35 heures et vaines promesses 3 questions à Liêm Hoang Ngoc (professeur d’économie à l’université Paris-I et membre du conseil national du PS)

lundi 21 janvier 2008.
 

Nicolas Sarkozy s’est prononcé franchement et clairement, lors de sa conférence de presse, pour la fin des 35 heures, qu’il qualifiait encore d’ « acquis social » il y a un mois. Est-ce une surprise ?

LHN : Ce n’est pas une surprise, d’autant que, lors de ses vœux du 31 décembre, il avait déjà évoqué le chantier de la suppression des 35 heures. Le premier clou enfoncé a été la défiscalisation des heures supplémentaires. Le deuxième a été l’encouragement donné aux rachats de RTT. Mais, dans les deux cas, l’utilisation des heures additionnelles devient plus onéreuse pour l’employeur.

Le meilleur moyen pour augmenter le nombre d’heures travaillées sans en alourdir le coût est donc d’allonger la durée légale du travail au-delà de 35 heures. C’est une revendication notamment portée par Laurence Parisot pour le Medef, qui réclame que la durée du travail puisse être décidée par accord de branche ou d’entreprise. François Fillon s’est fait récemment l’écho de ce vœu : s’il était mis en application, on reviendrait avant 1848, date de la première loi sur la durée légale du travail...

Le président de la République s’est aussi prononcé pour une extension de la participation et de l’intéressement aux PME, et pour la conditionnalité des allègements de charges à des négociations salariales. Des solutions au problème du pouvoir d’achat ?

LHN : Il existe dans ce pays un tabou sur les hausses de salaires. Les dispositifs de participation et d’intéressement ne touchent qu’une minorité de salariés et ne sont pas développés dans toutes les entreprises. On aura beau inciter les petites entreprises à le faire, elles ne le pourront qu’à deux conditions, qu’elles réalisent des bénéfices et que les salariés acceptent les dispositifs de participation : ceux-ci ne sont pas soumis aux cotisations retraites et donc contradictoires avec le fait de demander au salarié de cotiser plus.

L’annonce de la conditionnalité des allègements de charges, elle, relève de la communication. L’objectif de ces allègements est de diminuer le coût du travail mais, si on augmente le salaire net en parallèle, l’effet est nul. Si le gouvernement a vraiment confiance dans la baisse des charges, il devrait au contraire poursuivre les baisses engagées depuis 1993. Or, celles-ci sont coûteuses et inefficaces, puisque la plupart des études tendent à montrer qu’elles n’ont créé que 250.000 emplois environ. De toute façon, le premier problème de l’économie française n’est pas la rigidité du marché du travail : c’est le fait que les entreprises ne dépensent pas assez en investissements, y compris les grandes entreprises, qui disposent de fonds propres et de capacités d’autofinancement. Résultat : tout le tissu des PME sous-traitantes voit ses carnets de commandes se vider.

Le chef de l’Etat a aussi évoqué le possible rôle de la Caisse des dépôts (CDC) dans la protection des entreprises françaises face aux fonds souverains et spéculatifs. Ce « patriotisme économique » est-il justifié ?

LHN : Il existe un consensus sur le rôle important que doit avoir la CDC dans la préservation de "noyaux durs" dans les industries stratégiques, mais cette annonce relève aussi de la communication : sous l’influence d’Henri Guaino, Nicolas Sarkozy fait fréquemment vibrer la fibre gaulliste quand des problèmes de politique industrielle lui sont soumis.

Mais, sur le fond, la politique industrielle du gouvernement consacre la rupture définitive du RPR (prédécesseur de l’UMP) avec le gaullisme, opérée au début des années 90. En témoigne la poursuite du "détricotage" du contrôle de la puissance publique sur l’industrie, avec notamment la privatisation de GDF, et les concessions faites sur le nouveau traité européen, qui interdit toute politique industrielle nationale.

Liêm Hoang-Ngoc est professeur d’économie à l’université Paris-I et membre du conseil national du PS.


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