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Héritage. En France, on ne devient plus riche : on le naît. Parmi les neuf derniers milliardaires français, sept ont hérité. Pendant que le gouvernement parle de « mérite », « d’effort » et « égalité des chances », le capital se transmet tranquillement, exonéré d’impôts et protégé par les lois et par leur premier défenseur : Emmanuel Macron. L’héritage est devenu le moteur central des inégalités : le vol institutionnalisé de notre époque.
Sur l’échiquier politique, les protecteurs des grands héritiers sont nombreux et organisés. Ce lundi 20 octobre 2025, les députés du RN et les macronistes ont rejeté main dans la main les amendements insoumis visant à instaurer une taxation sur les « super héritages ». Notre article.
Selon le Conseil d’analyse économique (CAE), 60 % du patrimoine détenu aujourd’hui par les ménages provient de l’héritage, contre 35 % au début des années 1970. Autrement dit : en deux générations, la France est redevenue une société d’héritiers. Et la tendance s’accélère.
Les flux annuels d’héritages et de donations sont passés de 8,5 % du revenu disponible net en 1980 à 20 % en 2020. Les transmissions se font désormais plus tôt et plus massivement : au début du XXe siècle, les dons « entre vifs » représentaient 10 % des transmissions ; ils représentent désormais 50 %.
Les familles les plus riches transmettent leur fortune de leur vivant, par des montages juridiques et fiscaux savamment optimisés, afin d’échapper à l’impôt. Résultat : le patrimoine se fige et se concentre. Les plus modestes reçoivent peu ou rien, pendant que les plus riches transmettent des fortunes colossales, souvent à l’abri du fisc.
Le contraste est vertigineux : • La moitié des héritiers reçoivent moins de 70 000 euros au cours de leur vie, • Tandis que les 0,1 % les plus riches transmettent en moyenne… 180 fois ce montant.
Selon Oxfam, les super-héritiers français (le top 0,1 %) reçoivent environ 13 millions d’euros d’héritage, et ne paient qu’environ 10 % d’impôt dessus, contre 45 % en théorie. En clair : plus on hérite, moins on paie. Le rapport entre les 10 % qui héritent le moins et les 10 % qui héritent le plus est de 1 pour 2000. Et 67 % des Français n’héritent de rien du tout.
• Le top 0,1 % des héritiers ne paie qu’environ 10 % de droits de succession, contre 45 % en théorie • Les plus riches peuvent transmettre des millions d’euros sans quasiment rien verser à l’État. • En France, un milliardaire peut donner à chacun de ses enfants un milliard d’euros en actions, avec une imposition de seulement 5,625 %, s’il le fait avant 70 ans • Pendant ce temps, les classes moyennes qui possèdent une maison ou un petit patrimoine sont les seules à subir réellement la fiscalité successorale.
Et les Français l’ont bien compris. Selon un sondage Verian pour Oxfam France, près de 60 % des citoyens se disent favorables à une taxation plus forte des héritages les plus élevés. Loin d’être une idée radicale, la limitation des super-héritages répond à un sentiment de justice profondément ancré dans le pays.
Ce grand transfert menace directement la promesse républicaine. Si rien n’est fait, prévient le CAE, la France risque de revenir à une société d’héritiers comparable à celle du XIXe siècle.
Le patrimoine ne se mérite plus, il se transmet. Et les inégalités s’auto-reproduisent à chaque génération. Les enfants des 10 % les plus riches héritent, investissent et profitent d’une rente de départ : logement, études, capital de départ pour créer une entreprise. Les autres commencent à zéro.
Cette gérontocratie patrimoniale, comme la nomment les économistes, freine l’ascension sociale, étouffe le mérite et condamne toute politique d’égalité réelle. Le rendement du capital dépasse la croissance, ce qui signifie que les riches deviennent toujours plus riches, même sans travailler. L’économie française fonctionne aujourd’hui comme un système féodal modernisé, où le sang remplace le mérite.
Les chiffres donnent le vertige :
• Dans les 30 prochaines années, 25 milliardaires français transmettront plus de 460 milliards d’euros à leurs héritiers, l’équivalent de trois fois le budget de la santé. • Sur ces montants, l’État risque de perdre 160 milliards d’euros à cause des niches fiscales, soit plus que le budget annuel de l’Éducation nationale. • Et les parents fortunés peuvent donner jusqu’à 500 000 € tous les 15 ans à leurs enfants sans payer un centime d’impôt.
Pendant ce temps, le gouvernement parle de « trous dans les comptes publics », de « charges sociales » et de « réduction des dépenses sociales ». Mais le vrai trou est dans la fiscalité des héritages : c’est une fuite de ressources publiques vers des dynasties privées.
Face à cette explosion des inégalités, une solution simple et juste : créer un héritage maximal de 12 millions d’euros par personne, comme le proposent les insoumis dans leur programme L’Avenir en commun.
Au-delà de ce seuil, la partie excédentaire serait réorientée vers l’intérêt général. Ce nouvel impôt ne concernerait que 1 % des héritiers les plus riches et les 99 % restants seraient gagnants ou non touchés. Ces recettes permettraient de financer une garantie d’autonomie à hauteur de 1 288 euros par mois pour chaque jeune adulte. Une mesure simple, juste, et économiquement utile : car les jeunes consomment, s’installent, et font vivre l’économie réelle.
Et contrairement aux discours alarmistes, taxer les héritages excessifs ne détruit pas la richesse, elle la remet en circulation. L’argent des super-héritiers dort dans les fonds spéculatifs, l’immobilier de luxe ou les paradis fiscaux. Réorienté vers la consommation des jeunes et l’investissement public, il relance la demande, l’emploi et la croissance réelle. L’héritage maximal, c’est aussi une politique de relance : un euro redistribué aux ménages modestes a un multiplicateur budgétaire deux à trois fois supérieur à un euro conservé par les plus riches.
Une fiscalité juste, c’est une économie vivante. Par ailleurs, l’héritage ne se limite pas à l’argent : il y a aussi le monde qu’on laisse derrière soi. Laisser à ses enfants des milliards sur des comptes, mais une planète invivable, n’a aucun sens. La véritable transmission doit être écologique et sociale : investir dans la bifurcation, la sobriété, et les biens communs. L’héritage maximal, c’est aussi la possibilité de financer la transition écologique sans creuser les inégalités, pour que chacun hérite d’une planète habitable, pas d’une dette climatique.
Ce qu’il faut transmettre, ce n’est pas une rente, mais un avenir. Plutôt que des fortunes individuelles, il s’agit de transmettre des biens communs :
• Une école publique forte, • Une planète vivable, • Des services publics accessibles, • Une République sociale.
L’héritage collectif doit remplacer la rente privée. Car la richesse d’un pays, ce ne sont pas ses héritiers, ce sont ses citoyens.
7 sur 9 des nouveaux milliardaires français ont hérité.
Les super-héritiers français (le top 0,1 %) reçoivent environ 13 millions d’euros d’héritage, et ne paient qu’environ 10 % d’impôt dessus.
Et pourtant, le gouvernement continue de parler d’effort et de mérite. Limiter les héritages, ce n’est pas punir la réussite : c’est redonner un sens à la justice, à l’égalité, et au progrès. L’héritage maximal, c’est la fin des dynasties et le début d’une République sociale.
Par Elias Peschier
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