Ségo trahie par son blog... Les limites d’une adhésion affective (Par Élie Arié, ancien secrétaire national du MRC)

jeudi 7 février 2008.
 

Que peut-on tirer de l’analyse de l’his­toire du site Web de Ségolène Royal, que je me suis astreint à fréquenter assidument pendant un an ? Les caractéris­tiques de ce blog découlent de celles de la sé­lection très particulière de ses contributeurs :

1) une forte majorité de gens totalement novices en politique, grisés par le mythe d’« être enfin écoutés »

2) du fait de la forte composante affective que Royal a choisi de donner à sa campagne, une forte proportion d’adhésions exclusive­ment liées à sa personne, prêtes à la suivre in­conditionnellement dans toutes ses lignes po­litiques

3) surtout, l’élimination par des censeurs impitoyables de tout message comportant la moindre critique et susceptible de porter at­teinte au culte de la personnalité que ce blog a pour but d’entretenir, ce qui a eu pour effet de le vider progressivement de presque tous les contributeurs aux discours un peu struc­turés jugés susceptibles de démoraliser des troupes que l’on souhaite bien-pensantes ou non pensantes.

Dans un premier temps, jusqu’à ce que Royal ait dévoilé son « pacte » électoral, le blog a fonctionné par thèmes, puis chacun d’entre eux a été conclu par un « Ce que j’en retiens » de la candidate, sans aucun rapport avec les contributions des internautes, mais entretenant l’illusion, chez les plus naïfs d’entre eux, qu’ils avaient personnellement participé à l’élaboration de son programme.

Dans cette première période, on a vu émerger quelques thèmes qui différencient ce blog politique : une hallucinante idolâtrie, avec poèmes, messages d’amour, états de transe après chacune de ses interventions mé­diatiques ; la conviction que « Ségolène allait être élue dès le premier tour » ; le thème ré­current que « tous les sondages sont truqués par le MEDEF, puisque Parisot est pré­sidente de l’IFOP » ; une incohérence poli­tique totale de nombreux contributeurs ex­pliquant, tant que Bayrou talonnait Royal dans les sondages, que rien ne le différenciait de la droite dure UMP, puis, entre les deux tours, que rien ne le différenciait vraiment de Royal.

Dans une deuxième phase, ce blog s’est ré­duit à un tchat, au nombre de contributeurs de plus en plus réduit, sans la moindre orga­nisation susceptible de donner lieu à un dé­bat suivi, et dont la majorité des thèmes peu­vent être regroupés en quelques grandes ca­tégories : des conseils stratégiques directement adressés à Ségolène Royal (créer ou non son propre parti, etc.) par des contri­buteurs persuadés qu’elle lisait leurs mes­sages ; une diabolisation infantile de Sarkozy, présenté comme « incapable », « sans cohé­rence politique » (mais néanmoins « aux ordres du CAC 40 »), et même « émule de Hitler » ; un manichéisme binaire finalement assez inquiétant par ce qu’il révèle d’intolé­rance fanatique : tous les politiques qui sem­blent soutenir Royal sont portés aux nues, mais précipités aux enfers lorsqu’ils émettent le moindre jugement positif sur la personnalité de Sarkozy ou sur un aspect ponctuel de sa politique : c’est le sort qui a été successive­ment réservé à Julien Dray, Manuel Valls et Elisabeth Guigou ; face à tous les problèmes qui se posent à la gauche, des propositions ré­duites à des incantations ou à des slogans : « Ségolène résoudra le problème de la mon­dialisation », « la solution, c’est le gagnant-gagnant », « la solution, c’est une table ronde », etc. Le tout restant sous le contrôle de plus en plus vigilant des censeurs, qui sup­priment toute réflexion politique au profit d’une infantilisation dont les effets sont pour­tant ravageurs pour l’image de Royal auprès de ceux qui souhaitent se faire une idée de ce qu’est la « démocratie participative ».

Ce forum a ensuite connu une dérive anarchisante, appelant à des grèves et des mani­festations pour obtenir la démission d’un pré­sident et d’une Assemblée démocratiquement élus. Aujourd’hui, les participants attendent de savoir ce que pense Royal du rapport At-tali pour décider ce qu’ils doivent eux-mêmes en penser...

En conclusion : cette fragilité de soutiens purement affectifs à Ségolène Royal, suscep­tibles de s’envoler au moindre événement po­litique, amène à s’interroger sur sa responsa­bilité dans cet échec, soulignant que sa dé­marche de « démocratie participative » n’était qu’une opération de marketing poli­tique ; elle illustre les limites politiques, voire les dangers, d’une candidature exclusivement fondée sur l’adhésion affective, le populisme sentimental et le culte de la personnalité.


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