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À l’Assemblée nationale, les débats budgétaires sont en cours. Chaque jour, la volonté des macronistes, de la droite et de l’extrême droite d’affaiblir la Sécurité sociale et de rendre la vie impossible aux malades s’accroît. Attaques contre les arrêts maladies, les affections longues durées, sur les APL, les prestations sociales…
Le budget défendu par le Gouvernement est d’une cruauté inédite. Face aux attaques en règle contre la Sécurité sociale et constatant l’inefficacité des « journées d’action saute-mouton », le syndicaliste Frédéric Neau (FO) appelle à « l’organisation du blocage par la grève massive ». Entretien.
« Comment qualifies-tu la politique de Macron et de ses gouvernements vis-à-vis de la Sécu ? »
Frédéric Neau : « C’est une politique visant à la détruire à brève échéance. La Sécu a été attaquée depuis son origine, mais nous assistons dans la dernière période à une accélération de cette offensive sous tous les aspects.
Les exonérations de cotisations en faveur des patrons s’amplifient (77 milliards en 2024) ainsi que la volonté d’abolir définitivement le salaire différé pour y substituer l’impôt. Macron en appelle à la réforme du financement de toute la protection sociale et donne la perspective d’une « TVA sociale »… Or, là où la cotisation permet l’ouverture de droits, la répartition de l’impôt est totalement à la main de l’État. Ce n’est plus la logique du « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».
Les projets de budgets Lecornu pour 2026 sont un concentré de leur politique : d’un côté, une augmentation du budget du ministère des Armées de 6,7 milliards d’euros pour poursuivre la marche à la guerre ; de l’autre, 7,1 milliards d’économies à réaliser sur les dépenses de santé avec un Ondam fixé à 1,6 % (la Fédération hospitalière de France estime qu’il devrait être d’au moins 6 %).
Lecornu frappe encore plus fort que Bayrou ! Attaques contre les arrêts maladie, les ALD, sur les APL des étudiants étrangers, les majorations d’allocations familiales, gel des prestations sociales et des retraites, doublement des franchises médicales… L’arsenal déployé est colossal.
La « suspension de la réforme des retraites », elle, n’est qu’un leurre destiné à éviter l’abrogation revendiquée par les travailleurs et à sauver le gouvernement. Le plan de dissolution du service médical imposé à compter du 1er octobre 2025 est lui-même au cœur de la destruction à l’œuvre. Il s’agit in fine de soumettre les décisions prises par les médecins (en matière de prolongation d’indemnités journalières, d’ALD, etc.) à une ligne comptable dans le cadre de la « résorption de la dette » et de l’effort de guerre… »
« Vous coupez partout comme des sauvages alors que les gens peinent déjà à survivre ! » – Hadrien Clouet pourfend les coupes budgétaires dans le budget de la Sécurité sociale (PLFSS)
« Vous taxez les malades. Vous diminuez les pensions de retraites. Vous baissez les… pic.twitter.com/jwJZNIUoFy
— L’insoumission (@L_insoumission) October 27, 2025
« Que reste-t-il de 1945 dans la Sécu d’aujourd’hui ? »
Frédéric Neau : « L’essentiel, en réalité, car elle permet encore aujourd’hui de faire face aux accidents de l’existence, que chaque jour, dans les caisses, les agents de la Sécurité sociale mettent en œuvre les droits en payant les prestations et les pensions. Son financement reste assis à environ 55 % sur les cotisations, ce qui matérialise toujours son appartenance à la classe ouvrière.
Malgré les attaques portées au cours des décennies, les ordonnances de 1967, la politique d’étatisation et de fiscalisation de ses recettes initiée par la mise en place de la CSG en 1991, malgré les suppressions de postes et les coups portés aux personnels et malgré les projets de Macron, la Sécu et ses fondements sont toujours debout. Le combat pour la sauver et reconquérir ce qui a pu être perdu depuis 1945 est déterminant. »
« Peux-tu nous dire s’il y a un lien entre la défense des droits des agents de la Sécu et le service rendu aux assurés, allocataires et pensionnés ? »
Frédéric Neau : « Le lien est clair, car l’unité de la Sécurité sociale est matérialisée par l’existence d’une Convention collective nationale pour tout le personnel, qu’il se trouve en CPAM, en Caf, en Carsat, en Urssaf… La défense de la Convention collective nationale (CCN) et des droits qui y sont contenus renvoie donc à la défense de la Sécurité sociale elle-même.
Par ailleurs, quand les agents de la Sécu s’opposent aux suppressions de postes imposées par les conventions d’objectifs et de gestion (COG) et revendiquent les embauches nécessaires, ils combattent aussi bien pour leurs conditions de travail que contre l’allongement des délais de traitement et les fermetures d’accueil. Et lorsqu’ils demandent des logiciels qui fonctionnent, ils battent en brèche une politique qui met régulièrement en place des outils défaillants aboutissant à la catastrophe pour les assurés, comme c’est le cas avec ARPEGE en Assurance maladie. »
« Qu’est-ce que le 100 % Sécu pour toi ? »
Frédéric Neau : « Le 100 % Sécu renvoie au projet initial de la CGT en 1945 de gratuité intégrale des soins et au document rédigé par Buisson qui a servi de base aux ordonnances. Ce n’est que sous la pression des mutuelles que cet aspect du projet n’a pas vu le jour et qu’a été instauré le ticket modérateur. En l’occurrence, le 100 % Sécu auquel nous aspirons ne peut se concevoir aujourd’hui dans le cadre de l’étatisation et de la « grande Sécu » évoquée à un moment par Macron. »
« Comment les bloquer selon toi ? »
Frédéric Neau : « Comme les autres salariés, les agents de la Sécu cherchent les moyens d’abattre la politique de Macron. Nous savons que nous ne nous en sortirons pas par des journées d’action saute-mouton. C’est la raison pour laquelle nous cherchons à mettre partout en discussion avec les militants et les collègues la question de l’organisation du blocage par la grève massive et reconduite dont nous avons besoin.
C’est par le terrain que nous forgerons l’unité nécessaire avec les personnels et les autres organisations syndicales dès que c’est possible, pour gagner sur les revendications et, dans le même mouvement, faire refluer la politique de destruction de la Sécurité sociale de 1945. »
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