Pourquoi la hausse du gaz est scandaleuse (suivi de "Le salaire du président de GdF pourrait être multiplié par six")

mardi 8 janvier 2008.
 

Passée presque inaperçue, la confirmation de la prochaine augmentation du gaz est tombée de la bouche de la ministre de l’Economie. Sans susciter beaucoup de commentaires. Il faut pourtant rappeler que le PDG de GDF :

* avait promis la stabilité des tarifs jusqu’en 2010,

* que son entreprise bat chaque année son niveau record de bénéfices,

* mais que ses actionnaires exigent des dividendes toujours plus élevés.

1) Pourquoi la hausse du gaz est scandaleuse ?

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Au moment où le gouvernement prétend se démener pour lutter contre la baisse du pouvoir d’achat, il donne son aval à une nouvelle ponction sur les revenus, sur un poste budgétaire vital. Les ménages modestes qui, déjà, ne s’en sortent plus, seront les premières victimes. Mais les actionnaires du futur GDF-Suez feront bombance.

Deux simples mots : service public. L’idée que certains biens ou prestations ne sont pas des marchandises comme les autres, qu’ils sont indispensables à une existence décente et que le rôle de l’Etat, dans un pays riche, est de s’assurer que ses ressortissants n’en soient pas privés : que chacun dispose d’un minimum, que chacun puisse par exemple se nourrir, se soigner s’il est malade, avoir un toit au-dessus de la tête, la possibilité de se chauffer... Une élémentaire solidarité nationale commande que ce type de besoin de base ne soit pas exploité par des actionnaires privés touchant de juteux dividendes.

Quand de plus en plus de Français tirent chaque mois le diable par la queue, n’y arrivent plus, décrochent peu à peu, plongent dans la spirale de l’endettement, ne peuvent pas se loger décemment, le pouvoir est impuissant à cacher que les inégalités se creusent et que, hormis la minorité qu’il chouchoute - qu’il a fallu protéger d’un bouclier fiscal -, la plupart de nos concitoyens vit de plus en plus difficilement. La pathétique réponse sarkoziste réside dans l’exhortation à toujours plus de labeur. Il faut travailler plus, sacrifier repos et vie personnelle, partir plus tôt, rentrer plus tard, abandonner le dimanche chômé qui permet de passer un peu de temps en famille, d’accompagner les petits faire du sport, bientôt renoncer aux vacances...

Et l’on nous sommes d’endurer cette existence pendant toujours plus longtemps, avant d’avoir droit à une retraite (de misère) : voilà le progrès social vu par le Président ! Sans compter que le "travailler plus pour gagner plus" et les mesures en passe d’être votées à l’Assemblée nationale, censées doper le pouvoir d’achat - se souvient-on que son amélioration figurait déjà dans l’objectif de la loi Lagarde de juillet et son paquet fiscal ? -, ne concernent bien évidemment qu’une minorité de Français.

Les salariés à qui les employeurs accorderont des heures supplémentaires, consentiront à verser des primes défiscalisées, accepteront de racheter les RTT. Nombre de ceux-là, étranglés financièrement, n’auront d’autre choix que de se résigner à l’allongement du temps de travail, si bien que mettre en avant le volontariat, dans ce contexte économique de bas salaires et de chute du pouvoir d’achat, est une nouvelle imposture. Et tous les autres ? Ceux à qui on ne propose pas plus de 20 heures par semaine, les temps partiels subis, les précaires, les chômeurs, les retraités, comment vont-ils faire pour travailler plus ? Eux sont juste condamnés à se serrer toujours davantage la ceinture. Et ils paieront des franchises médicales s’ils sont coupables d’être malades ! Et les anciens les plus modestes devront s’acquitter de la redevance audiovisuelle - qu’ils s’estiment heureux qu’on leur fasse royalement cadeau, juste pour cette année, de 50% de son montant ! C’est toujours sur les mêmes que pèse encore l’augmentation galopante des denrées alimentaires. C’est dans ce contexte général que la ministre de l’Economie annonce qu’elle va autoriser GDF à augmenter les tarifs du gaz.

Flash back.

Nous sommes en mars 2006 et Gaz de France annonce un bénéfice record de 1,743 milliards d’euros, en hausse de 29%. Son PDG, Jean-François Cirelli, observe qu’il s’agit "du bénéfice le plus élevé de son histoire". "Nos perspectives de croissance sont favorables" ajoute-t-il. Et le groupe de claironner qu’il vise pour 2006 un bénéfice net supérieur à 2 milliards d’euros et qu’il va verser à ses actionnaires un dividende en hausse de 48% pour 2005, qui "progresse au-delà" de l’objectif fixé par le groupe lors de l’ouverture du capital, se félicite Cirelli. Formidable donc ? Eh bien non, ce n’est pas assez : il réclame à cor et à cris une augmentation des tarifs du gaz. La précédente remonte à novembre, de 3,8%. Après celle de juillet, de 4%. Avec la régularité d’un métronome, le prix grimpe tous les 5 ou 6 mois : Thierry Breton, alors ministre UMP de l’Economie, accorde une nouvelle augmentation de 5,8%, qui entre en vigueur le 1er mai dernier. On apprend au même moment qu’il donne également son accord à l’augmentation du... salaire du PDG, de 1,8% - Cirelli émarge désormais à 309 981 euros bruts annuels -, assortie pour la première fois d’un bonus sur résultats (plafonné à 40% du fixe). « 70% de cette prime sont versés sur des critères purement financiers. En gros, si l’objectif de 2 milliards de résultat net fixé pour 2006 est dépassé, Cirelli touche sa prime. Or, les seules variables d’ajustement pour le bénéfice, c’est la hausse des tarifs et celle de la productivité », explique alors un responsable de la CGT dans Libération. Pour gagner (encore) plus, le PDG de Gaz de France n’a donc pas le choix : il doit augmenter la rémunération des actionnaires. Alors il tond la laine sur le dos des 11 millions de particuliers abonnés au gaz.

Lors de l’augmentation de mai dernier, il avait juré qu’il ne s’en produirait plus jusqu’en 2010 ! Il ne fallait pas le croire. Dans le contexte de la fusion annoncée avec Suez, sur le point d’aboutir, alors qu’on promet aux actionnaires une "politique dynamique de distribution de dividende" (+50% en 3 ans), il faut prendre l’argent là où il est : dans les poches des usagers ! Alors Christine Lagarde, ardente défenseure du pouvoir d’achat, a donné son feu vert à une nouvelle augmentation.

La nouvelle est passée sans que les médias ne questionnent la légitimité de l’opération, ni ne rappellent les chiffres : les bénéfices de GDF sont passés de 1,15 milliards d’euros en 2004, à 1,75 milliards en 2005, puis à 2,6 milliards en 2006 et, au premier semestre 2007, GDF a déjà réalisé un bénéfice de 1,51 milliards d’euros. Pendant ce temps-là, si l’on ajoute la hausse vertigineuse du prix du fioul, la voie est ouverte pour que, dans un pays qui comptait en 2005 11% de pauvres (vivant avec moins de 800 euros par mois), selon la statistique de l’INSEE publiée en juillet dernier, les gens meurent désormais de froid dans leurs maisons, faute de pouvoir payer une énergie de plus en plus chère.

Mais pour les actionnaires du futur GDF-Suez, tout va bien.

2) Le salaire du président de Gaz de France pourrait être multiplié par six

http://www.capital.fr/Actualite/Def...

Jean-François Cirelli, actuel P-DG de Gaz de France, est appelé à prendre le poste de numéro 2 du nouveau géant français de l’énergie, GDF-Suez, à l’issue de la fusion des deux groupes, que les pouvoirs publics veulent boucler avant l’été 2008. Le numéro 1 sera Gérard Mestrallet, l’actuel P-DG de Suez.

Mais Jean-François Cirelli, salarié du public, ne gagne pour l’instant « que » 300.000 euros brut par an, auxquels il faut ajouter 130.000 euros de bonus, tandis que Gérard Mestrallet a touché, en 2006, 2,950 millions (dont 1,24 million de primes).

Pour réduire un peu l’écart entre les deux dirigeants, un comité de rémunération a été créé au sein du conseil d’administration de Gaz de France. Il comprend Jean-Louis Beffa, le président du conseil d’administration de Saint-Gobain, Philippe Lemoine, le P-DG de la société de services financiers LaSer Cofinoga, et Edouard Viellefond, le représentant de l’Agence des participations de l’Etat.

Ce comité va rapidement se réunir pour fixer le nouveau salaire de Jean-François Cirelli. Il sera transmis à Christine Largarde, la ministre des Finances, seule habilitée à signer le décret qui fixe le niveau de rémunération des dirigeants d’entreprises publiques. Certains membres du comité envisageraient de porter le salaire du numéro 2 de GDF-Suez à 2,5 millions d’euros par an, primes comprises.

Ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, cet énarque a été nommé président de Gaz de France par l’ancien Premier ministre en mai 2004.


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