Maria Corina Machado, le Prix Nobel de l’agression idéologique

dimanche 2 novembre 2025.
 

Le 10 octobre 2025, le monde a appris avec stupéfaction l’obtention du Prix Nobel de la Paix par Maria Corina Machado, adversaire de longue date de l’actuel gouvernement du Vénézuéla. En effet, à minuit, les sites de parieurs ne donnaient pas même 4 % de chances que la femme politique vénézuélienne soit récompensée le jour même. Beaucoup attendaient ou redoutaient une victoire de Donald Trump, qui n’était plus donné qu’à 3 % de chances à une heure du verdict.

Beaucoup de médias ont salué l’attribution du Prix à Mme Machado, présentée comme une championne de la lutte pour les droits humains et la liberté de la presse dans son pays. Cependant, ce storytelling ne tient pas si l’on examine plus attentivement le parcours de l’intéressée, de même que la liste des soutiens. Bien loin d’honorer une militante exemplaire, le Prix Nobel de la Paix 2025 vient consacrer une égérie de l’extrême droite mondiale, qui appelle à une intervention armée étrangère contre sa propre nation. À un tel point que l’on vient à se demander si ce n’est pas finalement Donald Trump qui a remporté la victoire, d’une manière détournée. Notre article.

De la haute bourgeoisie à la haute trahison

Née en 1967 à Caracas, Maria Corina Machado vient d’une famille aristocratique dont la fortune fut basée sur l’esclavage au XVIIIe siècle, reconvertie au XXe siècle dans l’actionnariat et la détention de grandes entreprises telles que l’Électricité de Caracas, la Fonderie Sivensa, la Banque Mercantil, VIASA et les Investissements Tacoa. En 2000, le père de Maria Corina, Enrique Machado Zuloaga, vend l’Électricité de Caracas à une société américaine. Elle appartient de fait à la très haute bourgeoisie vénézuélienne et a mené une enfance qu’elle décrit elle-même comme « protégée du contact avec la réalité ».

Son arrivée en politique est jugée assez tardive, elle s’est fait remarquer pour la première fois sur cette scène au début des années 2000, au moment du coup d’État manqué contre Hugo Chavez (2002). À cette occasion, elle a signé en 2002 le « décret Carmona », qui visait à dissoudre l’Assemblée nationale et destituer les responsables politiques élus. Mais cette tentative a échoué, de par la mobilisation citoyenne et le refus de l’armée nationale. Dès lors, Maria Corina Machado a été considérée comme traîtresse à la nation et aurait pu se voir poursuivie par la justice pour de tels actes. Néanmoins, Hugo Chavez, peu rancunier, décide de l’amnistier, ce qui lui évite 28 ans de prison.

Mais son action anti-socialiste et pro-américaine ne s’arrête pas là, bien au contraire, elle ne fait que commencer. Après avoir fondé son premier parti en 2004, elle bénéficie des fonds du NED américain (National Endowment for Democracy) et du soutien de George W. Bush, qu’elle rencontre une première fois en 2005. Dès lors, elle se positionne comme une adversaire farouche du socialisme au Venezuela. Au moment où Nicolas Maduro arrive au pouvoir, en 2013, elle est prise en flagrant délit de conspiration en vue d’un coup d’État, via un enregistrement téléphonique.

L’année suivante, en février 2014, la droite organise des guérillas urbaines contre le gouvernement, ce que Maria Corina Machado soutient pleinement. Trois ans plus tard, des manifestations extrêmement violentes reprennent, au cours desquelles près de 340 membres des forces de l’ordre seront blessés, neuf tués. Un fait que les grands médias ont totalement occulté, ne parlant que de la brutalité du régime face à ces mêmes manifestations présentées comme pacifiques. C’est suite à ces événements que Mme Machado sera déclarée inéligible, ce qui ne l’empêchera pas d’essayer par tous les moyens de renverser le régime.

Cependant, même la tentative d’invasion américaine et les sanctions mises en place par les États-Unis ne parviendront à faire tomber Nicolas Maduro. Sanctions qu’elle a applaudies, au mépris total de la population concernée. Car d’après une étude menée par trois universités vénézuéliennes, l’embargo décrété par les États-Unis a entraîné la mort de 40 000 personnes supplémentaires par rapport à la moyenne annuelle, dues aux restrictions, sans compter les malades qui n’ont plus eu accès aux traitements venus de l’étranger.

Une figure de l’extrême droite mondiale

Très rapidement, le monde a compris dans quel camp se situe réellement Maria Corina Machado, celui de la droite dure, si ce n’est extrême. Elle a en effet dédié son Prix à Donald Trump et affiche son soutien et même ses félicitations à Benyamin Netanyahou, auquel son parti est officiellement allié depuis juillet 2020.

Aujourd’hui, il existe des liens entre Mme Machado et différents responsables d’extrême droite en Amérique du Sud. Aux dernières élections présidentielles chiliennes, elle a soutenu Antonio Kast, candidat nostalgique de Pinochet au Chili. En Colombie, elle fut partisane d’Ivan Duque, ancien président qui fut proche de Donald Trump, et qui a notamment fait échouer le plan de paix avec les FARC dans son pays. Elle a d’ailleurs appelé à intervenir contre Gustavo Petro si ce dernier était élu président de Colombie en 2022.

Mais ses liens avec l’extrême droite ne se limitent pas à cette partie du monde. En effet, elle a été signataire avec Marion Maréchal Le Pen et Giorgia Meloni, de la Charte de Madrid, lancée par les extrémistes de Vox afin de créer une solidarité internationale de leur famille politique. Elle fait également partie du réseau Atlas néoconservateur américain. Encore à Madrid cette année, elle a participé via vidéo à une réunion néofasciste du groupe Patriotas por Europa.

Il est dès lors consternant de constater qu’en France, notre président s’est empressé de saluer la victoire de Mme Machado. Un certain Raphaël Glucksmann, en bon otanien, n’a pas non plus manqué de la saluer. De même qu’Emmanuel Macron.

Maria Corina Machado représente la frange la plus radicale de l’opposition à Maduro, alors que seuls 3 % des Vénézuéliens souhaitent comme elle une intervention militaire étrangère visant un changement de régime dans leur pays.

C’est également l’occasion de rappeler que son prédécesseur en tant que chef de l’opposition à Maduro, Juan Guaido, était lui aussi d’extrême droite, bien que parfois présenté comme étant de centre-gauche en 2019, au moment des manœuvres américaines contre le Venezuela. Il sera démasqué en soutenant par la suite Jair Bolsonaro et Keiko Fujimori, fille de l’ancien dictateur du Pérou Alberto Fujimori. En 2019, selon Pierre Guerlain, professeur émérite de civilisation américaine à l’Université Paris X–Nanterre, « Guaidó est le visage avenant qui cache ses soutiens d’extrême droite : son projet politique n’est pas humanitaire ou démocratique mais proche de Bolsonaro et d’Abrams ».

Pour l’anecdote, Elliott Abrams est agent spécial américain dont la spécialité reste les coups d’État en Amérique latine, notamment en faisant transiter des armes via des aides humanitaires. Guerlain ajoute qu’« il importe peu que Maduro soit socialiste, autoritaire ou corrompu : ce qui compte est le contrôle des ressources pétrolières, les considérations géopolitiques face à la Chine et à la Russie et le triomphe des marchés ».

Edmundo Urrutia, avec lequel Maria Corina Machado a gagné le Prix Sakharov en 2024, a fait l’objet d’une résolution européenne votée par des députés d’extrême droite pour le reconnaître président légitime du Venezuela, le 19 septembre 2024.

Tout concorde pour affirmer que le Prix Nobel de la Paix 2025 vient anoblir une des égéries mondiales de l’extrême droite en Amérique Latine. Elle consacre la politique d’agression américaine et, par extension, les crimes du gouvernement Netanyahou à Gaza. N’oublions pas que Mme Machado parle déjà de transférer l’ambassade nationale à Jérusalem en cas de victoire au Venezuela. Le Journal Contre Attaque estime à juste titre que « Corina Machado, si elle était au pouvoir, privatiserait l’ensemble des services publics vénézuéliens et céderait les ressources stratégiques aux grandes firmes étasuniennes ».

Après tout, n’est-elle pas une admiratrice des mesures économistes du très libéral Javier Milei, en Argentine ?

Maria Corina Machado, un cheval de Troie en Amérique Latine

En son temps, dans les années 1970, Sevo Tarifa (1927-2023), journaliste, homme politique et intellectuel albanais, estimait que l’agression militaire était presque systématiquement précédée d’une agression idéologique. Nous pourrions aujourd’hui parler d’une agression informationnelle, car elle utilise les médias pour parvenir à façonner l’opinion en sa faveur.

C’est tout particulièrement le cas dans les pays affiliés à l’OTAN. L’invention d’atrocités a longtemps été une technique des agences de services secrets états-uniens afin de discréditer le communisme, pendant la Guerre froide, sans pour autant faire fi d’autres scandales. Elle est de nos jours utilisée afin de détruire l’image des gouvernements socialistes sud-américains.

Selon A.A. Abrams, expert en relations internationales, « l’invention et la publication d’atrocités prétendument commises par un adversaire est depuis des siècles au cœur de la propagande et de la politique comme moyen efficace pour influencer l’opinion publique. Son utilisation peut servir de prétexte à toute une série de mesures hostiles contre des pays récalcitrants : de véritables guerres d’agression deviennent ainsi, aux yeux du public, des guerres de libération des opprimés, des blocus visant à affamer les civils ennemis, présentés sous l’étiquette moralisatrice de “sanctions”, passent de même comme autant d’efforts visant à faire pression sur des gouvernements prétendument abusifs ».

Il est normal d’avoir une opinion négative de Nicolas Maduro et de son gouvernement lorsque celui-ci fait l’objet d’une campagne de dénigrement et de désinformation depuis près de 12 ans. Ce matraquage incessant vise à préparer les esprits à une attaque en règle contre le Venezuela. Et une nouvelle fois, la pression médiatique accompagne l’utilisation des armes.

La page Wikipédia consacrée au coup d’État de 2002 contre Hugo Chavez explique clairement que « les médias privés vénézuéliens ont joué un rôle important en fournissant une couverture médiatique en continu de la grève générale et en soutenant et en diffusant l’appel à rediriger la manifestation vers le palais présidentiel.

Le siège de Venevisión, propriété de Gustavo Cisneros, a notamment été l’endroit choisi par les principaux chefs de l’opposition pour se réunir après la manifestation du 11 avril et, de là, appeler les militaires à intervenir. Les médias privés ont par ailleurs refusé d’interroger des membres du gouvernement après la manifestation, et n’ont pas couvert les manifestations pro Chávez qui ont suivi sa détention par les militaires. Des tentatives des partisans de Chávez pour déclarer qu’il n’avait pas démissionné ont été ignorées ».

S’attaquer à Maduro, c’est s’en prendre à l’héritage d’Hugo Chavez, à une politique ambitieuse socialement et écologiquement. Il faut rappeler que près de 5 millions de logements sociaux ont été construits de 2011 à 2025, de façon à lutter contre le phénomène des bidonvilles, en premier lieu à Caracas.

La loi semences de 2015 vient lutter contre le brevetage du vivant et l’utilisation massive des OGM. Le gouvernement socialiste vénézuélien se bat aussi pour permettre aux petites entreprises familiales, notamment dans l’agriculture, de pouvoir vivre dignement. Les grandes entreprises, surtout pétrolières, ont fait l’objet de nationalisations depuis l’époque d’Hugo Chavez, ce qui vient limiter le pouvoir du grand patronat. Ces réalisations ont bel et bien eu lieu.

Un récent article de Simon Verdiere rappelle une situation tout compte fait bien simple : « Si les États-Unis mettent autant d’acharnement à lutter contre le gouvernement local, c’est bien parce que le Venezuela détient la plus grosse réserve de pétrole au monde. Et au-delà des poncifs médiatiques sur cet État, il est impossible de comprendre sa situation sans avoir conscience de cet enjeu économique énorme et de la pression insoutenable exercée par les USA depuis plus de vingt-cinq ans ».

Face aux provocations de Donald Trump et de ses alliés, le Venezuela ne se laissera pas faire. Il est l’un des pays les mieux armés de l’Amérique Latine et peut compter sur le soutien d’autres gouvernements, à commencer par celui de Gustavo Petro en Colombie. Nicolas Maduro et le PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela) disposent d’une base populaire réelle et active, avec la mobilisation de près de 4,5 millions d’éléments dans des milices d’autodéfense, dès le mois d’août 2025.

De plus, la Chine est venue en renfort en déployant sa puissante flotte nationale. Dans un tel contexte, il faudra plus que 4 000 marines pour intimider le Venezuela, qui doit rester libre et indépendant. Ne laissons pas un prix ou la pression médiatique nous duper.

Par Victor Gueretti


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