Pourquoi les citoyens votent-ils pour les élites et profiteurs d’un système inhumain ? (réponse de Jacques Généreux dans La dissociété et désaccords sur cette réponse)

vendredi 5 février 2016.
 

Je viens de commencer la lecture du livre de Jacques Généreux : LA DISSOCIETE. L’auteur est un universitaire ; il fait partie des dirigeants socialistes qui ont fait activement campagne pour le NON au TCE en 2005. Après avoir dénoncé l’Europe libérale avec Dolez et Filoche, il s’attaque dans ce livre à l’explosion individualiste de la société actuelle caractérisée de "maladie sociale dégénérative".

Vu l’ambition théorique de cet ouvrage, il me paraît utile de l’acheter, de le lire, d’en profiter pour réfléchir aux questions qu’il pose. En ce qui me concerne, je viens de terminer la présentation générale ; c’est peu. Cependant, avant que la vie de fou que nous menons ne m’ait fait zapper sur un autre sujet, je livre déjà quelques modestes remarques à nos lecteurs.

A) Pourquoi votent-ils pour une société inhumaine ? Questions, réponses et affirmations de Jacques Généreux dans sa présentation de La dissociété

"Pourquoi et comment, aussi intelligents et puissants que nous soyons, pouvons-nous, seuls ou collectivement, décider le pire plutôt que le meilleur ?"

Telle est la question posée par Jacques Généreux dès les quatre premières lignes de son livre. Il la formule avec d’autres mots dans sa "présentation générale" :

* "Pourquoi la majorité accepterait-elle un monde atroce voulu par une minorité, dans des pays où le pouvoir politique dépend de l’opinion et du soutien de la majorité des électeurs ?"

* "En démocratie, pourquoi une majorité se soumet-elle au choix d’une minorité, si d’une manière ou d’une autre, elle n’y trouve pas son compte"

Jacques Généreux liste trois réponses possibles à ce même paradoxe :

a) "des tyrans absolus ont le pouvoir d’imposer une société nuisible pour le plus grand nombre : c’est la thèse de la domination".

b) "La société de compétition généralisée est la plus conforme aux aspirations de l’être humain : c’est la thèse néo-libérale".

c) "Les humains peuvent mettre en place et accepter librement une société contraire à leurs aspirations : c’est la thèse pathologique qui est privilégiée dans ce livre... Ainsi, (j’ai) fini par explorer l’hypothèse suivante : se pourrait-il que nous vivions dans une société inhumaine au sens le plus fort (destructrice de l’être humain), non pas contraints et forcés par quelques tyrans fous, mais dans une certaine mesure librement (si ce n’est délibérément) et donc pour des raisons qui tiennent à notre humanité même ? Autrement dit : se pourrait-il que la façon la plus spontanément humaine de se défendre contre la souffrance psychique engendrée par une société ihumaine ait pour effet de conforter celle-ci au lieu de la combattre ?"

L’auteur rejoint ici un autre point fort posé dès le début : "L’impuissance apparente du politique, dans les nations les plus puissantes, peut conduire à un questionnement sur la nature de l’être humain et des sociétés humaines."

B) Jacques Généreux aborde cette question centrale du rapport des dominés aux dominants hors de toute comparaison avec d’autres périodes historiques

Je fais partie des militants qui ne veulent pas jeter par dessus bord l’héritage théorique du socialisme mais plutôt participer à un travail collectif pour le revisiter, le critiquer, l’enrichir de façon à être plus efficace aujourd’hui et demain. Dans cet héritage théorique du socialisme figure le matérialisme historique pour lequel les idées d’une époque sont fortement dépendantes des rapports sociaux ; en conséquence, on ne peut étudier ces idées indépendamment des sociétés dans lesquelles elles fleurissent.

La domination des classes dominantes présente des aspects assez semblables, donc conceptualisables.

Par exemple, dans l’Antiquité comme au Moyen-Age, au 18ème comme à la Belle Epoque, de l’Empire romain à la Chine impériale, en passant par la Mésopotamie, l’Egypte, l’Inde et les Incas, la société comprenait un petit nombre de "concepteurs idéologiques actifs" et une masse de "récepteurs passifs".

Quels étaient ces "concepteurs idéologiques actifs" ?

* la classe sociale (ou les couches sociales) dominante

* l’idéologie dominante portée par cette classe

* la religion qui présentait la société en place comme émanant de Dieu et qui déviait les aspirations de justice, d’humanité... vers la quête de l’au-delà.

* l’appareil idéologique de transmission des savoirs qui reproduisait la division du travail en la masquant parfois par une prétendue compétition scolaire

* la Justice qui consacrait la légalité de la domination tout en donnant l’illusion de respecter le Droit.

Cette domination idéologique n’aurait pas régné aussi facilement sans trois adjuvants fondamentaux :

* le monopole de la violence par l’Etat et l’action répressive des forces de l’ordre

* le rôle protecteur joué dans le même temps par cet Etat ( face aux envahisseurs, face aux inondations et autres calamités naturelles, pour la constitution de réserves alimentaires, dans le domaine de la santé et des grands travaux...

* des possibilités d’émancipation individuelles (ne remettant pas en cause le coeur du système) pour donner l’illusion d’un possible ascenseur social (par l’affranchissement d’esclaves, par l’octroi du statut de citoyen, par l’attribution de terres en fin de service militaire, par les franchises urbaines, par un faible pourcentage de réussite scolaire parmi les enfants émanant de milieux populaires...)

Ces rapports de domination n’étaient pas le fruit d’une psychologie particulièrement méchante et hypocrite des dominants et de leurs lieutenants. Ils étaient essentiellement le fruit de contextes historiques dont ceux-ci n’avaient pas eu la responsabilité au départ, d’évolutions sur lesquelles ils agissaient mais qui ne relevaient pas, pour l’essentiel d’un choix délibéré.

C) Jacques Généreux aborde cette question centrale du rapport des dominés aux dominants hors de toute référence à la riche réflexion du mouvement socialiste sur le sujet


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