Quand les patrons rêvent de l’union des droites

jeudi 16 octobre 2025.
 

Après lui avoir accordé un soutien inconditionnel, le monde patronal a définitivement tourné le dos à Emmanuel Macron. Au-delà de l’instabilité politique et institutionnelle, il lui reproche d’avoir permis de relancer le débat sur la politique de l’offre. Il prône un rapprochement rapide entre le RN et le reste de la droite pour diriger le pays.

IlIl était leur candidat. Celui dans lequel ils avaient placé tous les espoirs dès 2016, qui allait enfin faire « les réformes nécessaires » à la France. Certains d’entre eux avaient même participé personnellement au financement de sa campagne. Désormais, ils lui ont tous tourné le dos. L’enthousiasme et l’élan qu’Emmanuel Macron avait suscités à ses débuts se sont transformés en un ressentiment et un rejet tenaces à l’égard du président de la République.

Figurant autrefois parmi les plus fidèles soutiens d’Emmanuel Macron, Alain Minc a résumé publiquement le sentiment général du monde des affaires : « Emmanuel Macron est le plus mauvais président de la Ve République. » En privé, les jugements se font encore plus durs. « Macron ? Un irresponsable », tranche un patron de grand groupe. « Il n’y a rien à attendre de lui. Il est en dessous de tout », poursuit un autre, qui lui reproche le « chaos qu’il a créé ».

La rupture était déjà en germes après l’annonce de la dissolution de juin 2024. « Une décision inexplicable, totalement déconnectée. » Sortant de sa réserve, Bernard Arnault, le patron de LVMH érigé en statue du commandeur du monde des affaires, avait alors critiqué vivement le coup de poker du président, allant jusqu’à lui reprocher de ne l’avoir pas informé avant de prendre une telle décision. La nomination de Michel Barnier à Matignon avait un peu calmé leurs craintes : la gauche n’accédait pas au pouvoir. Tous les dangers de voir remettre en cause la politique de l’offre menée au cours des huit dernières années étaient écartés.

Sa chute puis le « calamiteux » gouvernement de François Bayrou avaient ravivé l’énervement. La confiance demandée par Bayrou, avec l’accord d’Emmanuel Macron, et qui a provoqué sa démission – « une faute inexcusable » –, a marqué la rupture définitive. « Depuis, ils ne veulent plus entendre parler de Macron. Ils le haïssent », constate un conseiller de plusieurs patrons du CAC 40.

L’intolérable débat sur la politique de l’offre

Le monde des affaires a mille reproches à faire à Emmanuel Macron : « son irresponsabilité », le fait de « nourrir une instabilité politique et institutionnelle alors que l’économie est en train de caler », de « renforcer l’inquiétude dans le pays ». Pourtant, il y en a un qui écrase tous les autres, c’est la façon dont il a laissé mener le débat sur le déficit et l’endettement, ranimant des questionnements sur la politique de l’offre.

D’un coup, les possibles remises en cause des « acquis » obtenus par le patronat durant ses mandats ont paru possibles. Les questions sur le partage de la valeur, le pouvoir d’achat et l’équité fiscale ont surgi de partout, obtenant un soutien massif de l’opinion. Alors que depuis plus de trente ans, le monde des affaires tenait l’agenda économique, il a soudain mesuré qu’il était en train de perdre la main. « On a perdu le narratif économique », reconnaît un conseiller patronal. Et cela, pour le patronat, c’est impardonnable.

À les entendre, cette perte ne leur incombe pas, même si beaucoup considèrent que Patrick Martin, le patron du Medef, est « trop faible », « trop mou ». Elle incombe à Emmanuel Macron lui-même, qui « n’a pas su tenir ses troupes », qui n’est pas intervenu « pour cadrer le débat ». « Par calcul personnel, il a laissé Bayrou s’enfoncer. Il ne s’est pas soucié du reste. L’économie, les entreprises, il n’en a rien à foutre », s’énerve un patron.


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