3.098.000 CADRES : STRESS, FORFAITS, MISSIONS, OBJECTIFS, RÉSULTATS (texte de 2001)

lundi 11 juillet 2005.
 

Le patronat contre-attaque. Menacés par les contrôles de l’inspection du travail qui l’oblige à calculer les horaires des cadres, il multiplie les pressions.. pour que les cadres n’aient plus d’horaires.

Actuellement un cadre, selon le Code du travail, est aligné sur les horaires des autres salariés : 39 h hebdomadaires, et 169 h mensuelles. Malgré une légende erronée qui affirme que les cadres n’ont pas d’horaires, mais des "forfaits" ou des "missions".

DES SALARIÉS COMME LES AUTRES

Pour qu’il y ait un forfait il faut trois conditions :

1. le forfait doit être explicite sinon écrit. Le forfait ne se présume pas. Il doit résulter d’un accord clair.

2. le forfait doit inclure le paiement des heures supplémentaires éventuelles au taux prévu par le Code du travail : à 125 % pour les 8 premières heures, à 150 % dès la 9ème heure au delà de 39 h. Le forfait ne peut dépasser les durées maximales du travail, dites "d’ordre public" : 10 h par jour et 48 h par semaine.

3. le nombre d’heures prévu par le forfait doit être constant.

S’il n’est pas constant, si les heures ne sont payées au taux légal, s’il n’est pas explicite, il n’y a pas de forfait et le cadre travaille 169 h auxquelles s’ajoutent les heures supplémentaires figurant sur une ligne distincte du bulletin de paie.

Sous prétexte que les cadres font un nombre d’heures considérables non payées et que la loi n’est pas respectée, certains en tirent conclusion que, "vu leur salaire", c’est "normal" que les cadres soient soumis à du sur-travail.

Non, c’est illégal, le patron qui fait travailler un cadre, sans relever et comptabiliser les heures, est un délinquant. En effet, depuis la loi Jacques Barrot, du 12 mars 1997, les heures supplémentaires ont été caractérisées comme du "travail dissimulé" et cela permet d’envoyer un patron en correctionnelle : c’est ce qui est arrivé pour le patron de Thomson dans les Yvelines. Et des centaines de grands patrons (Renault) qui ne paient pas les heures sup’ de leurs cadres se sentent menacés et se déchaînent pour contraindre le ministère à abandonner cette loi décisive pour le travail et la vie des cadres.

MARTINE AUBRY REMETTRA T-ELLE EN CAUSE L’ULTIME PROTECTION DES CADRES ?

On nous dit : "les cadres ce n’est pas décisif, ne pleurons pas sur eux, ils ont de bons salaires". Faux : un cadre qui gagne 13 000 F et travaille 60 h par semaine n’est pas loin du SMIC. Faux : les salaires des cadres, dans leur grande majorité ne sont pas si élevés que ça, et ceux qui ne bénéficient d’aucun patrimoine, n’ont que leur force de travail à vendre, font vraiment partie du salariat, soumis au chantage à l’emploi comme les autres, virés à 55 ans comme les autres, attendant une retraite après 160 trimestres comme les autres... Et si les cadres sont contraints de travailler sans limite horaire, c’est toute l’atmosphère de l’entreprise qui s’en ressent. Le respect d’horaires légaux pour les cadres est une garantie d’un meilleur respect des horaires des salariés subordonnés.

Or, des accords de branches récents étendus par le ministère, ont ouvert la porte à la déréglementation.

Déjà, Martine Aubry avait tempêté, en février 1998, contre les inspecteurs du travail qui voulaient faire respecter la loi pour la durée du travail des cadres à Thomson, à Alcatel, Matra, dans les banques...

Les prémisses de la deuxième loi, tels qu’ils nous parviennent, sont inquiétants. Elle discernerait trois catégories de cadres :

1°) les cadres supérieurs dits "de direction" qui échappent à toute loi (donc à toute durée légale du travail).

2°) les cadres "mobiles" qui seraient automatiquement forfaitisés et dont on décompterait le temps à la journée ("l’étalon-heure fait partie du passé" déclare-t-on).

3’) les cadres associés à un travail collectif, qui conserveraient des horaires collectifs. Mais pour ces derniers la RTT se traduirait non par des baisses hebdomadaires mais par des jours de repos compensateurs attribués par l’employeur.

UNE PROFONDE REMISE EN CAUSE DE L’ORDRE PUBLIC SOCIAL

Il y a des raisons historiques au fait qu’il existe dans notre Code du travail des "durées maxima". 10 h maxima par jour, 48 h maxima par semaine : ce sont des butoirs, des protections fondamentales du salarié. protection pour la santé. Qui peut être efficace plus de 10 h ? Qui peut sans dommage pour sa santé et sa vie travailler durablement 10, 12, 15 h ? Qui peut supporter en plus de ses 15 h, le temps de transport et vivre.. encore ? Et des journées de 15 h ça n’a qu’un effet essentiel : il y a déjà 140.000 cadres au chômage, cela supprimera encore des emplois, il restera des centaines de milliers de jeunes diplômés qu’on casera dans des stages-parking ou des CES...

A la fin, le vieux slogan "métro boulot dodo" va finir par devenir subversif : car les cadres ne feront plus que gros boulot, métro et petit dodo.

Ne plus compter les heures, c’est s’engager dans une plus grande remise en cause de toutes les conventions collectives, c’est ouvrir la porte à un esclavage salarié, sous la pression, le stress, le chantage à l’emploi. Mais c’est aussi baisser les salaires : on ne tiendra plus compte des taux horaires, il n’y aura plus d’heures supplémentaires, il n’y a aura plus de contrôle ni interne à l’entreprise, par les délégués, ni externe, par l’inspection du travail.

Et si ça commence par les cadres, ça aura tendance à s’aggraver pour les autres salariés. Ceux qui regarderont leur montre à 17 h 30 le soir et partiront, seront mal vu... Il y aura encore moins de pointeuse, moins de registre de relevé des heures, moins de décompte... C’est le rêve des patrons de l’UIMM et de leurs actionnaires, partout. Voilà l’entrée dans le monde anglo-saxon dont nous étions encore un peu protégés.

Ne nous dites pas que c’est la gauche qui va faire cela dans la deuxième loi ! Nous avons encore confiance : au contraire, on va conforter et faire respecter l’ordre publie social, on va abaisser les durées maxima du travail à 9 h par jour et à 44 h par semaine, on va, enfin, introduire les deux jours de repos consécutifs dans le Code du travail.

Gérard FILOCHE


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