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ier, ce jeudi 30 octobre, le groupe du RN à l’Assemblée nationale disposait de sa journée d’initiative parlementaire, sa « niche parlementaire », conformément à la possibilité garantie par l’article 48 de la Constitution qu’un groupe minoritaire ou d’opposition – en lieu et place du gouvernement – puisse décider de l’ordre du jour de l’Assemblée une fois par mois.
Au programme de la niche du parti de Marine Le Pen, sept textes plus xénophobes et hypocrites les uns que les autres contre lesquels les député·es insoumis·es ont bataillé sans relâche. Mais la mobilisation du groupe parlementaire insoumis n’a pas suffi face à l’opportune complicité et démobilisation du « bloc central ». Résultat : pour la première fois dans l’histoire, un texte du RN est voté à l’Assemblée. À une voix près, les député·es ont adopté une résolution raciste visant à dénoncer aux accords de 1968 entre la France et l’Algérie. Le retour de l’OAS à l’Assemblée. Notre article.
Des sept propositions inscrites à l’ordre du jour par le Rassemblement national, quatre ont pu être examinées. Le premier texte portait sur la dénonciation des accords franco-algériens de 1968. Nous y reviendrons plus tard. Le deuxième, une proposition de loi raciste visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier, a été rejeté malgré l’alliance RN-LR-Horizons (parti d’Édouard Philippe). Supprimé en 2012, le rétablissement de séjour irrégulier est une obsession récurrente de la droite et de l’extrême droite.
Par ce texte, Marine Le Pen et les siens proposaient de faire encourir une amende de 3 750 euros et de trois ans d’interdiction de territoire aux personnes présentes irrégulièrement sur le sol français. Alors qu’un arsenal législatif impitoyable s’abat déjà sur les personnes en situation irrégulière et que l’accès au séjour se durcit de gouvernement en gouvernement, cette proposition de loi avait d’abord et avant tout pour objectif de consacrer l’équivalence fantasmée du RN entre étrangers et délinquance : une proposition xénophobe, ni plus ni moins.
Le troisième texte, lui aussi rejeté, portait au grand jour l’hypocrisie du Rassemblement national tant sur le plan du soutien à la consommation populaire que sur celui de la défense des agriculteurs. Par ce texte, les député·es RN proposaient une plus grande transparence pour le consommateur quant à l’origine des produits agricoles et alimentaires, quoique, de la bouche même de la rapporteure du texte, ils savaient qu’il se heurterait aux contraintes européennes.
Si cette proposition peut paraître consensuelle de façade – et c’est là toute l’arnaque du RN – elle visait d’abord pour le RN à faire oublier sa défense systématique de l’agrobusiness et le décalage entre ses votes et ses discours sur la défense de la consommation populaire : abstention sur la proposition de loi instaurant des prix plancher pour les agriculteurs, soutien infaillible à la loi Duplomb et à son modèle productiviste, opposition à l’augmentation du SMIC ou à l’indexation des salaires sur l’inflation : telles sont les positions du Rassemblement national lorsqu’il a à se prononcer sur des mesures qui peuvent véritablement changer la vie des gens et des petits agriculteurs. À la place, pour se dédouaner, il propose de coller des étiquettes sur des sacs de pommes de terre.
Le quatrième texte, partiellement examiné, prétendait proposer la gratuité des parkings d’hôpitaux publics après que la France insoumise a largement contribué à mettre à l’agenda la nécessité d’abolir cette privatisation rampante et inhumaine du service public de la santé.
Ainsi, alors que le RN prétend vouloir rendre gratuits les parkings d’hôpitaux publics, il assume de maintenir les contrats avec les opérateurs privés, et son texte ouvre la possibilité à ce qu’une seule place gratuite rende les parkings privés conforme à sa loi en ne précisant ni de nombre, ni de pourcentage minimal de places gratuites, ni leur répartition entre patients, visiteurs et membres du personnel. En bref, une énième proposition d’affichage à laquelle répondra la proposition de gratuité totale qui sera portée par la France insoumise lors de sa niche parlementaire le 27 novembre prochain.
Trois autres propositions inscrites à l’ordre du jour par le RN n’ont pas pu être examinées. Elles proposaient tantôt l’instrumentalisation de la mémoire de victimes d’attentats islamistes pour une surenchère répressive et islamophobe à l’École sans poser la question de ses manques de moyens, tantôt une instrumentalisation – encore – des droits des personnes en situation du handicap par une proposition de loi raciste, dénoncée par les collectifs, ne posant pas non-plus la question du manque de moyens dont disposent les maisons départementales des personnes handicapées.
Un dernier texte visait enfin à limiter un certain nombre de frais bancaires injustes, texte constitué quasi-intégralement de propositions antérieures des groupes communistes et insoumis, et dont le RN savait pertinemment qu’il ne pourrait pas être examiné du fait l’agenda qu’il avait lui-même choisi : lorsque le RN fait mine de s’en prendre au capital, il fait tout pour éviter de s’y attaquer vraiment.
Dénonciation des accords franco-algériens de 1968 : l’alliance de la honte pour un retour en force des nostalgiques de l’Algérie française Si ces six propositions ont soit été rejetées soit non-examinées, il en est une que l’alliance RN-LR-Macronie est parvenue faire adopter : une résolution visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968 issus de la guerre de décolonisation de l’Algérie.
Si cette résolution n’a pas en soi de valeur législative contraignante pour le gouvernement – quoique Sébastien Lecornu se soit depuis lors empressé de se dire favorable à une renégociation des accords – il s’agit d’une décision à la symbolique désastreuse menaçant d’aggraver de manière irresponsable les tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie.
Alors que des centaines de milliers de Français·es ont encore des liens personnels, familiaux ou mémoriels en Algérie, alors que la guerre est finie depuis 62 ans, le RN est parvenu à faire adopter un texte qui stigmatise les Algériens, ressasse ses fantasmes maintes fois démontés d’un lien entre immigration et délinquance, et multiplie les approximations et les mensonges sur les avantages pour l’Algérie issus des accords de 1968.
Un texte adopté à une voix près grâce aux votes des députés LR et Horizons, mais peut-être plus encore grâce aux absences et abstentions opportunes de nombre de députés macronistes du groupe EPR et du MoDem. Un texte raciste, aux relents coloniaux, qui fait la part belle aux discours des nostalgiques de l’Algérie Française. « Le retour de l’OAS à l’Assemblée » a notamment dénoncé le député insoumis Abdelkader Lahmar.
Indéniablement, ce vote est une tache sur l’histoire de la Vème République, la première fois qu’un parti d’extrême droite parvient à faire adopter l’un de ses textes.
Et pas n’importe lequel. Un texte xénophobe, raciste, mensonger, qui se nourrit des fantasmes eux-mêmes créés ou repris de la Macronie au Rassemblement national, de LR à Horizons, pour stigmatiser les personnes de nationalité ou d’origine algérienne, et en définitive, arabe.
Une tache de plus sur l’histoire de la relation de la France avec ses anciennes colonies, une tache qui salit l’impérieuse nécessité d’apaisement entre des peuples aux histoires mêlées de part et d’autre de la méditerranée.
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