9 janvier 1905 en Russie : l’armée tire sur une marche pacifique de 200 000 personnes arborant icônes religieuses et portraits du tsar

samedi 9 janvier 2010.
 

1) Une pétition pour dire la misère au Tsar, père vénéré de toutes les Russies

En ce début janvier 1905, la population ouvrière a froid, a faim, subit des conditions de travail et de vie ignobles. Un prêtre orthodoxe fait circuler une pétition largement signée :

Sire,

Nous, ouvriers et habitants de la ville de Saint-Pétersbourg, appartenant à différents états, ainsi que nos femmes, nos enfants et nos parents, vieillards impotents, nous sommes venus vers toi, Sire, pour chercher justice et protection.

Nous sommes dans la misère, on nous opprime, on nous écrase sous un travail au-dessus de nos forces, on nous insulte, on ne nous considère pas comme des êtres humains, on nous traite en esclaves condamnés à supporter leur sort amer et à se taire.

Nous l’avons supporté, mais on nous pousse toujours plus avant dans le gouffre de la misère, de l’injustice et de l’ignorance, le despotisme et l’arbitraire nous étouffent et nous suffoquons. Sire, nous sommes à bout de force. Notre patience est à bout. Pour nous le moment terrible est arrivé où mieux vaut la mort que la prolongation de souffrances intolérables.

Et voilà, nous avons cessé le travail et déclaré à nos patrons que nous ne le reprendrions pas tant qu’ils ne satisferont pas nos revendications. Nous ne demandons pas grand-chose, nous souhaitons seulement ce sans quoi la vie n’en est pas une, mais un bagne, une souffrance perpétuelle.

Notre première demande était que nos patrons discutent de nos besoins en commun avec nous. Mais ils ont refusé. Ils nous ont même refusé le droit de parler de nos besoins, trouvant que la loi ne nous reconnaît pas un tel droit. Nos demandes apparaissaient aussi illégales :

* réduire le nombre d’heures de travail à 8 par jour ;

* établir en commun avec nous et avec notre accord le tarif pour notre travail ;

* examiner nos malentendus avec la maîtrise des usines ;

* augmenter le salaire minimum des manoeuvres et des femmes jusqu’à un rouble par jour ;

* supprimer les heures supplémentaires ;

* traiter nos malades avec attention et sans outrages ;

* aménager les ateliers de façon que l’on puisse y travailler, et ne pas y trouver la mort à cause des courants d’air effroyables, de la pluie et de la neige.

Tout cela est apparu illégal à nos patrons et à l’administration des fabriques et des usines ; chacune de nos demandes est un crime et notre désir d’améliorer notre situation est une insolence insultante pour eux.

Sire, nous sommes ici des milliers et des milliers, nous ne sommes des êtres humains qu’en apparence, de façon extérieure ; car en réalité on ne nous reconnaît à nous comme à l’ensemble du peuple russe aucun droit de l’homme, ni le droit de penser, de parler, de nous réunir, de discuter de nos besoins, de prendre des mesures pour améliorer notre situation.

On nous a asservis et nous sommes asservis sous le patronage et avec l’aide de tes fonctionnaires. On jette en prison, on envoie en exil quiconque parmi nous ose élever la voix pour défendre les intérêts de la classe ouvrière et du peuple.

On punit comme un crime la bonté du coeur, la compassion de l’âme. Compatir avec l’homme opprimé, sans droit, persécuté signifie commettre un crime grave.

Le peuple tout entier — ouvriers et paysans — est livré à l’arbitraire du gouvernement des fonctionnaires, formé de dilapidateurs et de pillards, qui non seulement ne se soucient pas des intérêts du peuple, mais les piétinent. Le gouvernement des fonctionnaires a conduit le pays à la ruine complète, il l’ a entraîné dans une guerre honteuse et il mène de plus en plus profondément la Russie à sa perte. Nous, les ouvriers et le peuple, nous n’avons pas notre mot à dire sur la dépense des contributions énormes que l’on prélève sur nous. Nous ne savons même pas où va et à quoi sert l’argent prélevé sur le peuple réduit à la misère. Le peuple est privé de la possibilité d’exprimer ses souhaits, ses revendications, de prendre part à l’établissement des impôts et à leur dépense. Les ouvriers sont privés de la possibilité de s’organiser en associations pour défendre leurs intérêts.

Sire, est-ce conforme avec les lois divines, par la grâce desquelles tu règnes ? Et peut-on vivre sous de pareilles lois ? Ne vaut-il pas mieux mourir, mourir nous tous tant que nous sommes, peuple travailleur de toute la Russie ? Que vivent et jouissent de l’existence les capitalistes — exploiteurs de la classe ouvrière et les fonctionnaires, concussionnaires et pillards du peuple russe.

Voilà ce qui se tient devant nous, Sire, et c’est cela qui nous a réunis en direction des murs de ton palais. Ici nous cherchons notre dernier salut. Ne refuse pas d’aider ton peuple, sors-le du tombeau de l’arbitraire, de la misère et de l’ignorance. Donnelui la possibilité de façonner lui-même son destin, rejette de ses épaules le joug insupportable des fonctionnaires. Renverse le mur dressé entre toi et ton peuple et dirige le pays en commun avec lui. Tu es bien placé là pour faire le bonheur du peuple, mais ce bonheur les fonctionnaires nous l’arrachent des mains, il ne parvient pas jusqu’à nous, nous ne recevons que chagrin et humiliation.

Examine nos demandes sans colère, avec attention : elles ne visent pas au mal mais au bien, au nôtre et au tien, Sire. Ce n’est pas l’insolence qui parle en nous, mais la conscience de la nécessité de sortir d’une situation insupportable pour tous. La Russie est trop grande, ses besoins trop divers et multiples pour que les fonctionnaires puissent la gouverner seuls. Il faut une représentation populaire, il faut que le peuple s’aide lui-même et se gouverne par lui-même. Lui seul en effet connaît ses véritables besoins. Ne rejette pas son aide, accepte la, ordonne immédiatement que soient convoqués tout de suite des représentants de la terre russe de toutes les classes, de tous les états, ainsi que des représentants des ouvriers. Qu’il y ait et le capitaliste, et l’ouvrier et le fonctionnaire et le prêtre et le médecin et l’instituteur et que tous, quels


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