Climat : les principaux gaz à effet de serre atteignent des niveaux record

mercredi 22 octobre 2025.
 

Selon l’Organisation météorologique mondiale, la planète a enregistré sa plus forte hausse annuelle de taux de CO2 dans l’atmosphère. En cause, les émissions dues aux activités humaines et aux mégafeux, mais aussi aux écosystèmes qui absorbent de moins en moins bien le carbone.

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À la veille de la COP30, ce sont des résultats qui sonnent comme un dur rappel à la réalité climatique. Selon un bulletin annuel de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les concentrations moyennes des trois principaux gaz à effet de serre dans l’atmosphère – le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) – ont atteint des niveaux sans précédent en 2024.

Selon les chercheurs et chercheuses de l’organisme onusien, les taux de croissance du CO2, le premier gaz contributeur à l’augmentation de l’effet de serre, « ont triplé depuis les années 1960 », passant d’une hausse annuelle moyenne de 0,8 ppm (partie par million) par an à 2,4 ppm par an au cours de la décennie 2011-2020.

Mais l’année dernière, la concentration moyenne mondiale de CO2 a enflé de 3,5 ppm, soit « la plus forte augmentation annuelle depuis le début des mesures scientifiques en 1957 », souligne l’OMM dans son rapport. Ce chiffre dépasse le précédent record de 3,3 ppm, enregistré entre 2015 et 2016.

Enfin, si leur hausse sur 2024 est inférieure à la moyenne annuelle observée au cours de la dernière décennie, les concentrations atmosphériques de méthane et de protoxyde d’azote continuent de croître. En 2024, elles avaient respectivement augmenté de 166 % et de 25 % par rapport aux niveaux préindustriels.

« Depuis l’accord de Paris sur le climat, qui fête cette année son dixième anniversaire, nous devrions être en train de réduire nos émissions et non pas de battre un nouveau record de concentration de gaz à effet de serre », se désole auprès de Mediapart Davide Faranda, directeur de recherche en climatologie au CNRS et auteur principal du prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

Cercle vicieux climatique

D’après l’OMM, la raison « probable » de cette croissance record est « la forte contribution des émissions provenant des feux de forêt » ainsi que « la réduction de l’absorption du CO2 par les terres et les océans ».

En effet, l’Amazonie et l’Afrique australe ont connu des incendies exceptionnels en 2023-2024, en raison de sécheresses sévères accentuées par le chaos climatique et l’effet El Niño – un phénomène naturel cyclique qui réchauffe le Pacifique équatorial tous les deux à sept ans – qui avait cours durant cette période. Résultat, les émissions liées aux feux de forêt sur le continent américain ont ainsi atteint des niveaux historiques en 2024.

La biosphère est de moins en moins apte à répondre aux perturbations climatiques.

Gilles Ramstein, paléoclimatologue

Par ailleurs, si les émissions mondiales de CO2 liées à la combustion d’énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) sont restées pratiquement stables en 2023-2024, les forêts, les prairies et les milieux marins ont absorbé moins de carbone que prévu.

Environ la moitié du CO2 total émis chaque année est recapturée par la Terre. Toutefois, le changement climatique est en train de changer la donne. Au fur et à mesure que la surchauffe planétaire s’intensifie, les océans piègent moins de carbone à cause de la diminution de la solubilité du CO2 dans les mers à des températures plus élevées, rappellent les scientifiques de l’OMM. De même, les sécheresses extrêmes affectent de plus en plus les capacités des végétaux des écosystèmes naturels à capter du carbone.

Dans son rapport, l’OMM parle ainsi de « cercle vicieux climatique » et craint « fortement » que les puits de carbone terrestres et océaniques perdent de leur efficacité, « ce qui augmenterait la proportion de CO2 anthropique restant dans l’atmosphère et accélérerait ainsi le changement climatique ».

« Ce qui saute aux yeux dans ces données, c’est que la biosphère est de moins en moins apte à répondre aux perturbations climatiques. Le dernier rapport du Giec rappelle que d’ici à la fin du siècle, si on continue à émettre toujours plus de gaz à effet de serre, les écosystèmes ne pourront plus absorber 50 % mais seulement 35 % du dioxyde de carbone émis », analyse pour Mediapart Gilles Ramstein, paléoclimatologue et directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement.

« La réduction de la capacité d’absorption des puits de carbone naturels, modélisée depuis des années par les scientifiques, se traduit désormais dans le réel, ajoute Davide Faranda. Nous sommes en train de nous apercevoir que les dérèglements climatiques provoquent des effets rebonds et de boucles de rétroaction qui rendent encore plus difficile le combat pour sauver le climat. »

L’année 2024 avait déjà été marquée par deux faits climatiques sans précédent : elle a été l’année la plus chaude jamais enregistrée et la première à dépasser le seuil symbolique de 1,5 °C de réchauffement.

« C’est l’histoire d’une accélération annoncée, conclut Gilles Ramstein. Ce qui est effrayant, c’est que ça ne percole toujours pas dans le monde politique : aux États-Unis, la droite veut désormais interdire les procès contre l’industrie pétrolière. Et en France, nos émissions de gaz à effet de serre stagnent... »

Mickaël Correia


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