Vers un Manifeste pour un socialisme du XXIe siècle (ex comités Bové)

mercredi 26 mars 2008.
 

Dans un communiqué du mois de Juin dernier, au lendemain des élections législatives, l’association Mémoire des luttes [1] et la revue trimestrielle Utopie critique [2] annonçaient leur intention de servir de cadre « facilitateur » pour l’élaboration d’un Manifeste, en termes de principes, de valeurs et d’orientations pour une alternative globale à opposer au projet capitaliste néolibéral, tout comme à ses variantes social-libérales. Cela dans la perspective de construction ultérieure d’un projet proprement politique, mis en oeuvre par un pou-voir démocratique et social prenant en compte les dimensions nationale, européenne et internationale. Un projet de socialisme du XXIe siècle renouvelant l’espoir d’une société plus juste pour laquelle, pendant des générations, les classes populaires ont lutté, qu’elles espèrent toujours et pour laquelle elles continuent à donner du sens à leur vie.

Ce Manifeste pourra constituer le soubassement des futures politiques publiques qu’exigent impérativement les fractures de tous ordres et l’extension des conflits que connaît le monde, et dont l’accélération du dérèglement climatique et les ravages de la finance constituent autant de symptômes perceptibles par tous les citoyens. Sans parler des risques d’embrasement au Proche-Orient, voire de la planète, que fait courir une administration Bush aux abois, et qui, après le départ sans gloire de Tony Blair, s’est trouvée un nouveau comparse européen en la personne de Nicolas Sarkozy.

Déconnectée des échéances électorales immédiates, l’initiative de Mémoire des luttes et d’Utopie critique s’inscrit dans le moyen terme. Elle prend acte de l’échec aussi bien politique et idéologique qu’électoral des forces anti-libérales qui avaient pourtant joué un rôle déterminant dans la victoire du 29 mai 2005.

Comptant parmi ses promoteurs des militants du mouve-ment altermondialiste, elle veut oeuvrer à son approfondissement et à son dépassement. L’altermondialisme conserve toute sa raison d’être comme espace de « conscientisation »et d’éducation populaire, et pour sa contribution aux mobilisations. Paradoxalement, son hétérogénéité constitue toujours un atout en permettant d’agglutiner de nombreuses forces et traditions politiques et sociales sur la base d’un dénominateur commun - la critique du système dominant- et en favorisant l’élaboration de multiples propositions alternatives aux politiques néolibérales.

Cependant, cette hétérogénéité exclut de sa part toute possibilité de développer une vision stratégique dynamique, cohérente et partagée, intégrant la conquête du pouvoir comme horizon de son action. Elle a même empêché, lors des Forums sociaux mondiaux, tout consensus sur la simple reprise, sous forme de socle commun, d’une série de propositions issues de certaines de ses composantes, mais qui, réunies, faisaient sens et projet. La mouvance altermondialiste est donc encore moins en mesure de se déterminer par rapport aux processus de profonde transformation économique et sociale - non pas rêvés, mais réellement existants - tels qu’ils sont engagés, entre autres, par des mouvements populaires comme le Mouvement des sans terre (MST) au Brésil ou les mouvements paysans en Inde, et par des gouvernements issus de la dynamique sociale en Bolivie, en Équateur ou au Venezuela. D’où la nécessité d’entrer dans un post-altermondialisme de combat pour dégager les perspectives d’un socialisme du XXI’ siècle.

Internationalisme fondé sur la conquête, par les peuples, de leur souveraineté (que certains voudraient disqualifier en la taxant de « populisme ») ; réaffirmation des exigences de l’idée républicaine : refus du communautarisme, et donc primat de la citoyenneté, de la laïcité, de l’égalité et de la solidarité ; appropriation collective (entre autres par des nationalisations) des secteurs à définir comme des biens publics afin de les soustraire à la prédation des multinationales et des intérêts financiers ; remise en cause du libre-échangisme financier et commercial (par des mesures draconiennes de contrôle, de régulation et de protection) ; redistribution des richesses ; démocratie à tous les niveaux (dont celui de l’entreprise) ; refus de la fausse opposition entre épanouissement des individus et intérêts collectifs ; égalité hommes/femmes ; développement culturel ; prise en compte prioritaire de l’urgence écologique et encadrement citoyen de la technoscience : tels sont quelques-uns des repères de notre travail. Il s’agira donc de mettre à bas les fondements mêmes de la mondialisation néolibérale et de sa variante continentale qu’incarne le projet mis en oeuvre par l’Union européenne. Programme de travail

Notre initiative n’est évidemment pas la seule du genre, et nous entendons bien la nourrir de celles - thématiques ou généralistes - qui, en France et à l’étranger, procèdent d’une même inspiration. De même qu’elle prendra en compte le maximum de travaux déjà publiés. C’est pourquoi elle se développera en quatre temps pouvant, en partie, se chevaucher.

Premier temps : observation et synthèses

De septembre 2007 à mai 2008, des membres de l’équipe d’animation et des militantes et militants qui les rejoindront participeront à des colloques et à des rencontres organisés par d’autres structures (notamment sur les questions écologiques) pour en tirer les conclusions pertinentes. Par ailleurs, les mêmes (ou d’autres) élaboreront des synthèses des principaux travaux existants sur les thèmes jugés centraux pour la réussite de cette initiative.

Tous ces travaux préparatoires seront publiés sur les sites de Mémoire des luttes et d’Utopie critique, dans les colonnes de cette dernière publication (ou d’autres), éventuellement sous forme de « Notes » sur support papier largement diffusées, voire sous forme de petits ouvrages.

Deuxième temps : deux colloques internationaux

Dans cette séquence se déroulant au premier trimestre 2008 (mais qui ne mettra pas un terme à la première), Mémoire des luttes et Utopie critique passeront du statut d’observateurs à celui d’organisateurs de débats.

A cette fin, seront organisés deux colloques internationaux :
- le premier, le samedi 26 janvier 2008, explorera les notions de post-altermondialisme et de socialisme du XXI’ siècle dans les lignes de fracture de la géopolitique mondiale. Il constituera une contribution à la Journée mondiale de luttes décidée par le Conseil international du Forum social mondial.
- le second, vraisemblablement le samedi 23 mars (à la veille de l’anniversaire de la signature du traité de Rome), portera sur la construction européenne. Il se situera dans une période de ratification parlementaire du futur traité modificatif de l’Union européenne (en fait, le défunt TCE sous un habillage différent). Il s’agira d’analyser les marges de manoeuvre que laisse (ou non) l’UE pour des politiques alternatives, et la compatibilité entre ses structures et la souveraineté populaire, puis d’en tirer toutes les con-séquences.

Les synthèses des travaux de ces séminaires seront publiées dans les mêmes conditions que pour celles du premier temps.

Troisième temps : des confrontations de contributions originales

Au début 2008, il sera demandé à des chercheurs, universitaires ou syndicalistes (notamment des historiens, économistes, politistes, sociologues) d’élaborer des analyses contribuant à l’élaboration du Manifeste dans leur champ de compétence. Leur cahier des charges prévoira impérativement la prise en compte du corpus déjà constitué ou en voie de constitution, notamment sur les questions écologiques, scientifiques, européennes et internationales. Des séminaires de travail permettront de confronter ces analyses qui seront également publiées.

A la fin juin 2008, une journée d’études permettra de faire le point sur le travail accompli.

Quatrième temps : élaboration du Manifeste

Il est trop tôt pour définir les modalités de cette phase finale. Elle devrait déboucher au premier semestre 2009.

Contact : memoirecritique AT gmail.com Post Scriptum :

Pour Mémoire des luttes : Mireille Azzoug, Bernard Cassen, Ramon Chao, Ignacio Ramonet et Christophe Ventura.

Pour Utopie critique : Tony Andréani, Henri Benoits, Robert Charvin, Florence Gauthier, Gilbert Marquis, Michel Naudy et Danielle Riva.

[1] Mémoire des luttes est une association créée à l’initiative de Gunter Hozmann le 7 janvier 2000, et dont la mission est précisée dans le préambule des statuts : « Gunter Holzmann, engagé depuis toujours dans des luttes pour un monde plus libre, plus juste, plus égalitaire, plus fraternel et solidaire, entend agir, au-delà de lui-même, pour contribuer ces combats et maintenir vivante leur mémoire. A cette fin, il souhaite que soit créée une institution à but non lucratif à laquelle, pour la rendre pérenne, il fait un apport financier ». Gunter Holzmann, qui avait déjà fait un apport financier à l’équipe du Monde diplomatique pour garantir l’indépendance du journal, nous a quittés le 6 janvier 2001 à l’âge de 89 ans. Contact : christophe.ventura AT gmail.com, tél. : 06 76 05 23 31

[2] Utopie critique est une revue trimestrielle créée quelques années après l’effondrement de l’Union soviétique et de son État bureaucratique par une petite équipe de militants issus à la fois du mouvement social et des courants communistes et trotskistes, associés à des intellectuels, qui se reconnaissaient, en commun, critiques de la réalité sociale et politique. Partisans d’une « République autogérée », surtitre de la revue, ils se donnent la tâche de populariser cette perspective en participant au combat de chaque jour, et de comprendre les différentes expériences révolutionnaires anti-capitalistes, leurs acquis, leurs échecs et les leçons à en tirer. Contact : marquisgilbert AT wanadoo.fr, tél. : 01 43 70 49 67


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