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Le tout dernier plan de Trump pour un cessez-le-feu à Gaza a un objectif à court et à long terme. Actuellement, il ne sert pas seulement à détourner l’attention du génocide continu perpétré par Israël, mais aussi à aider Israël à se dédouaner de toute responsabilité pour son action, sans même qu’on puisse envisager de lui infliger une sanction sérieuse. Cet « accord », conclu entre le président américain et le Premier ministre israélien sans aucune participation du Hamas aux négociations, en exigeant qu’il soit accepté tel quel, vise à légitimer la poursuite du génocide par Israël si le Hamas refuse d’accepter le plan.
La « faute » lui en incomberait alors. De nombreux gouvernements, parmi lesquels figurent non seulement les alliés occidentaux des États-Unis et d’Israël, mais aussi de nombreux pays arabes et musulmans, ainsi que la Russie, la Chine et l’Inde, ont accueilli favorablement ce plan. Aucun d’entre eux n’a été disposé à ajouter que, indépendamment de l’acceptation ou non du Hamas, ces violences meurtrières doivent cesser immédiatement.
Cela ne devrait pas surprendre, car par leur inaction alors que ce génocide se déroule depuis plus de deux ans, ils ont montré leur propre dépravation morale et leur indifférence envers le peuple palestinien. Les principaux gouvernements arabes, que Trump souhaite vivement avoir à ses côtés, auraient pu exercer de fortes pressions pour affaiblir sérieusement le soutien des États-Unis à Israël. Au lieu de cela, ils ont été les plus grands traîtres à la cause palestinienne.
L’intensité et l’ampleur des souffrances humaines à Gaza sont telles qu’on ne pourra blâmer nombre de celles et ceux qui sont les plus honorablement engagé.e.s en faveur de la justice pour la Palestine de penser que le Hamas devrait accepter ce plan honteux, même s’il faut rappeler que c’est Israël qui a repris les hostilités militaires, rompant ainsi la trêve en trois phases conclue avec le Hamas plus tôt cette année en vue de la libération éventuelle de tous les otages.
Selon le plan Trump, une équipe gouvernementale de transition sera sélectionnée par lui-même et ses acolytes pour mener à bien les réformes et rétablir l’ordre. Mais les mécanismes et les procédures qui seront mis en place à cette fin sont encore incertains. Cependant, même si le Hamas doit désarmer complètement et libérer d’abord tous les otages avant qu’Israël ne procède à un échange limité de prisonniers, les Forces de défense israéliennes (FDI) conserveront une zone tampon. Une force internationale de stabilisation (ISF) sera mise en place en consultation avec certains des principaux alliés de Trump en Europe (Royaume-Uni) et en Asie occidentale (Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis) à des fins de sécurité, tandis que les forces de l’ONU en seront complètement exclues.
Israël et les États-Unis ont un droit de veto sur le retrait de Gaza, car l’armée israélienne procédera à un retrait progressif basé sur « des normes, des étapes et des délais liés à la démilitarisation qui seront convenus entre l’armée israélienne, la force internationale de stabilisation, les garants et les États-Unis ». Israël peut revenir à la guerre si la « menace terroriste » n’est pas totalement éliminée. L’aide affluera en temps voulu si tout se passe comme prévu dans ce plan, mais c’est un grand « si » !
Ensuite, des investissements massifs de la part d’agences multinationales et d’entreprises privées viendront développer une Gaza où le pouvoir réel ne sera jamais entre les mains des Palestiniens ou de leurs instances représentatives, y compris l’Autorité palestinienne (AP) dirigée par le Fatah, sous-traitant docile des États-Unis et d’Israël. L’AP sert principalement les intérêts d’une élite palestinienne dans les territoires occupés, et plus particulièrement actuellement en Cisjordanie (WB).
À ce stade, tout reste complètement vague, mais ce qui serait incontestable si ce plan aboutissait, c’est que les États-Unis se seraient alors imposés, avec leur partenaire sioniste junior, comme un acteur plus dominant que jamais dans la région. La rivalité structurelle qui prévalait pendant la guerre froide est dépassée depuis longtemps. Les pays signataires des accords d’Abraham n’ont pas renié leurs engagements et les principaux gouvernements arabes sont plus préoccupés par l’Iran, les mouvements de rébellion islamistes transnationaux et les bouleversements démocratiques dans leur propre pays que par Israël.
Comme indiqué au tout début, ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une étape très importante dans une perspective à plus long terme qui vise à liquider le projet palestinien d’autodétermination véritable et à favoriser la mise en place d’une construction politique qui garantirait la subordination permanente des Palestiniens des territoires occupés à Israël.
Cela consisterait à priver les Palestiniens de tout espoir d’avoir un territoire véritablement indépendant et souverain qui serait autonome par rapport à leur classe dirigeante et de la plupart des factions politiques, contraintes quant à elles de se contenter d’une bantoustanisation bien pire que tout ce qui existait dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Pour bien comprendre ce processus, il faut saisir le contenu et l’objectif essentiels de l’« accord du siècle » de 2020 conclu pendant le premier mandat de Trump et considérer le plan actuel de Trump comme la suite logique de ce qui a été défini précédemment.
Les deux personnes clés responsables de l’élaboration de la proposition de 2020 étaient Jared Kushner, le gendre de Trump, agent immobilier, et David Friedman, qui a travaillé comme avocat spécialiste en droit fiscal pour Trump lors de la faillite de ses casinos et qui a ensuite occupé le poste d’ambassadeur en Israël. Friedman n’a jamais caché sa proximité avec les colons israéliens en Cisjordanie et était largement opposé à l’idée que les Palestiniens aient leur propre État.
Ce plan antérieur déclarait que les colonies de Cisjordanie n’étaient pas illégales au regard du droit international et qu’elles resteraient sous souveraineté israélienne, tout en acceptant l’annexion de la vallée du Jourdain avec ses ressources agricoles et hydriques. Une série d’enclaves palestiniennes seraient créées, entourées par un Israël élargi.
En échange de l’obtention par Israël de plus de terres en Cisjordanie, deux enclaves palestiniennes seraient créées dans le désert du Néguev. Alors que la capitale d’Israël a été transférée à Jérusalem avec le plein accord de Trump, l’Autorité palestinienne pourrait établir sa prétendue capitale dans la banlieue de Jérusalem, mais celle-ci serait séparée du reste de la ville par une barrière artificielle contrôlée par Israël. Cette réorganisation du territoire, lui-même démilitarisé, serait attribuée à l’Autorité palestinienne, qui devrait accepter qu’Israël contrôle toutes ses frontières, son espace aérien, son espace électromagnétique et, au nom de la protection de sa sécurité, que la « politique étrangère » de la Palestine soit soumise à l’approbation d’Israël.
En outre, les Palestiniens chassés en 1948, 1967 et après n’auraient jamais le droit de retour, et cet « État palestinien » devrait reconnaître Israël comme un État et une nation juifs. Ce plan a échoué car il dépendait du fait que le Hamas ne soit plus au pouvoir à Gaza et que l’Autorité palestinienne soit disposée à le signer, ce qui n’était pas le cas à l’époque.
Aujourd’hui, la possibilité que le Hamas soit évincé ou que son pouvoir à Gaza soit définitivement érodé est beaucoup plus proche de se réaliser, et l’Autorité palestinienne se considère comme beaucoup plus faible sur le plan géopolitique. Le dernier plan n’était accompagné d’aucune déclaration de la Maison Blanche indiquant que les colonies de Cisjordanie étaient illégales, et encore moins qu’elles devaient être évacuées.
Mais cette fois-ci, Gaza a fait l’objet d’une attention plus sérieuse, ce qui explique pourquoi Trump, peu après son entrée en fonction pour la deuxième fois, a déclaré vouloir transformer une grande partie de Gaza en une Riviera, cherchant comme toujours à créer des opportunités pour ses propres entreprises et sa famille afin de gagner encore plus d’argent. À l’époque, de nombreux commentateurs ont rejeté cette déclaration, la qualifiant de rhétorique exagérée qui ne reflétait pas sérieusement ses intentions ou ses plans.
Le plan 2020 promettait 50 milliards de dollars d’investissements sous forme de prêts, de subventions et d’investissements privés dans l’ensemble des territoires occupés ainsi qu’en Jordanie, en Égypte et au Liban afin d’obtenir, au moins en partie, leur soutien. Cette fois-ci, l’objectif est de créer plusieurs enclaves à Gaza où les Palestiniens pourront résider.
La majeure partie du reste du territoire, y compris les zones où se trouvent de précieux gisements de gaz sur terre et en mer, serait placée sous le contrôle distinct d’entreprises américaines disposées à collaborer avec leurs homologues en Israël et dans d’autres pays. Les partenariats I2U2 [Inde, Israël, Émirats arabes unis, États-Unis] et IMEC [corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe], jusqu’ici au point mort pour des raisons économiques, peuvent désormais espérer commencer à fonctionner plus efficacement.
Oubliez les Palestiniens ! Nous, les gouvernements, même ceux qui ne sont pas idéologiquement amoureux les uns des autres comme l’Inde hindouiste et l’Israël sioniste, pouvons continuer à utiliser comme couverture pour nos hypocrisies morales et politiques, notre soutien bruyamment déclaré et régulièrement répété à une « solution à deux États », tout en ne faisant rien ou le moins possible pour contribuer à sa réalisation.
Netanyahu a clairement indiqué qu’il n’y aurait pas d’État palestinien et il est désormais soutenu par la grande majorité de la population israélienne, même en dehors des colonies de Cisjordanie. Plus important encore, Trump a qualifié ces actes de reconnaissance par un nombre croissant de pays, même alliés, d’actes stupides et de « récompense pour les terroristes ».
Ce qui importe davantage que cette division formelle entre ceux qui réclament cette reconnaissance et ceux qui s’y opposent, c’est ce qu’ils croient et acceptent tous, à savoir qu’une forme d’autonomie, bien loin de toute définition sérieuse d’un État véritablement indépendant, suffira, même s’ils peuvent diverger sur le degré et l’étendue de la domination israélienne.
Y a-t-il une issue pour la Palestine dans sa quête de justice ? Il y a trois raisons pour lesquelles on peut continuer à espérer. La première est l’esprit indomptable et le courage des Palestiniens sous contrôle israélien et dans la diaspora. Ce qu’il faut ici, c’est un nouveau type de direction qui ne soit ni corrompu comme le Fatah, ni comme le Hamas et d’autres groupes, islamistes ou autres, qui croient qu’une stratégie agressive de résistance armée, au-delà de la protection directe de sa famille et de ses biens en cas d’attaque militaire, reste nécessaire dans la lutte collective pour la libération.
La lutte doit être menée de manière fondamentalement non militaire pour les droits et l’égalité au sein de ce qui est en réalité un « Grand Israël » dont la séparation territoriale est une possibilité qui s’amenuise rapidement. Cela renforcera le deuxième nouveau développement qui a eu lieu et qui nous donne un encouragement considérable.
Jamais auparavant, parmi l’opinion publique mondiale, indépendamment de leurs propres gouvernements, il n’y avait eu un tel changement dans la conscience collective en faveur des Palestiniens, reconnaissant la nature terrible, voire diabolique, du traitement que leur inflige Israël. Cette conscience peut s’étendre plus profondément et plus largement si la résistance palestinienne renonce aux moyens militaires, augmentant ainsi les chances de promouvoir l’isolement politique, moral et même économique d’Israël.
Troisièmement, il ne fait aucun doute que le renversement définitif d’un régime autoritaire arabe de premier plan dans la région de l’Asie occidentale bouleversera et érodera considérablement le rapport de forces actuel, qui semble aujourd’hui plus défavorable que jamais au peuple palestinien.
Achin Vanaik
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