LE BOUCLIER SANITAIRE Un bélier contre l’assurance-maladie

jeudi 14 février 2008.
 

Présenté comme une mesure de protection en faveur des plus démunis (le pendant du " bouclier fiscal " pour les plus fortunés), le " bouclier sanitaire " est en réalité un bélier contre l’assurance-maladie.

Une idée de Martin Hirsch

Le " bouclier sanitaire " est une idée du Haut-commissaires aux Solidarité actives, Martin Hirsch, en juin 2007. Elle consistait à remplacer les tickets modérateurs, les franchises (un euro par consultation) et autres forfaits (18 euros par acte de plus de 90 €) par un plafonnement des remboursements. En dessous de 3 % à 5 % du revenu fiscal d’un ménage, les dépenses de santé ne seraient pas remboursées. Au-dessus de ce seuil, elles seraient intégralement remboursées par l’Assurance-maladie.

Un ménage de salarié ayant un revenu fiscal de 30 000 euros par an ne percevrait donc aucun remboursement de l’assurance-maladie pour des dépenses de santé inférieures à 900 euros par an (3 % du revenu) ou 1 500 euros (5 % du revenu) ! Ces dépenses resteraient à sa charge ou à celle de sa mutuelle.

Un scénario de Briet-Fragonard

Le rapport Briet-Fragonard reprenait l’idée de Martin Hirsch et y voyait l’occasion de simplifier de façon " drastique " les règles de prise en charge des Affections de Longues Durées (ALD). Le bouclier ne s’appliquerait qu’à la dépense remboursable : les " restes à charge " liés à des dépassements tarifaires qui se sont multipliés depuis la réforme Douste-Blazy de 2004 ne rentreraient pas dans son champ.

Toujours selon ce rapport, le " bouclier ", à condition que le plafond soit modulé en fonction des revenus, pourrait permettre une meilleure protection des titulaires des revenus les plus modestes.

Il permettrait également de " garantir durablement un meilleur pilotage de l’évolution des dépenses d’assurance maladie obligatoire ". Ce qui revient à dire que le plafond (de 3 % à 5 % du revenu fiscal au départ, selon Martin Hirsch) pourrait s’élever en fonction des besoins de l’assurance-maladie. Cette augmentation du pourcentage dispenserait de faire la moindre peine aux trusts pharmaceutiques, aux cliniques privées ou aux médecins libéraux dont l’augmentation des coûts et des tarifs est, pourtant, le facteur principal de l’augmentation des dépenses de santé. Nul besoin, non plus d’augmenter la part patronale des cotisations maladie qui stagne depuis vingt ans. Il suffirait de rehausser le plafond à 6 %, 8 %, 10 %... pour rééquilibrer les comptes de l’assurance-maladie. Aux Etats-Unis (le modèle de " civilisation " de Nicolas Sarkozy), les personnes de plus de 65 ans utilisent, en moyenne, 20 % de leurs revenus annuels en dépenses de santé non remboursées.

Un film de La Haute Autorité de Santé et de Roselyne Bachelot

Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, reprend à son compte ce rapport et cet avis. Pour aider à convaincre de la nécessité d’un " bouclier sanitaire ", Roselyne Bachelot n’avait d’ailleurs pas hésité à tirer quelques flèches bien acérées sur les assurés sociaux sous formes de " franchises médicales ", mises en œuvre dès le 1er janvier 2008.

Une manœuvre en deux temps de Sarkozy pour briser l’assurance-maladie

Nicolas Sarkozy, la main sur le cœur comme d’habitude, a tenu à préciser ce que serait le sens du " bouclier sanitaire " : réserver la solidarité à ceux qui en ont le plus besoin. C’est au contraire une nouvelle application de la méthode classique de la droite : diviser le salariat, dans un premier temps, pour infliger, dans un second temps, une défaite à l’ensemble du salariat. Les néolibéraux américains ont procédé de la même façon à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Dans un premier temps, ils ont supprimé les aides sociales aux salariés dotés d’un emploi à plein temps, affirmant qu’il fallait réserver ces aides aux plus pauvres. Quelques années plus tard, ils ont retiré l’essentiel des aides sociales destinées aux plus pauvres dans l’indifférence générale, le restant du salariat ne se sentant plus concerné. C’est exactement ce qui nous attend.

Une remise en cause des principes fondamentaux de la Sécurité sociale

Rembourser les soins en fonction de la situation sociale d’un assuré social remet en cause le principe fondateur de l’assurance-maladie : chacun paie selon ses moyens mais est remboursé en fonction de ses besoins.

C’est aussi, l’abandon d’un autre principe fondateur : l’augmentation des cotisations sociales quand les besoins augmentent. En effet, c’est la suppression pure et simple de la part patronale de cotisations maladie que vise maintenant la Droite au moyen de ce " bouclier sanitaire ".

Jean-Jacques Chavigné (sur le site de Démocratie et Socialisme)


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