L’Autriche, du fascisme clérical au nazisme

vendredi 10 avril 2020.
 

De 1890 à 1945, l’Autriche a représenté un terrain favorable, un véritable bouillon de culture pour tous les fascismes (clérical, patronal, nationaliste communautaire, post-féodal, militaire, populiste petit-bourgeois...).

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’Hitler soit né autrichien, qu’il ait été formaté idéologiquement dans ce pays.

Il n’est pas étonnant que ces différentes forces aient convergé vers l’Anschluss et le nazisme.

Il n’est pas étonnant que ces courants aient retrouvé une audience électorale bien après l’effondrement de 1945 (Jörg Heider, Heinz Christian Strache...).

F) De la révolution autrichienne au cléricalisme fascisant

Comme dans d’autres pays d’Europe, l’Autriche connaît à partir de 1918 une période de radicalisation sociale et politique qui réduit à néant la dynastie, qui porte au pouvoir la social-démocratie, qui génère des progrès importants du point de vue démocratique et pour la classe ouvrière.

12 novembre 1918 La révolution autrichienne chasse le dernier empereur Habsbourg

Deuxième parti du pays lors des élections législatives de mars 1919, le parti chrétien-social réussit habilement à participer à un gouvernement de coalition avec la social-démocratie majoritaire tout en faisant retomber les décisions et réalités impopulaires sur elle puis en démissionnant au bon moment. Aussi, lors des législatives suivantes (17 octobre 1920), les chrétiens-sociaux devinrent la principale force politique du pays.

Le principal dirigeant politique des chrétiens-sociaux se nomme Ignaz Seipel, prêtre et professeur de théologie morale, devenu chancelier le 31 mai 1922. Il dirige une majorité de droite appelée "bloc bourgeois" (en particulier avec les Grands-Allemands) qui mène une politique :

- austéritaire : nouveaux impôts dont taxes indirectes (sel, tabac), réduction du budget de l’Etat dont licenciement de plus du tiers des fonctionnaires (100000 sur 270000)...

- et déjà autoritaire (loi des pleins pouvoirs habilitant le gouvernement à se passer du Parlement pour toute décision touchant à l’équilibre budgétaire) même si sur ce point il s’agit d’une obligation imposée par le capital financier.

G) Les Heimwehren : des milices privées d’extrême droite essentiellement anti-ouvrières et antidémocratiques

Dès les années 1919, 1920 et 1921, les Heimwehren constituent un mouvement paramilitaire fasciste de masse bénéficiant d’un soutien patronal, clérical, militaire et royaliste. Tous les milieux "libéraux" et conservateurs ont financé ces groupes (souvent composés d’anciens combattants démobilisés) pour défendre" la propriété, l’ ordre et la tradition".

Après la victoire de la révolution démocratique de novembre 1918, la social-démocratie et les conseils ouvriers sont politiquement hégémoniques dans la capitale et au Parlement. Tel n’est pas le cas dans les provinces rurales traditionalistes comme le Tyrol, la Styrie et la Carinthie. Au Tyrol par exemple, le parti chrétien-social crée une Fédération des Milices Patriotiques (Heimatwehr) bénéficiant du soutien du gouvernement régional. « Aux yeux de ces gouvernements provinciaux conservateurs, les heimwehren firent figure d’une sorte de réserve des forces de l’ordre, de police auxiliaire d’urgence à laquelle on fit parvenir, en sous-main, autant d’armes que possible » L’Autriche de 1918 à 1938 De la révolution à l’annexion, Félix Kreissler.

En mars 1920, une partie de l’armée allemande réussit un coup d’état en bénéficiant de la neutralité bienveillante du reste de l’armée. Le dirigeant de ce putsch se nomme Wolfgang Kapp, précédemment co-président du Parti de la Patrie Allemande, aïeul du parti nazi.

Allemagne Pourquoi et comment le patronat a fondé le fascisme ?

L’opération échoue finalement mais plusieurs organisations paramilitaires (Organisation Kanzler, Organisation Escherisch...) avec dirigeants, fonds et armes fuient en Autriche où elles sont accueillis à bras ouverts par la droite autrichienne (Rintelen, Ahrer...) qui les fait financer par le patronat industriel autrichien. Leur professionnalisme militaire, leur formation idéologique d’extrême droite, leur expérience en font des modèles pour les Heimwehren.

Notons que l’Association des industriels subventionne directement dès ces années d’après guerre les Heimwehren comme le prouvent plusieurs sources. Elle demande à ses adhérents de leur verser un pour cent de toute leur masse salariale. « L’industrie n’a jamais nié avoir fourni des sommes considérables pour renforcer le mouvement des Heimwehren » (Ernst Streeruwitz, chancelier fédéral chrétien-social). « Pour votre information nous vous communiquons, de manière tout à fait confidentielle, que les sommes provenant de toute l’industrie d’Autriche sont utilisées pour organiser les Heimwehren... » (circulaire de la fédération patronale du papier).

Dès le début des années 1920, le mouvement des Heimwehren se compose de forces diverses et parfois concurrentes : des nazis (Défense allemande), des fascistes cléricaux (membres du parti chrétien-social), des royalistes (fédération Ostara), des militaires (par exemple officiers dirigeant le service d’ordre de la "Fédération des anciens combattants")... Nous retrouverons ces grands courants dans la diversité des fascismes autour de 1940.

Félix Kreissler note la concomittance entre le début de la campagne patronale contre "les charges sociales" et les assassinats perpétrés par les Heimwehren contre des syndicalistes et militants de la social-démocratie.

F) Le soutien du gouvernement chrétien-social et de la Justice aux Heimwehren assassins ouvre la porte au fascisme

15 juillet 1927 : patronat, justice, police et fascistes autrichiens écrasent la gauche


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