Vercingétorix ou l’archétype du héros national

mardi 11 septembre 2012.
 

Figure emblématique de la mère patrie,Vercingétorix incarna, tout au long du XIXe siècle, les vertus héroïques de la Nation. Sa lutte pour la liberté et l’indépendance éveilla chez les Français un sentiment de fierté et de patriotisme exacerbé par les guerres et la résistance à l’envahisseur. En exaltant son génie, sa constance au milieu des revers et sa dignité dans la mort, les républicains en firent un héros romantique dont l’image a traversé le temps.

Les anciens l’ont révélé, les modernes déifié

Figure emblématique de l’histoire de France et de la résistance, Vercingétorix exerça une véritable fascination chez les écrivains patriotes du XIXe siècle. Réhabilité par Amédée Thierry, auteur en 1828 d’une Histoire des Gaulois à succès, son nom inspira une profusion de publications qui légitimèrent l’idée d’une grandeur nationale passée, dont l’actualité politique et internationale devait reproduire fidèlement l’écho. Figure révolutionnaire par excellence, le héros gaulois fut de tous les combats, opposant sa fougue républicaine aux conservateurs de tous poils, plus prompts à voir dans le chef arverne un barbare sanguinaire aux pratiques religieuses animistes. Cette dichotomie posa les jalons du mythe nationaliste dont la IIIe République allait marquer le point d’orgue : au patriotisme jacobin s’opposa ainsi un nationalisme de droite, jamais démenti depuis.

Mère patrie

Au Vercingétorix républicain, mêlant pêle-mêle « chauvinisme cocardier » et « messianisme humanitaire » succéda le héros tutélaire d’un pays hanté par la haine implacable du Germain,que l’imagerie,la poésie et l’érudition s’employèrent à rejeter de toutes leur force.Un lien s’établit ainsi au-delà du temps, qui tendit à légitimer l’unité de la mère patrie et les sympathies historiques. Ultime résistant contre l’envahisseur, le « Brenn » opposa d’abord sa fougue aux traités honteux de 1815, en revendiquant la rive droite du Rhin et la libération des peuples opprimés.

Figure archétypale du guerrier à la fin du Second Empire,servant respectivement les desseins de Napoléon III et des Républicains, il symbolisa ensuite la force et l’unité de la nation. Face au tribun romain, placé à la tête d’une populace criminelle, il se transforma en chef révolutionnaire. Devant l’ennemi, il parvint à instaurer la Terreur ; vaincu certes, mais marque au monde, à l’image d’un Robespierre ou d’un Saint- Just. Personnage romantique, Vercingétorix fut l’incarnation même du héros malheureux, mélange subtil de pathétisme et de patriotisme dont l’image glorifiée ne cessa d’alimenter les manuels scolaires jusqu’à l’époque coloniale.

Homme providentiel

La France affirma ainsi dans le culte des ancêtres sa vocation privilégiée. Un homme aura suffi pour rendre courage à tous. Longtemps après son sacrifice, ses ossements « blanchis par le temps » nous apprennent avec quelle abnégation nos pères, malgré leurs imperfections, ont bataillé pour leur indépendance. À son appel, chacun songe à s’armer, à se couvrir de la saie militaire, à se munir de vivres et de provisions pour les chocs futurs. La France et la Gaule se nourrissent des mêmes passions : amour de la liberté et du foyer, haine implacable de l’ennemi, gloire du peuple et renom personnel, honneur et vengeance. Les morts tombent pour une cause semblable et immuable : la défense du sol natal. Beaucoup d’historiens ont regretté les dissensions incessantes qui ont coûté à la patrie tant de défaites. C’est l’une des raisons pour lesquelles la figure de Vercingétorix s’est imposée dans les manuels scolaires. Les éléments extrêmes se réconcilient autour de son image, qui incarne par-dessus tout la résurrection nationale. En lui, les Gaulois ont trouvé l’homme providentiel que la France de 1914 et 1945 découvrira en Pétain et De Gaulle. Au prix des affirmations les plus contradictoires, l’image de la Gaule reflète l’idée d’une continuité et de la lutte incessante pour la reconquête ou la préservation du territoire.

Vercingétorix préfigure en cela le « citoyen soldat », éternel vengeur de la patrie, dans les tranchées de Champagne, avec la même ardeur que son aïeul sur les champs d’Alésia. À l’heure où l’érudition projette une lueur nouvelle sur nos origines, le mystère gaulois s’estompe peu à peu. Il saura, cependant, retrouver toute sa vigueur dans les moments de crise du XXe siècle, s’inspirant de la tradition historiographique antérieure. Sans doute plus que le reste, l’incertitude qui règne sur la connaissance de nos origines entretient la part de mythe qu’elle recèle. En cela, nos ancêtres Gaulois constituent un fond inépuisable de découvertes.

Bruno Tranchant


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