Rétablir la souveraineté populaire en France, en Europe et au niveau international ! ( Manifeste PRS 9 )

vendredi 29 septembre 2006.
 

Patrick Carles a interpelé Jean Luc Mélenchon comme PRS 12 dans l’article publié sur ce site sous le titre : "Quelles sont donc les propositions concrètes que vous faites dans le domaine des institutions ?" . Les questions qu’il pose correspondent à des soucis fréquemment exprimés aujourd’hui par les citoyens. En conséquence, nous avons ouvert la rubrique "6ème république" et mettons en ligne cette partie du manifeste de PRS sur le sujet.

A rebours de l’émancipation politique, le fonctionnement oligarchique des institutions ramène progressivement les citoyens à l’état de sujets. Avec une abstention toujours plus massive et socialement située, on assiste progressivement à une véritable dérive censitaire : les couches les plus aisées votent et déterminent la politique du pays au nom du peuple tout entier. Ces mêmes privilégiés développent la thèse de l’irréductible complexité du monde, pour démontrer l’incompétence politique du peuple et justifier le recours croissant aux experts et aux lobbies. Jamais depuis longtemps la volonté populaire n’avait été aussi clairement piétinée. Tout y concourt : la démission du politique face à la mondialisation libérale, l’affaiblissement du cadre national avec la décentralisation et la dilution de l’espace européen en une zone de libre-échange, le démembrement de la puissance publique en un maquis administratif, la domination à tous les niveaux d’élites technocratiques acquises au libéralisme, la transformation de l’ambition politique de changement en une vision gestionnaire du système.

Face au recul de la capacité des peuples à intervenir dans l’histoire, un rétablissement de la souveraineté populaire doit s’effectuer aux niveaux international, européen et national.

3.1.4 DEMOCRATISER LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

Les institutions financières internationales (OMC, FMI ...) dominent aujourd’hui l’espace mondial et imposent les priorités du commerce et des marchés dans toutes les autres enceintes internationales. Elles fonctionnent selon un régime censitaire, où le poids des Etats dans la décision dépend de leur participation financière ou de leur puissance commerciale. Aujourd’hui marginalisées, les institutions multilatérales classiques fonctionnent au contraire sur la base de l’égalité des Etats et de la souveraineté des peuples comme seule légitimité. L’intégration de l’OMC au système des Nations Unies fondé sur le respect de la souveraineté des Etats, contribuerait à rétablir le principe un État, une voix.

Au niveau international comme au niveau national, la question du contenu des politiques est directement liée à la nature des institutions. Seul un système mondial démocratisé peut ainsi remettre sur le devant de la scène l’intérêt général de l’Humanité et permettre d’inverser la hiérarchie des normes au niveau international. Les normes commerciales et financières seraient subordonnées aux droits humains, aux droits sociaux et aux impératifs environnementaux. Ce renversement des normes va de pair avec le droit des Etats et des ensembles régionaux à mettre en œuvre souverainement leurs propres politiques économiques (services publics, souveraineté alimentaire, droits et tarifs douaniers...), sociales et environnementales, sans se voir opposer la loi d’airain du commerce libre. A nouveau, l’intégration de l’OMC au système des Nations Unies permettrait de rapprocher les règles de droit du commerce international et celles qui protègent la personne humaine et les peuples.

Tant que cette démocratisation de l’ordre international ne sera pas réalisée, chaque peuple sera légitime à ne plus consentir aux normes imposées par des institutions qui ne représentent pas les populations.

3.1.5 « RECONSTITUER LE PEUPLE » : UN PROCESSUS CONSTITUANT POUR LA FRANCE ET POUR L’EUROPE

L’émancipation politique implique la reconnaissance du principe de souveraineté populaire comme fondement de la communauté politique et de l’action des pouvoirs publics. Pour traduire cette souveraineté en actes, il faut d’abord redonner à chaque citoyen sa place dans la vie publique. Il faut en quelque sorte reconstituer le peuple en voie d’éclatement. Un processus constituant est nécessaire en France et en Europe pour réintroduire le plus grand nombre dans le jeu démocratique. La communauté légale retrouvera ainsi les moyens de sa souveraineté. La loi pourra à nouveau s’imposer aux intérêts particuliers dans tous les domaines. Redonner à la communauté légale les moyens de sa souveraineté exige donc de refonder les cadres politiques dans lesquels la communauté de citoyens peut décider de son avenir en commun. Cela passe d’abord par la création d’une véritable Europe politique, comme espace de solidarités et de droits sociaux et non comme zone de libre-échange.

3.1.6 UNE CONSTITUANTE POUR L’EUROPE

C’est l’organisation d’un référendum qui a permis l’irruption des peuples français et néerlandais sur la scène européenne. Il faut un processus similaire au niveau européen. La construction de l’Europe par le haut est en effet vouée à l’échec car les élites européennes gagnées au libéralisme promeuvent désormais un projet contraire aux intérêts de la majorité des citoyens européens. Il faut donc redonder la construction européenne sur la volonté populaire exprimées par le débat puis le vote. Il s’agit de construire progressivement une République fédérale européenne respectueuse de l’intérêt général et non plus esclave des intérêts financiers et des lobbies.

Ceux qui croient que l’on pourrait obtenir une inflexion radicale de la construction européenne sans une nouvelle intervention des citoyens sur le terrain politique se trompent. La stratégie d’une simple renégociation au sommet sans intervention populaire est vouée à l’échec. De même celle d’une pression exercée uniquement par le mouvement social, en l’absence de partenaire politique capable de la relayer majoritairement. L’Europe ne changera pas tant que les citoyens européens ne prendront pas enfin le pouvoir pour imposer leurs choix. C’est pourquoi nous proposons la convocation d’une Constituante européenne, élue par les citoyens pour rédiger la nouvelle Constitution dont l’Union a besoin. Si les conditions n’étaient pas réunies pour engager ce processus dans l’Europe à 25, il pourrait être immédiatement amorcé par un noyau d’Etats, à commencer par le couple franco-allemand.

3.1.7 METTRE LE PEUPLE AUX COMMANDES POUR ENGAGER LA REFONDATION REPUBLICAINE DE LA FRANCE

Mettre le peuple aux commandes, c’est non seulement un objectif en soi, mais c’est la condition nécessaire au succès d’un processus constituant de grande ampleur. Au moment de la Révolution Française, le renversement radical de l’ordre ancien par la loi n’a été possible que grâce à la mobilisation du peuple. Robespierre l’avait parfaitement résumé : « Quand la loi a pour principe l’intérêt public, elle a le peuple lui-même pour appui, et sa force est la force de tous les citoyens dont elle est l’ouvrage et la propriété. ». Aujourd’hui encore, au Venezuela comme en Bolivie, la transformation sociale est d’autant plus radicale qu’elle est fondée sur l’implication populaire.

Dans tout système où s’est installé un apartheid social, la réintégration des pauvres dans le jeu est en particulier un puissant levier de bifurcation de l’ensemble de la société. Dans les processus constituants réellement populaires, les pauvres sont les plus ardents militants du dépassement du système car ce sont ceux qui tiennent le moins à l’ordre en place.

En France, le processus constituant doit solder le déni démocratique de la Ve République. Face à la personnalisation outrancière du pouvoir, la VIe République doit rendre au peuple sa souveraineté. Cela implique de donner au Parlement la prééminence politique pour rendre au législateur la définition de l’intérêt général. Dans cette logique, l’actuel système de contrôle de constitutionnalité des lois qui bride le souverain sans véritable légitimité n’a plus de raison d’être.

Mais ce processus suppose dans le même temps de limiter drastiquement le cumul des mandats et d’aller vers le mandat parlementaire unique afin que les élus puissent se consacrer pleinement à la charge législative.

La représentation élective doit être aux couleurs du peuple. La parité hommes/femmes s’impose pour surmonter les effets de la société patriarcale, qui freine l’accession aux mandats de la moitié de la population. L’élection des plus modestes aux responsabilités publiques doit être la priorité d’un véritable statut de l’élu, assurant une sécurité économique et sociale pendant la campagne, durant le mandat et facilitant une reconversion effective après. Le droit de vote et d’éligibilité des étrangers doit enfin être concrétisé pour les élections locales. Cet élargissement de la citoyenneté sera l’occasion d’ouvrir un grand débat sur le lien entre citoyenneté et nationalité, qui permettra notamment de poser les bases d’une politique d’accès élargi à la nationalité.

Mais la souveraineté du peuple ne doit pas s’exprimer lors de l’élection des représentants pour s’éclipser ensuite quand ils gouvernent. La refondation républicaine du pays suppose que l’intervention populaire se poursuive et se conjugue avec le gouvernement, grâce à de nouveaux processus permettant d’associer la population à la définition du bien commun. Pour que les citoyens soient partie prenante de la définition des objectifs prioritaires de la Nation, le travail législatif doit être préparé et accompagné par la présentation publique et la discussion argumentée des principales lois dans des ateliers civiques, dont le cadre d’organisation pourrait être les circonscriptions électorales. Le Parlement et l’Etat, comme les collectivités locales et les médias doivent dégager les moyens nécessaires à la mise en place de ces procédures participatives. Le recours à des référendums nationaux, mais aussi à des consultations sous la forme d’Etats-Généraux est un autre moyen de rendre le peuple maître des choix engageant durablement le développement du pays. La capacité permanente du peuple à changer ses lois doit enfin être reconnue à travers la possibilité de référendums d’initiatives populaires pour abroger ou proposer une loi. Au niveau local, la mise en place de budgets participatifs doit également devenir un nouveau mode d’élaboration des politiques publiques avec la population.

Revenir sur l’acte II de la décentralisation et renforcer la péréquation financière entre les territoires français sera indispensable pour rétablir la continuité de la puissance publique sur tout le territoire. Pour que la loi s’impose à nouveau partout et pour tous, le démembrement de l’administration en d’innombrables agences et autorités indépendantes devra être stoppé. Certaines devront être réintégrées dans l’appareil d’Etat ; toutes devront être placées sous le contrôle du Parlement et de la population.

A nouveau souverains dans la conduite des affaires publiques, les citoyens ne doivent pas redevenir serfs de retour dans l’entreprise où ils travaillent. La logique « une action une voix » qui prévaut aujourd’hui dans la sphère économique doit s’effacer devant le principe « un homme une voix ». Pour peser sur les grandes décisions économiques ayant un impact social, les institutions représentatives du personnel doivent être étendues là où elles n’existent pas et dotées de nouveaux pouvoirs contraignants.


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