait la singularité de la contestation se perdra ainsi largement dans les textes froids des circulaires de rentrée.

L’originalité de 1968 est d’avoir lié la critique de la pédagogie traditionnelle et la mise en question de la société. Si le « dressage » des enfants et si le « flicage » des lycéens sont dénoncés, ce n’est pas seulement pour les remplacer par des manières plus douces envers l’enfant et plus respectueuses du jeune. C’est parce que ces coercitions institutionnelles jouent une fonction dans la société capitaliste, parce que ce type de socialisation autoritaire sert à les préparer le plus tôt possible aux futurs emplois subalternes ou supérieurs qu’ils devront occuper plus tard. Lorsque Fernand Oury s’en prend aux « écoles casernes » de la banlieue parisienne dans lesquelles il enseigne, il a en ligne de mire l’usine où travaillent les parents de ses élèves. Cette parole critique met l’accent sur la façon dont l’école participe à la fabrication des hommes adaptés à une société capitaliste et hiérarchique que l’on refuse. Le sens de la contestation, la ligne de force majeure tient que l’école ne doit pas être soumise aux patrons, qu’elle doit être au service de l’émancipation du plus grand nombre, qu’elle doit répondre à la promesse d’une société neuve, qu’elle doit s’ordonner à la naissance d’une humanité plus libre et plus égale.

On a du mal aujourd’hui à comprendre cette position qui déterminera pourtant un choix de vie pour beaucoup : « Nous ne voulons pas devenir les cadres d’une société d’exploitation et d’aliénation. » Le classement des élèves, le pouvoir absolu du maître et du professeur, le règlement intérieur tatillon, tout cela est alors interprété comme un dispositif fonctionnellement adapté à la domination de la classe bourgeoise sur les classes dominées. Naïveté ? On se rendra compte assez vite que 1968 a été l’occasion de rénover les structures scolaires en les ordonnant aux nouvelles formes du travail : participation autonomie, autodiscipline, deviendront de plus en plus les qualités premières exigées de la maind’oeuvre. Les choses avaient été dites par les « modernisateurs « des années 1960 comme elles le seront par les rénovateurs des décennies suivantes : la « réforme » de l’école doit servir à « former des individus aptes à vivre dans la société telle qu’elle est », comme l’écrira Edgar Faure quelques mois après les « événements ». La naïveté des contestataires est toute relative. On oublie parfois que les dangers d’un pareil retournement avaient été assez bien repérés dès les années 1970.

L’un des enjeux des luttes politiques qui se déroulèrent alors porta sur la séparation des méthodes pédagogiques des contenus enseignés et des fonctions sociales du système éducatif. La neutralisation de la critique radicale consista à isoler la question de la pédagogie dans le cadre des « sciences de l’éducation », à la dépolitiser, à en faire un problème technique d’innovation dans un contexte jugé conservateur, à l’utiliser dans des stratégies de pouvoir de groupes d’experts et d’administrateurs cherchant à acquérir le monopole de la définition de ce devrait être la « nouvelle école » ou l’« école démocratique ». Ce qui s’est passé dans l’institution scolaire dans les « années 1968 » est inséparable du mouvement général qui a mis en question tous les rapports existant dans la société. Cette contestation n’a rien de l’arbitraire et du nihilisme qu’on lui a prêté parfois. Elle a pour ressort principal la crise d’un certain régime de pouvoir institutionnel qui a accompagné la naissance de la société capitaliste industrielle, ce que Foucault appellera quelques années plus tard les « disciplines ». Sans doute, cette lutte n’a-t-elle abouti qu’à des aménagements très partiels du système. Elle a même favorisé l’introduction de méthodes plus fines, plus souples, plus « scientifiques » de contrôle passant par l’évaluation plus systématique de l’implication de l’élève, de ses attitudes, de sa personnalité. La « participation en classe » est devenue une obligation, le « contrôle continu des connaissances » une forme de rationalisation de l’apprentissage scolaire. Mais ce nouveau régime de normalisation des conduites n’épuise pas la signification de Mai 68 et sa portée critique dans le champ de l’éducation. Le principe dominant de la contestation n’a pas été le refus individualiste de toute contrainte sociale et institutionnelle, mais la recherche d’un autre type de lien social, moins instrumental, plus solidaire et plus coopératif.

CHRISTIAN LAVAL

Pour en savoir plus :

Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET, L’École capitaliste en France, Maspero, Paris, 1973.

Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON, La Reproduction, Minuit, Paris, 1970.

Michel DE CERTEAU, La Prise de parole, Desclée de Brouwer, 1968. COMITÉS D’ACTION LYCÉENS, Les Lycéens gardent la parole, Seuil, Paris, 1968.

Partisans, « Le mouvement des lycéens », septembre-octobre 1969, n° 49.

Gérard MENDEL, Pour décoloniser l’enfant, Payot, Paris, 1973.

NOUVEAUX REGARDS, Mai 68 et l’enseignement, n° 4, décembre 1998.

Fernand OURY et Jacques PAIN, Chronique de l’école-caserne, Maspero, Paris, 1972.

LIGUE COMMUNISTE RÉVOLUTIONNAIRE, L’École de Jules Ferry est morte, Maspero, Paris, 1974.

Kristine VAGNER et René WARCK, Les Déshérités de l’école, Maspero, Paris, 1973.

Alain SCHNAPP et Pierre VIDAL-NAQUET, Journal de la commune étudiante, Seuil, Paris, 1969.


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