![]() |
Les socialistes démocratiques des États-Unis, (DSA) présentent et soutiennent maintenant des candidatures qui ont un réel pouvoir dans les conseils municipaux et dans les législatures des États partout dans le pays. Ils ont ainsi ramené des demandes économiques progressistes dans les débats.
Plus récemment, l’élu de la Chambre de l’État de New-York, Zohran Mamdani a choqué l’establishment politique en gagnant très franchement la candidature DSA à la mairie de la ville. Il a battu les autres candidats favoris qui visaient le remplacement de l’actuel maire, Eric Adams. Son succès repose grandement sur l’attention précise qu’il a porté sur les enjeux de coût de la vie ce qui a rejoint directement les soucis matériels de New-Yokais.ses les moins fortunés.es. Il offre un test pour le potentiel des politiques sociales démocratiques et pour les rhétoriques populistes disciplinées.
Mais cela soulève aussi des questions plus étendues. Comment les socialistes démocratiques voient-ils les États-Unis dans leur ensemble ? Est-ce que leur appel se confine pour l’instant, aux grandes villes démocrates ? Et est-ce que les candidats.es qui annoncent leur identité socialiste risquent d’atténuer la force de leur populisme économique ?
Pour y voir plus clair sur ces questions, le Fond DSA, Jacobin et le Rosa Luxembourg Stiftung ont procédé du 22 au 24 août à un sondage national auprès de 1,257 personnes susceptibles de voter (aux prochaines élections). L’échantillon a été calibré par âge, genre, éducation, race, géographiquement, et par rapport au vote présidentiel. Quelques résultats émergent de l’enquête qui nous aident à nous situer à la fois sur l’état du socialisme démocratique dans la politique américaine et le potentiel de visibilité que pourraient avoir des campagnes contestataires du style Mamdani dans les zones plus conservatrices du pays.
Premièrement, le socialisme démocratique est maintenant reconnu à l’intérieur du parti démocrate. Les démocrates qui ont participé au sondage préfèrent le socialisme démocratique au capitalisme par une bonne marge. Leur préférence va vers les socialistes démocrates comme B. Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez plutôt qu’aux Démocrates comme Chuck Schumer et Hakeem Jeffries. Leur soutient va autant aux candidats.es se présentant comme socialistes démocrates qu’à ceux et celles qui s’affichent simplement comme Démocrates. Deuxièmement, même si ce n’est pas uniforme, l’ouverture aux socialisme démocrate dépasse la base du Parti démocrate. Il y a chez les Latinos.as et dans la classe ouvrière des espaces de réceptivité même si les termes » « socialisme démocratique » puissent être un véritable repoussoir dans les contextes plus républicains et conservateurs. Cela soulève la question des moyens les plus adaptés pour présenter ce type de politiques à des électorats qui ont peut-être des penchants pour l’économie populiste mais restent sceptiques devant le socialisme démocratique tel qu’ils l’entendent. Troisièmement, le populisme économique est le moyen le plus étendu pour présenter le socialisme démocratique à l’ensemble de la population, soit, un appui important aux messages sur les salaires, les coûts de la vie, la corruption, la bonne gouvernance des entreprises et de leur pouvoir, les coupes en liens avec les positions partisanes, l’ethnicité, les classes sociales, et la géographie.
Pour tirer avantage des progrès immenses que le socialisme démocratique a fait au cours des dernières décennies, les progressistes doivent continuer le travail commencé vers la construction d’un pôle d’économie populiste robuste dans les politiques américaines qui rejette les fausses promesses des deux partis dominants. Tout en étant sérieusement confrontés.es aux compromis électoraux surtout dans les circonscriptions déterminantes, l’expansion doit se faire en dehors des bastions démocrates.
Suivent quelques réflexions clés tirés de ce sondage.
Malgré des appels de Démocrates renommés.es comme le représentant Tom Suozzi, à ce que les socialistes démocrates forment leur propre parti, le sondage DSA Fund/Jacobin/Rosa Luxembourg Stiftung montre que les Démocrates sont vraiment heureux.ses que ce courant soit dans leurs rangs. Ce sondage montre aussi que 45% de l’électorat soutien le socialisme démocratique. C’est une modeste remontée par rapport aux 36-39% recueillis dans les sondages nationaux au cours des décennies passées. L’approbation dans l’électorat démocrate a augmentée sérieusement : 74% y sont favorables. C’est une progression par rapport à un.e membre sur dix déclarant cette position en 2016. Aussi, les Démocrates participant au sondage sont plus d’accord avec A. Occasion-Cotez, B. Sanders et Z. Mamdani que les actuels dirigeants, C. Shumer, K. Jeffries et l’ancienne présidente de la Chambre, Mme N. Pelosy par 20 points de différence (53% contre 33%). Leur préférence va aussi légèrement plus vers les socialistes démocrates (79%) que vers les « Démocrates » (77%).
Ce sondage laisse aussi entrevoir un espace important pour élargir les rangs devant des politiques sociales démocrates. Des 54% de répondants.es qui n’en avaient jamais entendu parler, 43% y étaient plus favorables par rapport au capitalisme ; seuls.es 38% soutenaient cette option. Cette ouverture présente donc un grand potentiel ; il y a là un groupe d’électeurs.trices sympatisants.es qui doivent être invités.es dans le travail de campagne, dans les chapitres locaux et les coalitions.
La proposition socialiste rejoint des parties de l’électorat assez surprenantes. Par exemple, presque une personne sur 6, soit 15% de l’échantillon, qui a voté pour D. Trump en 2024, déclare quand même préférer le socialisme démocratique au capitalisme. Si on compare cet échantillon avec ceux et celles qui ont voté pour D. Trump, on peut voir qu’il est âgé de moins de 45 ans, et plus facilement de couleur autre que blanche. Ce sont les deux groupes qui ont migré vers les Républicains en 2024. Ces électeurs.trices ne constituent pas un groupe figé et représentent une ouverture pour les appels du socialisme démocratique en faveur de ses politiques envers le coût de la vie. C’est une opportunité d’écoute sympathique.
Les dirigeants.es sociaux démocratiques sont aussi percus.es plus favorablement que les Démocrates traditionnels.les parmi toute une série de blocs électoraux déterminants pour le maintien desquels les Démocrates se sont battu dans leurs rangs au cours des dernières années. L’aile Sanders/AOC est perçue plus favorablement que l’establishment du parti par une marge de 42% c. 28% par les répondants.es au sondage membres de la classe ouvrière. De même chez les Latinos.as par 59% c. 29%, chez les ruraux par 37% c.29%, et les électeurs.trices sans diplômes universitaires par 37% c. 29%. Par contre, chez les répondants.es avec une éducation universitaire et qui sont en dehors de la classe ouvrière, l’appui au courant Démocrate traditionnel se tient entre 43% c. 38% pour les premiers et 36% c. 28% pour les autres. Ces résultats démentissent l’idée que le socialisme démocratique n’intéresse que les électeurs.trices professionnels.les possédant un haut niveau d’éducation.
La nouvelle la plus inquiétante est que parmi l’électorat démocrate, l’étiquette « socialisme démocratique » peut coûter cher. En présentant un message avec une candidature sur une plateforme dédiée au coût de la vie, remplacer couramment le mot « Démocrate » par « Socialiste démocratique », dans le sondage, l’appui y tombait sérieusement dans les circonscriptions progressistes clés. Il faudrait donc développer des forces électorales en dehors de la structure démocrate. Parmi les indépendants.es la chute va de 77% à 59% mais ce niveau est encore important. Chez les Républicains.es on passe de 58% à 40%. Cette chute est aussi importante en zone rurale à hauteur de 25 points, substantielle chez les sans diplômes universitaires (-12 points), et au sein de la classe ouvrière, par 11 points.
Plus largement, le concept de socialisme démocratique n’est en faveur de celui de capitalisme que par quelques points. Mais, parmi les indépendants.es et les Républicains.es la différence est de 11 points pour les premiers.ères et un énorme 60 points pour les autres. Les résultats indiquent aussi que la géographie a un impact dans l’attitude envers le socialisme démocratique. L’électorat urbain le favorise par 54% mais les ruraux le font à 52%, les banlieusards.es à 49% contre 40% pour le capitalisme. Si on s’arrête sur les emplois, les travailleurs.euses manuels.les préfère le capitalisme à 57%, les cols bleus à 46% et les employés.es de services à 44 quand même, 41% appuient le socialisme démocratique. Mais chez les travailleurs.euse du secteur socio culturel, les professionnels.les comme les avocats, les universitaires et les journalistes, la faveur va fortement vers le socialisme démocratique à hauteur de 54% c. 35% d’appuis au capitalisme.
Ce portrait ne constitue pas une raison de retrait. Au contraire il milite pour une stratégie (adaptée). Parmi l’électorat sensible aux idées de gauche, une présentation franchement socialiste démocrate, pourrait clarifier les ambiguïtés dans le Parti démocrate et dynamiser l’électorat progressiste. Dans les circonscriptions républicaines ou plus conservatrices, les candidats.es sociales démocrates devraient réfléchir et être créatifs.ves pour trouver une manière de maximiser leur option avec des termes politiques auxquels les indépendants et même quelques Républicains.es puissent se rallier.
Le sondage s’est aussi intéressé aux succès des candidats.es selon leur manière de parler des enjeux polarisants ou de se taire. Le but était d’évaluer si les candidats.es socialistes perdaient des appuis face à leurs politiques économiques les plus déterminantes par rapport à d’autres positions moins populaires qu’ils et elles peuvent prendre selon certains.es critiques. Les résultats sont à la fois encourageants et imposent une sérieuse réflexion.
D’une part, le sondage révèle que prendre position contre la police de l’immigration et des frontières (ICE) mène à une sérieuse augmentation pour le soutien à celles en faveur de l’amélioration du coût de la vie chez les candidats.es qui en font une priorité. L’augmentation est à deux chiffres chez les indépedants.es et même à 40 points de plus chez les Démocrates. Ce phénomène est aussi présent chez les répondants.es de la classe ouvrière (+11 pts) et dans l’électorat sans diplômes universitaires (+7 pts). De même lorsque les candidats.es s’affichent en faveur des droits civiques des personnes transsexuelles, de ceux du peuple Palestinien au lieu de ne rien dire à ces sujets, la baisse d’approbation est négligeable de l’ordre de 3 à 4 points. Même que le soutien au droit des personnes transsexuelles, ne change pas l’appui des indépendants.es. Chez les Démocrates il en est de même, et pour les deux enjeux.
Par ailleurs, les candidats.es qui expriment leur opposition à ICE, voient leur appuie décliner de 20 points chez les Républicains.nes et ceux et celles qui défendent les droits des transsexuels.es y perdent 32 points. De même l’appui en milieu rural baisse de 7 points comme parmi l’électorat sans diplôme universitaire, de 21 points dans celui des personnes de couleur, de 15 points dans celui de la classe ouvrière. Aussi, parler de la cause palestinienne fait baisser de 21 points l’appui des Républicains.nes de 11 points celui des indépendants.es, de 18 points dans l’électorat rural et de 11 points dans celui de ceux et celles qui ne détiennent pas de diplôme universitaire.
Ces résultats ne signifient pas que les socialistes démocratiques devraient changer leurs positions pour se plier aux convictions de l’électorat plus centriste, ou encore de ne pas parler des enjeux moraux importants de notre époque. Ils nous invitent à une approche très disciplinée pour faire campagne autour des enjeux polarisants qui impliquent des différences radicales dans des contextes politiques et sociaux, selon les districts.
Ces réalités en action, qui pèsent sur les séquences et encadrent ( les activités de campagne) peuvent s’avérer critiques spécialement là où la victoire dépend de dépasser la base démocrate et d’atteindre les rangs des indépendants.es et même des Républicains.es.
Comme beaucoup d’autres recherches récentes, ce sondage démontre que, indépendamment de leurs allégeances politiques, de leur ethnicité, de leur classe sociale et de leur lieu de résidence, les électeurs.trices prennent à partie directement le pouvoir des entreprises et demandent une amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière dans notre pays.
L’énoncé : « notre système économique est biaisé en faveur des entreprises et des riches » est soutenu par 60% des participants.es dans tous les groupes démographiques sondés. Les Républicains.nes le soutienne tout juste en dessous de ce niveau. L’appui monte à 70% chez les personnes qui ne détiennent pas de diplôme universitaire, chez les personnes de couleur et les Latinos.as et chez les moins de 45 ans. Au moins six répondants.es sur 10 dans tous les groupes démographiques sont d’accord avec l’énoncé : « les entreprises et les plus riches ont trop d’influence dans le parti pour lequel je vote habituellement ». De même, dans tout l’échantillon, la vaste majorité accuse les propriétaires et les banques de profiter de la crise du logement. Alors qu’une mince majorité de Républicains.nes trouve qu’il est bon que le nombre de multimillionnaires augmente, la majorité des Démocrates rejette cette assertion comme la majorité des indépendants.es, des gens de couleur, des blancs.ches, des diplômés.es universitaires, de ceux et celles qui n’en détiennent pas et des membres de la classe ouvrière.
Ces résultats invitent à un programme comme celui que mettent de l’avant Z. Mamdani et B. Sanders et comme un progressiste économique populiste qui ne se présente pas comme socialiste. Dit clairement, il s’agit d’augmenter les salaires, diminuer les prix, faire cesser les arnaques sur les prix, punir la corruption, protéger les droits des travailleurs.euses à se syndiquer et négocier collectivement, investir pour de bons emplois et les biens publics qui réduiront les dépenses des ménages. Même si l’étiquette « socialisme démocratique » peut être repoussante pour certains.nes, le programme socialiste assis sur la lutte pour le pain et le beurre génère une surprenante large coalition.
Au cours de la dernière décennie, un pôle socialiste démocratique crédible s’est construit dans la politique américaine. Au cours de la prochaine nous devrions voir s’il peut arriver à un programme économique populiste majoritaire tout en encadrant les véritables responsabilités d’une certaine partie de l’électorat et en naviguant entre les entre les enjeux sociaux polarisants en dehors des rangs démocrates. Le faire et faire campagne comme le fait Z. Mamdani ne sera pas qu’animer, ce sera une réaction spontanée prouvant que les politiques concernant les travailleurs.euses d’abord et avant tout peuvent pénétrer partout dans le pays et gagner.
P.S. https://www.pressegauche.org/L-opin...
Tiré de Jacobin.com, septembre 2025 https://jacobin.com/2025/09/democra...
| Date | Nom | Message |