Non à la zone de libre-échange Europe Etats-Unis (communiqué de la Confédération paysanne et article de Politis)

mercredi 21 juin 2006.
 

Un projet de « marché sans entrave » entre l’Union européenne et les Etats-Unis sort de l’ombre au Parlement européen. Après l’AMI, le TCE et la directive Bolkestein, il faudra se montrer à nouveau vigilants et déterminés pour repousser ce nouvel avatar néocapitaliste.

Le 18 avril, la commission du commerce international du Parlement européen approuve à une écrasante majorité le rapport présenté par la député socialiste allemande Erika Mann, appelant de ses voeux un « marché transatlantique sans entrave pour 2015 ». ( !!!)

Le texte doit être discuté en séance plénière à Bruxelles le 31 mai, et soumis à un vote du Parlement le 1er juin.

Il recommande que, lors du prochain sommet entre l’Union européenne et les Etats-Unis, soit dès juin 2006, les deux parties conviennent d’actualiser le nouvel agenda transatlantique de 1995 et le Partenariat économique transatlantique de 1998, et de mettre au point un nouvel accord de partenariat, couvrant les deux et conduisant à l’instauration d’un marché transatlantique sans entrave d’ici 2015, « cet objectif devant être atteint dès 2010 en ce qui concerne les services financiers et les marchés de capitaux ».

Si le rapport est approuvé par la majorité des députés européens, il ouvrira la porte à un processus accéléré. Les partisans du projet souhaitent que « le prochain sommet Union européenne - Etats-Unis fixe sans plus attendre l’objectif consistant à parachever le marché transatlantique d∂ici 2015 » (rapport adopté le 25 avril 2006 par la commission des Affaires étrangères du Parlement européen).

Le processus est mené dans la plus grande opacité, sans que les peuples ou les parlements nationaux aient leur mot à dire.

Cela rappelle le projet d’Accord multilatéral sur les investissements (AMI), mis en échec en 1998 par sa révélation publique in extremis et une spectaculaire mobilisation populaire.

Conséquences dramatiques :

Un marché commun entre l’Union européenne et les Etats-Unis auraient des conséquences dramatiques sur la construction politique de l’Europe.

La désagrégation de l’Union dans une grande zone de libre-échange irait à l’opposé du souhait d’une majorité d’Européens de voir se réaliser une Europe sociale, basée sur les principes de solidarité.

Un an après la première tentative de passage d’une constitution qui n’en était pas une, toute acquise aux thèses néocapitalistes, voici un nouvel avatar pour une Union européenne en pleine crise de légitimité.

Les paysans et les consommateurs ne peuvent se désintéresser de la manoeuvre : un marché transatlantique sans entrave signifie l’ouverture des champs, des étables et des frigos européens aux OGM, à l’hormone laitière et au boeuf aux hormones. De nombreux territoires sont également menacés de ressembler à terme à l’Etat américain du Wisconsin, vidé de ses paysans, où seules émergent des « usines » à lait ou à viande.

La plus grande vigilance et une mobilisation sans faille seront donc nécessaires si les députés européens laissent passer un tel projet.

Et si nous demandions un référendum ? »


Vers un grand marché transatlantique

Economie : Le Parlement européen se prononcera fin mai sur une zone de libre-échange sans entrave entre les Etats-Unis et l’Union européenne. La décision a été prise sans consultation et avec l’étroite collaboration des multinationales américaines et européennes.

La mise en oeuvre d’une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne est une affaire entendue et elle ne souffre aucune consultation. La commission du commerce international du Parlement européen a en effet voté le 20 avril, sans rencontrer d’opposition et avec le soutien des députés socialistes, un rapport (1) qui ne cache pas sa volonté de mettre en place rapidement cette ambition. Des organisations comme la Coordination paysanne européenne (CPE), l’américaine National Family Farm Coalition (NFFC) et Food and Water Watch, une association américaine de consommateurs parente de Public Citizen, ont appris la nouvelle non sans s’inquiéter de l’accélération du calendrier dans un communiqué intitulé " Non à la zone de libre-échange Etats-Unis-Union européenne ". Car, fin mai, le Parlement européen se prononcera sur ce rapport présenté par la rapporteur socialiste Erika Mann (Allemagne).

La député européenne appelle de ses voeux un " marché transatlantique sans entraves pour 2015 ", cet objectif devant être atteint " dès 2010 en ce qui concerne les services financiers et les marchés de capitaux ". Elle y indique que lors du prochain sommet entre les Etats-Unis et l∂Union européenne, prévue en juin, il soit convenu d’actualiser le " nouvel agenda transatlantique de 1995 et le Partenariat économique transatlantique de 1998 ", pour mettre au point " un nouvel accord de partenariat transatlantique qui couvre les deux ". Après une longue parenthèse, le projet de zone de libre-échange impulsé par les multinationales du Trans Atlantic Business Dialogue (TABD), une organisation regroupant la quintessence des entreprises multinationales européennes et américaines, verrait ainsi le jour dans les plus brefs délais. Dans le cas d∂une adoption du rapport par une majorité de députés européens, la porte serait en effet grande ouverte " à un processus accéléré ", préviennent plus d∂une vingtaine d∂organisations (2) qui ont dénoncé cette opération menée " dans la plus grande opacité, sans que les peuples ou les parlements nationaux aient leur mot à dire ".

Ce passage à la vitesse supérieure n’a rien d∂anodin, explique René Louail, membre du bureau de la CPE : " Le fait que l’Organisation mondiale du commerce soit en panne dans les négociations actuelles du cycle de Doha, notamment sur les politiques agricoles, permet ce genre d∂initiative. Les accords bilatéraux de libre-échange sont un moyen de contourner les difficultés ". Le rapport d’Erika Mann préconise de suivre la voie d’un " partenariat économique transatlantique renforcé " dans une optique purement libérale qui exige de s’en remettre à l’OMC en cas de différends commerciaux, afin d’éviter le recours à des " mesures protectionnistes ". " Les entraves réglementaires sont devenues l’un des obstacles les plus importants aux échanges et aux investissements entre l’UE et les Etats-Unis " et " les exigences [sont] excessivement lourdes en matière d’étiquetage ", explique-t-on aussi. La CPE se demande " ce qu’il adviendrait alors de l’interdiction dans l’Union européenne de l’hormone laitière et des hormones de croissance bovine. Les Européens se verraient-ils imposer des OGM non étiquetés ? C’est notre droit à choisir notre alimentation et ses méthodes de production qui seraient foulés du pied si un tel projet voyait le jour ". Le document a pourtant été approuvé à une écrasante majorité par plusieurs commissions du Parlement européen, consultées pour avis, et ne s’intéresse pas qu’à l’agriculture. La zone de libre-échange se doit de " reconnaître le rôle important de l’énergie nucléaire pour la production d’énergie sans émission de carbone et poursuivre les recherches conjointes portant sur l’amélioration de cette technologie vitale ". Et pour ce qui concerne les marchés publics, le rapport " recommande qu’un inventaire complet de toutes les entraves d’ordre juridique, pratique et technique aux marchés publics transfrontaliers entre les deux partenaires et une liste des mesures à adopter pour y remédier soient formellement adoptés lors du sommet de 2006 ", c’est-à-dire dans quelques semaines.

" La désagrégation de l’Union européenne dans une grande zone de libre-échange irait à l’opposé du souhait d’une majorité d’Européens d’une Europe sociale, basée sur des principes de solidarité ", s’inquiète les organisations opposées à la zone de libre-échange. Ce souhait, exprimé notamment par les " non " au Traité constitutionnel européen en mai 2005, a peu de chance d’être écouté lors du prochain sommet transatlantique. Les dirigeants de multinationales du TABD sont à l∂origine du projet de partenariat économique transatlantique et le calendrier des négociations avance au rythme des propositions des multinationales membres de cette organisation qui a établi des liens étroits avec la Commission européenne (3). A tel point que les grands patrons présentent chaque année un rapport qu∂ils remettent en mains propres aux dirigeants politiques en marge des sommets transatlantiques. Ainsi, le rapport 2005 du TABD a inspiré en grande partie le rapport d’Erika Mann. Si tout va bien, lors du prochain sommet, il ne restera plus qu’à valider un document fourni clé en main par des multinationales.

Thierry Brun

(1) Rapport final sur les relations économiques transatlantiques UE-Etats-Unis, commission du commerce international, Commission du commerce international. (2) Les signataires français sont Action consommation, Attac France, la Confédération paysanne, la Fondation Copernic, Pour la république sociale (Jean-Luc Mélenchon), l’Union syndicale Solidaires, l’Urfig. (3) Lire Europe, la trahison des élites, Raoul Marc Jennar, 2004.

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POLITIS

Un accord de longue date Expédié en quelques heures, le sommet Etats-Unis-Union européenne de juin 2005 à Washington s’est achevé par l’adoption d’une série de propositions concoctées par le Trans Atlantic Business Dialogue (TABD), un groupe transatlantique de multinationales dont les recommandations sont suivies par la Commission européenne. La décision est prise quelques semaines après les " non " français et néerlandais au Traité constitutionnel européen et à la fameuse " concurrence libre et non faussée ". Un programme de travail commun est rapidement mis en place par l∂administration de George W. Bush et Bruxelles pour concrétiser une ambition qui remonte à avril 1998. Après l’échec de la signature d’un accord multilatéral sur l’investissement (AMI) au sein de l’OCDE, un New Transatlantic Market (NTM) est à l’époque mis sur la table des négociations par Leon Brittan, commissaire européen au commerce extérieur. Le projet est aussitôt menacé de veto par le Président Jacques Chirac et son Premier ministre, Lionel Jospin. Quelques semaines plus tard, en mai 1998, le NTM ressurgit sous le nom de Partenariat économique transatlantique (PET) et est adopté sans coup férir par Bill Clinton et Jacques Santer, président de la Commission européenne, au sommet du G8 à Birmingham. Le projet de PET fit l’objet d’une levée de bouclier du Parlement européen et des mouvements altermondialistes. T. B.


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